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La servitude par destination du père de famille. Par Jérôme Nalet, Avocat.
Parution : mardi 26 septembre 2017
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Lorsque l’on songe aux différents modes d’acquisition d’une servitude, ceux qui viennent le plus spontanément à l’esprit sont l’acquisition par titre et l’usucapion ou prescription acquisitive trentenaire .
Mais il en existe d’autres dont celui de de la servitude par destination du père de famille.

Lorsque l’on songe aux différents modes d’acquisition d’une servitude, ceux qui viennent le plus spontanément à l’esprit sont l’acquisition par titre (c’est-à-dire résultant d’un contrat) et l’usucapion ou prescription acquisitive trentenaire (pour laquelle il faut justifier d’une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire, selon les termes de l’article 2261 du Code Civil).

Il existe aussi certains cas particulier, comme l’hypothèse de l’enclave ou l’acquisition de bonne foi et par juste titre.

Mais un mode d’acquisition de servitude est très souvent oublié : il s’agit de la servitude par destination du père de famille.

Il faut, à cet égard, citer les articles 692 et 693 du Code Civil.

Selon le premier :
« La destination du père de famille vaut titre à l’égard des servitudes continues et apparentes. »

Le second dispose quant à lui :
« Il n’y a destination du père de famille que lorsqu’il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c’est par lui que les choses ont été mises dans l’état duquel résulte la servitude. »

Ils sont complétés par l’article 694 du même Code qui, lui, reprend l’exigence d’un caractère apparent mais pas celle d’un caractère continu :

« Si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de l’un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d’exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné. »

Comme résoudre cette contradiction ?

La jurisprudence admet l’existence de la servitude par destination du père de famille, même discontinue, lorsque l’acte par lequel la propriété initiale a été divisée ne comporte pas de clause contraire à la servitude.

C’est ce que rappelle l’arrêt rendu par la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation le 2 mars 2017 (n° 15-26.752), en admettant qu’une parcelle puisse bénéficier sur une autre, par destination du père de famille, de servitudes à la fois continues (en l’espèce, d’alimentation électrique et de vue) et discontinue (un droit d’accès).

Si la Cour de Cassation valide la position de la Cour d’Appel, c’est évidemment après avoir vérifié que les fonds litigieux étaient bien issus d’une parcelle ayant appartenu à un même propriétaire ainsi que le caractère apparent des servitudes (fenêtre, fil aérien alimentant l’un des deux fonds, porte pour un accès piéton et rampe pour l’accès de véhicules).

Et elle rappelle bien, ainsi qu’il a été vu plus haut, que l’acte de division ne contenait aucune stipulation contraire à ces servitudes.

Ainsi, si la référence au père de famille paraît désuète, ce mode d’acquisition de servitude conserve son actualité et ne doit pas être oublié par les professionnels du droit ou de l’immobilier au moment d’exercer leur devoir de conseil.

Jérôme Nalet, Spécialiste en Droit Immobilier Avocat Associé au sein de la SELARL FEUGAS AVOCATS http://www.nalet-avocat.com/ http://www.feugas-avocats.com/ https://aslinfoblog.wordpress.com/
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