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Entreprises : comment procéder à un licenciement après la réforme « Macron » ? Par Xavier Berjot, Avocat.
Parution : vendredi 29 septembre 2017
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L’ordonnance « Macron » n°2017-1387 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail modifie en profondeur les règles de notification des licenciements. Pour les entreprises, il s’agit d’une révolution juridique.

1/ Où en-est-on ?

Aujourd’hui, les règles relatives à la motivation et à la notification du licenciement sont complexes et sources de nombreux litiges.

Quel que soit le motif du licenciement (personnel ou économique), l’employeur doit respecter des règles précises et souvent méconnues, pour ne pas encourir une lourde sanction financière en cas de condamnation par le Conseil de prud’hommes.

A titre d’illustration, en cas de licenciement pour inaptitude, la lettre de licenciement doit impérativement mentionner « l’inaptitude et l’impossibilité de reclassement. »
A défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. du 9 avril 2008, n° 07-40356).

De même, en cas de licenciement pour motif économique, il est essentiel de mentionner, dans la lettre de licenciement, que le poste du salarié est supprimé.
Ici encore, cette exigence formelle est requise sous peine de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Enfin, d’une manière générale, selon l’article L. 1232-1 du Code du travail :
« Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.
Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. »

(L’article L. 1233-2 du Code du travail contient une règle identique à propos du licenciement pour motif économique).

Le Code du travail ne définit pas la notion de « caractère réel et sérieux » du licenciement, et la jurisprudence a donc été conduite à préciser ses contours, au cas par cas...

En définitive, la rédaction d’une lettre de licenciement est un exercice particulièrement délicat, source d’incertitudes et de litiges.

2/ Quelle est la réforme « Macron » ?

L’ordonnance « Macron » prend en compte les difficultés de fond et de forme actuellement inhérentes aux procédures de licenciement.

Elle prévoit les principales dispositions suivantes (article 4 de l’Ordonnance) :

a. Sur le formalisme de la lettre de licenciement :

- Un décret en Conseil d’État fixe les modèles que l’employeur peut utiliser pour procéder à la notification du licenciement.
- Ces modèles rappellent en outre les droits et obligations de chaque partie.

Ainsi, la grande nouveauté de la réforme « Macron » réside dans la mise en place de formulaires de type Cerfa (?) que l’employeur pourra utiliser pour procéder au licenciement du salarié.

Cette réforme est valable tant pour le licenciement pour motif personnel (C. trav. art. L. 1233-16) que pour le licenciement pour motif économique (C. trav. art. L. 1233-42).

b. Sur la précision de la lettre de licenciement :

L’ordonnance « Macron » prévoit que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions (à intervenir) fixés par décret en Conseil d’État.

Le texte ajoute que :
- La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.
- A défaut pour le salarié d’avoir formé auprès de l’employeur une demande de précision, l’irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.
- En l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le préjudice résultant du vice de motivation de la lettre de rupture est réparé par l’indemnité allouée conformément aux dispositions du nouveau barème (sur les barèmes, voir l’article Ordonnances « Macron » : l’indemnité pour licenciement infondé est profondément revue.).
- Lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure (…) le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Par ailleurs, en cas de pluralité de motifs de licenciement, si l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation qu’il fait de l’indemnité à allouer au salarié.

3/ Quelle date d’application ? Quelles conséquences pratiques  ?

L’ordonnance Macron n°2017-1387 a été publiée au Journal Officiel du samedi 23 septembre 2017.

Selon son article 40 (§ X) :
« Les dispositions de la présente ordonnance nécessitant des mesures d’application entrent en vigueur à la date de publication des décrets d’application, et au plus tard le 1er janvier 2018. »

En d’autres termes, les règles de forme de notification des licenciements pour motif personnel ou pour motif économique ne seront effectives qu’au 1er janvier 2018 au plus tard.

Reste à savoir ce que seront les « modèles » évoqués par l’ordonnance : formulaires Cerfa, modèles indicatifs, etc. ? Le ou les décrets d’application sont attendus avec impatience...

Xavier Berjot Avocat Associé SANCY Avocats [->xberjot@sancy-avocats.com] [->https://bit.ly/sancy-avocats] Twitter : https://twitter.com/XBerjot Facebook : https://www.facebook.com/SancyAvocats LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b