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Contrôle fiscal : négociation des délais de paiement avec le pôle recouvrement spécialisé. Par Frédéric Naïm, Avocat.
Parution : vendredi 29 septembre 2017
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Intervenant surtout pour assister des entreprises en difficulté, notamment à l’occasion d’un contrôle fiscal, j’aimerais aborder un sujet assez problématique que je rencontre régulièrement.

Il concerne des entreprises qui ont un redressement fiscal. Elles se sont défendues comme elles pouvaient face au contrôleur et au moment de la mise en recouvrement, elles se retrouvent un peu étranglées, et doivent mener une négociation avec le comptable chargé du recouvrement. C’est un moment très important pour l’entreprise. En réalité lorsque vous avez un contrôle fiscal, il faut s’attendre à ce qu’au départ tout soit plutôt abstrait, mais devienne au fur et à mesure de plus en plus concret, tout particulièrement à la réception de l’avis de mise en recouvrement ou l’avis d’imposition ; il s’agit vraiment du moment fort où en fait vous recevez « l’addition ». Ce moment doit être anticipé et préparé bien à l’avance. Attendre la mise en recouvrement pour réagir et prendre éventuellement conseil d’un avocat, est beaucoup trop tardif. L’anticipation est vitale.

Comment se passe la discussion avec le comptable lorsqu’on reçoit la mise en recouvrement ? L’administration fiscale a mis en place une cellule appelée le « pôle de recouvrement spécialisé ». Il s’agit en quelque sorte d’une brigade chargée de recouvrer, par la force ou en douceur, mais le plus souvent tout de même avec force, en utilisant derrière un langage bien préparé des menaces finalement très explicites.

C’est donc un moment très important où il faut absolument être aidé, soit par un avocat, soit par un expert-comptable, ou par qui vous voulez, mais en tout cas par quelqu’un qui connaît la matière, précisément pour être une force à vos côtés dans la discussion et dans les négociations avec l’administration. La négociation est aussi un rapport de force. Il ne faut pas du tout penser qu’en étant gentil, l’administration fiscale sera plus tolérante ou agréable.

En effet le raisonnement de l’administration est très différent, pour des raisons à mon sens totalement justifiées. L’administration n’a pas le droit de faire des faveurs en se basant sur une logique du style « mieux vaut encaisser un peu moins et encaisser, plutôt que d’avoir une société qui soit en défaillance ». Effectivement ce serait un mauvais signal de laisser à penser qu’on peut finalement transiger avec l’administration fiscale et réussir à avoir des ristournes, même lorsqu’on n’a pas déclaré la totalité des sommes imposables. C’est le premier point. Le deuxième point est que votre interlocuteur a lui-même une responsabilité dans la mission de recouvrer. S’il ne fait pas bien son travail, il a une responsabilité personnelle qui est susceptible d’être engagée. Très classiquement c’est une responsabilité juridique qu’il n’a pas de raison de prendre. Il agit à l’intérieur d’un certain cadre.

Quand vous allez négocier avec l’administration fiscale, évitez de donner des garanties personnelles lorsque c’est votre société qui est concernée. A ce propos, je citerai l’exemple d’un dossier où une caution personnelle a été donnée pour un montant extrêmement important. La société n’a pas réussi à résister au plan de règlement que l’administration fiscale a accepté d’accorder contre ce cautionnement. Au final, que reste-t-il ? Une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire, une entreprise qui est donc morte, mais en revanche la caution est toujours bien là et ce sont tous les biens personnels du dirigeant qui sont engagés.

En conséquence, vérifiez bien la pérennité d’un plan de règlement avant de vous engager personnellement ; et à mon avis l’engagement personnel est vraiment à éviter car il existe d’autres solutions, notamment si vous intervenez en amont et que vous vous faites aider avant la mise en recouvrement, pour éviter d’avoir à donner votre cautionnement. Il existe beaucoup de solutions tout à fait légales pour échapper à ce type de garantie. Il faut tout de même comprendre que quand vous allez à un rendez-vous avec le comptable public et qu’il vous dit : « Je ne vous donne un plan de règlement que si vous vous portez caution », c’est typiquement parce qu’il ne croit pas au plan de règlement qu’il accorde. Il vous donne le plan de règlement sans y croire ; il cherche uniquement votre caution. Donc attention. Il ne faut pas donner son cautionnement à la va-vite, ni être prêt à tout donner pour une entreprise. Il faut garder de la distance par rapport à la situation si l’on veut réussir justement à sauver son entreprise mais aussi à se sauver soi-même.

En conclusion on peut négocier avec l’administration fiscale, mais il faut savoir poser les limites de cette négociation et il existe d’autres solutions que l’acceptation de n’importe quel chantage pour avoir un plan de règlement.

Maître Frédéric Naïm, avocat fiscaliste Spécialiste du contrôle fiscal, redressement fiscal, contentieux fiscal [mail->frederic@naimavocats.fr] www.naimavocatfiscaliste.com