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Le contrôle des prises de participation sociétaires agricoles est « effectif ». Par Alexandre Guillois, Avocat.
Parution : mardi 3 octobre 2017
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Dans sa décision du 31 mars 2017 sur le recours pour excès de pouvoir dirigé contre le décret n°2015-713 du 22 juin 2015 relatif au schéma directeur régional des exploitations agricoles et au contrôle des structures des exploitations agricoles, le Conseil d’Etat confirme implicitement le contrôle des prises de participations dans les sociétés agricoles.

Ce contrôle est légale et réglementaire sur le fondement de l’interprétation des dispositions de l’article R.331-1 du Code rural :
« Pour l’application des dispositions du 1° de l’article L. 331-1-1, une personne associée d’une société à objet agricole est regardée comme mettant en valeur les unités de production de cette société si elle participe aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de ces unités de production. »

Il faut bien lire entre les lignes pour comprendre que derrière le prétexte d’une définition de l’associé exploitant agricole, le pouvoir réglementaire instaure un contrôle des prises de participation dans la mesure où la simple qualité d’associé d’une société agricole peut emporter une soumission au contrôle des structures.

La formulation est laconique car le pouvoir réglementaire a tiré les conséquences de l’échec législatif.

Pour rappel, par une décision en date du 9 octobre 2014, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelles les dispositions de la loi d’avenir du 13 octobre 2014 en ce qui concerne le 2° de l’article L. 331-1-1 du Code rural et de la pêche maritime au motif qu’elle ne réservait pas la qualification d’agrandissement aux opérations sociétaires conduisant à une participation significative dans une autre exploitation agricole.
 
« 37. Considérant toutefois, que les dispositions du 2° de l’article L. 331-1-1 du Code rural et de la pêche maritime qualifient d’agrandissement d’exploitation agricole toute prise de participation, quelle que soit son importance ; qu’en ne réservant pas cette qualification aux prises de participation conduisant à une participation significative dans une autre exploitation agricole, ces dispositions ont porté au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi ; que, par suite, dans ce 2°, les mots : « ou de prendre, directement ou indirectement, participation dans une autre exploitation agricole » doivent être déclarés contraires à la Constitution ; »
 
Ces dispositions ont donc été censurées.
 
Depuis, il n’y a eu aucune intervention législative pour reprendre ces dispositions et instaurer un contrôle des prises de participation.
 
Habilement, le pouvoir réglementaire a rapproché le critère d’une prise de participation significative imposé constitutionnellement du critère de la participation effective à l’exploitation reformulé à l’occasion.

On comprend donc qu’il s’agit du contrôle des associés exploitant. A l’inverse, l’entrée d’un associé non exploitant ne sera pas contrôlée.

En cela, le juge administratif pragmatique et saisi simplement d’un contrôle de légalité de ces dispositions considère qu’elles ne sont pas illégales puisque le pouvoir réglementaire réinstaure l’assise textuelle nécessaire pour réaliser ce contrôle en évoquant l’existence de cette volonté législative au détour des précisions sur une autre disposition législative et sans en définir précisément son champs d’application. Le pouvoir réglementaire n’entre donc pas dans le domaine réservé de la loi et n’outrepasse pas son attribution de compétence générale.

Aussi, le pouvoir réglementaire évite la confrontation directe avec le contrôle de constitutionnalité et le critère du caractère significatif de la prise de participation, qui n’est d’ailleurs même pas soulevé.

Le Conseil d’État dans cet arrêt se contente alors d’un raisonnement concessif, une simple prise de participation financière n’est pas soumise au contrôle des structures.

Que ces dispositions, qui se bornent à préciser à quelles conditions l’associé d’une société à objet agricole peut être regardé comme mettant en valeur les unités de production de la société, n’ont ni pour objet ni pour effet de soumettre au contrôle des structures une simple prise de participation financière dans une exploitation ; que le moyen tiré de ce que ces dispositions réglementaires méconnaîtraient la définition de l’agrandissement d’exploitation qui figure au 2° de l’article L. 331-1-1 cité ci-dessus doit, par suite, être écarté ;

Le Conseil d’État concède ainsi que le critère de l’exploitation effective est applicable en matière de prise de participation mais cette considération paraissait évidente.

Partant, la seule assurance à tirer de cet arrêt est que la prise de participation financière d’un associé non exploitant n’est pas soumise au contrôle des structures.

A l’inverse, il n’a pas eu à endosser sa casquette de juge de la constitutionnalité des actes réglementaires et le mystère demeure entier sur l’étendu du critère lié au caractère significatif de la prise de participation imposé constitutionnellement.

Il appartient désormais aux juges du fond de le déterminer…

Alexandre Guillois