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Précisions sur le caractère manifestement excessif des pénalités de retard. Par Sébastien Palmier, Avocat.
Parution : vendredi 6 octobre 2017
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Le centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (CHIPEA) avait confié à la société GBR Ile-de-France la réalisation d’une mission de travaux consistant en la transformation d’un centre médico-psychologique et d’accueil thérapeutique à temps partiel pour les enfants et les adolescents. Les travaux avaient été réceptionnés avec trois ans de retard. En conséquence, le CHIPEA avait notifié à la société GBR Ile-de-France, un décompte général contenant des pénalités de retard d’un montant de 663.686,66 euros H.T.

CE, 19 juillet 2017, centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, n°392707

La société GBR a contesté ce décompte devant le tribunal administratif de Melun. Ce dernier a considéré que le retard dans le commencement du chantier n’était imputable à l’entreprise qu’à compter du 27 novembre 2008 et non du 10 octobre 2007 comme le soutenait le CHIPEA mais qu’il était responsable de la totalité des retards d’exécution, il a donc ramené le montant des pénalités de retard à la somme de 308.025,55 euros.

Les deux parties ont interjeté appel de la décision du tribunal administratif de Melun. Par un arrêt en date du 15 juin 2015, la cour administrative d’appel de Paris avait dans un premier temps considéré que le solde du décompte en défaveur de la société GBR établit par le TA de MELUN était manifestement excessif. La Cour administratif d’appel avait donc réduit ce montant à la somme de 66.392,45 euros.

Les deux parties se sont pourvues en cassation.

Règle n°1 : Les pénalités de retard sont évaluées forfaitairement

Dans un premier temps, le Conseil d’État précise que les pénalités de retard prévues dans les clauses d’un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu’est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d’exécution contractuellement prévus. Ces pénalités sont applicables au seul motif qu’un retard dans l’exécution du marché est constaté et ce, alors même que le pouvoir adjudicateur n’aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.

Règle n°2 : Le juge du contrat dispose de la faculté de moduler le montant des pénalités de retard

Ensuite, le Conseil d’État rappelle les termes de son arrêt OPHLM de Puteaux (Conseil d’Etat, 29 décembre 2008, n°296930), par lequel il a été reconnu au juge du contrat, à titre exceptionnel, le pouvoir de modérer ou d’augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l’ampleur du retard constaté dans l’exécution des prestations.

Règle n°3 : Sur les limites qui s’imposent au juge du contrat dans la modulation des pénalités de retard.

Enfin, et c’est l’apport principal de cette décision, le Conseil d’État fixe les limites dans lesquelles le juge du contrat peut modérer ou augmenter les pénalités de retard dues dans le cadre d’un marché. En l’espèce, les juges du Palais Royal considèrent que lorsque le juge du contrat est saisi par le titulaire du marché de conclusions tendant à ce qu’il modère les pénalités de retard mises à sa charge, il lui appartient de fournir aux juges tous les éléments de nature à établir dans quelle mesure les pénalités présentent un caractère excessif.

En l’occurrence, la cour administratif d’appel avait modérer les pénalités de retard sans vérifier si celle-ci était conforme aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige. Enfin, le Conseil d’État précise que la cour d’appel ne pouvait réduire les pénalités à un montant inférieur au préjudice subi par le pouvoir adjudicateur sans vérifier, au préalable, l’étendue de ce préjudice.

Me Sébastien PALMIER-Spécialiste en Droit Public Cabinet Palmier & Associés- Experts en marchés publics http://www.sebastien-palmier-avocat.com