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Les modes alternatifs de règlement des conflits en droit public : la loi J21. Par Benjamin Ingelaere, Avocat.
Parution : lundi 9 octobre 2017
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La dernière loi, celle du 18 novembre 2016 dite de modernisation de la justice du XXIe siècle accompagnée par le décret du 2 novembre 2016, ont ouvert de nouvelles voies visant à désengorger les juridictions administratives.

Les modes alternatifs de règlement des différents conflits ont connu depuis de nombreuses années un important développement.

La dernière loi, celle du 18 novembre 2016 dite de modernisation de la justice du XXIe siècle accompagnée par le décret du 2 novembre 2016, ont ouvert de nouvelles voies visant à désengorger les juridictions administratives.

La médiation, la transaction ou le retrait volontaire des actes administratifs sont les voies les plus courantes, les dernières dispositions légales visant sans conteste à accroître le recours à la médiation ainsi qu’à la transaction.

Dès lors, en se référant à la formule la plus utilisée, il faut lorsque l’on évoque ces outils de règlement amiable des conflits retenir que leur objectif et de parvenir à un régler un différend sans recourir au juge.

I) Un réflexe de discussion préalable largement pratiquée en droit public.

En premier lieu, le règlement d’un contentieux sans en recourir au juge est le plus classique à savoir la disparition d’un acte administratif à l’initiative de la collectivité, ce sont les fameux recours administratifs préalables, gracieux ou hiérarchiques.

En effet, au visa de l’article L411-2, nous rappellerons que « toute décision administrative peut faire l’objet dans le délai imparti pour introduction d’un recours contentieux d’un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai lorsque dans le délai initial du recours contentieux ouvert à l’encontre de la décision, sont exercés contre cette décision un recours gracieux et à un recours hiérarchique, le délai du recours contentieux, prorogé par l’exercice de ces recours administratifs, ne recommence à courir à l’égard de la décision initiale que lorsqu’ils ont été l’un et l’autre rejetés ».
Il existe donc deux sortes de recours administratifs préalables, le recours gracieux qui est alors adressé à l’autorité ayant pris la décision ou le recours hiérarchique adressé au supérieur de cette autorité.

Nous rappellerons également que ces recours sont les recours « cousins » des recours préalables indemnitaires visant l’obligation de liaison du contentieux en matière indemnitaire.

Ces différents recours préalables doivent permettre d’éviter un contentieux dans la mesure où l’autorité destinataire de ces recours préalables entendrait retirer ou abroger la décision contestée voire à indemniser le préjudice tiré de la prise d’une décision administrative.
Malheureusement à titre d’expérience, justiciables, avocats ou décideurs locaux peuvent témoigner qu’en réalité, dans la pratique, il est très rare que des recours préalables soient entendus favorablement par l’autorité destinataire et bien souvent cela conduit à une saisine des juridictions administratives, saisine qui dans au moins 30 % des cas pourrait être évitée si les parties décidaient d’un commun accord de pousser un peu plus loin et surtout un peu plus longtemps les discussions amiables.

II) Un volet transactionnel trop rarement utilisé.

En second lieu, outre ces recours préalables, nous aborderons ici également la question de la transaction.

La transaction est par définition un mode de règlement des litiges reposants sur la fameuse notion de concession réciproque.

Une transaction trouve le plus souvent sa place lorsque les différentes parties n’ont ni intérêt à s’engager dans une procédure longue et coûteuse, ni intérêt peut-être à exposer sur la place publique leur différend.

Particulièrement utilisée en droit privé, la transaction trouve de plus en plus à s’appliquer en droit public.

Il n’est pas rare ainsi que les cabinets d’avocats assistent collectivités et/ou agents dans ces cadres de transactions soit en matière de contentieux contractuel, soit en matière de relation avec les agents et notamment les syndicats.

C’est l’article L423-1 qui précise : « Ainsi que le prévoit l’article 2044 du Code civil et sous réserve qu’elle porte sur un objet licite et contienne des concessions réciproques et équilibrées, il peut être recouru à une transaction pour terminer une contestation née ou prévenir une contestation à naître avec l’administration. La transaction est formalisée par un contrat écrit. »

Au lendemain de la loi dite J21 et de ses textes d’applications, la transaction prend davantage d’épaisseur et d’importance, toutefois des limites ont été rappelées quant à l’assiette de cette transaction.

Non seulement, bien entendu, il est impossible de transiger sur les intérêts publics fondamentaux des collectivités, on pourrait par exemple aliéner les biens appartenant au domaine public des personnes publiques, il n’est pas non plus question de dilapider de manière grossière les deniers publics.

L’un des terrains de prédilection future de cette loi J21 et du volet transactionnel est sans aucun doute la commande publique, comme nous avions pu l’évoquer en termes d’introduction du présent article. Depuis plusieurs années les pouvoirs publics ont tout fait pour encourager le recours à la transaction tant les juridictions administratives sont parfois essoufflées par le volume de dossiers à traiter.

III) La loi dite j21, vers une médiation accrue ?

« De notre avis et en guise de conclusion, nous espérons bien que ce processus de médiation soit voué à un succès certain en matière administrative, tant la nature même de la justice administrative semble être un terrain propice à la mise en œuvre de cette médiation, les avocats en droit public étant par définition particulièrement rodés à la nécessité de mettre en place des recours préalables, obligatoires ou facultatifs à la saisine des juridictions administratives. »

En dernier lieu enfin, nous aborderons ici la question de la médiation.

Le sujet de la médiation dans le domaine de la justice fait régulièrement les gros titres de la presse spécialisée et des différents acteurs du droit depuis maintenant trois années.

Mais qu’en est-il vraiment en matière administrative ?

Il n’est pas contestable que la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice au XXIe siècle a profondément remodelé le recours à la médiation administrative.
Ainsi qu’il est fort justement rappelé dans un article paru dans l’« Actualité juridique des collectivités territoriales » par Monsieur Yvon Goutal, le recours à la médiation est « une volonté persistante, mais un échec consommé ».

En effet, comme le soulève Monsieur Goutal les résultats statistiques sont très décevants en matière de médiation administrative ou judiciaire puisqu’il est clair que la pratique de la conciliation au sein des juridictions administratives est très marginale.
Il a donc été nécessaire de mettre en place une réforme profonde.

Ainsi les dispositions du Code de justice administrative ont sur ce point étaient remaniées en profondeur.
Désormais, l’expert judiciaire qui est mandaté par une juridiction administrative dans le cadre d’un référé expertise peut se voir confier des missions de médiations, ce qui est particulièrement important.

En effet, d’un point de vue du praticien du droit il n’est pas rare, bien souvent, que les parties ou les avocats s’en remettent à l’expert judiciaire afin d’avoir son avis, en OFF, sur le dossier afin d’être informés sur des considérations parfois techniques, et on regrette bien souvent que l’expert se refuse à faire des préconisations, ce qui effectivement n’était pas de son ressort.

Désormais, la possibilité pour ce dernier de se draper dans le rôle de médiateur pourrait être un atout indiscutable pour un solutionnement amiable de dossiers parfois bien techniques.

Également, le nouvel article L213-5 du Code de justice administrative prévoit, s’agissant de la médiation engagée par les parties que celles-ci peuvent « en dehors de toute procédure juridictionnelle organiser une mission de médiation et désigner la ou les personnes qui en sont chargées ».

Il est également possible pour les parties de demander au président du tribunal administratif ou de la cour territorialement compétente d’organiser une mission de médiation ou de désigner la ou les personnes qui en seront chargées ou de lui demander de désigner la ou les personnes qui sont chargées d’une mission de médiation qu’elles ont elles-mêmes organisée.

Bien entendu, la question qui restait en suspend était celle des délais de recours contentieux puisque bien souvent l’inquiétude légitime des demandeurs est celle de la préservation des délais de recours.

Et bien sur ce point, il est donc logique que le législateur soit venu favoriser l’engagement des médiations préalables à l’exercice d’un recours contentieux en rédigeant l’article L213-6 du Code de justice administrative.

Cet article précise, s’il fallait encore l’indiquer, qu’en cas d’organisation d’une médiation en dehors de toute procédure juridictionnelle les délais de recours contentieux seront interrompus et les prescriptions suspendues à compter du jour où après la survenance d’un différent, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à défaut d’écrit à compter du jour de la première réunion de médiation.

Nous regretterons seulement sur ce point que le statut du médiateur ne soit pas davantage précisé puisque seule la justification « d’une formation et d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation » est indiquée, ce qui ouvre un champ des possibles non négligeable.

De notre avis et en guise de conclusion, nous espérons bien que ce processus de médiation soit voué à un succès certain en matière administrative, tant la nature même de la justice administrative semble être un terrain propice à la mise en œuvre de cette médiation, les avocats en droit public étant par définition particulièrement rodés à la nécessité de mettre en place des recours préalables, obligatoires ou facultatifs à la saisine des juridictions administratives.

Il n’est donc par rare, par nature, d’être amené à engager des discussions amiables avec les contradicteurs de manière systématique dans des dossiers finalement contentieux.

Il s’agit donc ici d’une réforme particulièrement bienvenue, attendue, et appréciée à n’en pas douter par les futurs collaborateurs des acteurs publics.

Benjamin INGELAERE - Avocat Diplômé en Droit Public https://ingelaere-avocats.fr/ https://www.ing-avocat.legal
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