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Principes et actualités de l’article 6ter de la Convention Union de Paris du 20 mars 1883. Par Julie Pierre, CPI.
Parution : mardi 10 octobre 2017
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L’actualité nous donne aujourd’hui l’occasion de nous pencher sur l’exclusion relative à l’article 6ter prévue en droit des marques.
En effet, l’article L711-3 a) du Code de la propriété intellectuelle dispose notamment que « ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe exclu par l’article 6 ter de la convention de Paris en date du 20 mars 1883, révisée, pour la protection de la propriété industrielle ».
Penchons-nous aujourd’hui sur les principes majeurs de cet article (1) avant de nous intéresser à son actualité (2).

1. Principes de l’article 6ter de la CUP

La Convention Union de Paris est un traité international signé en 1883 par quelques pays (Belgique, Brésil, Espagne, France, Italie, Portugal et Suisse) et qui est largement considérée comme la première grande mesure à protéger les droits immatériels. On compte aujourd’hui 177 signataires de la Convention de Paris dont vous trouverez la liste ci-après : http://www.wipo.int/treaties/fr/ShowResults.jsp?lang=fr&treaty_id=2 (couramment appelés « unionistes » ou « pays unionistes »).

La Convention Union de Paris de 1883 a pour objet de faciliter la protection internationale des droits de la propriété industrielle dans l’acceptation la plus large et vise les inventions, les marques de produits, les dessins et modèles industriels, les modèles d’utilité, les marques de services, les noms commerciaux, les indications géographiques ainsi que la répression de la concurrence déloyale.

Outre les règles générales édictées par cette Convention et l’article 6ter, les grands apports de ce Traité sont :
- l’introduction du principe de l’assimilation de l’unioniste traitement au national qui impose que tous les ressortissants des pays unionistes sont traités juridiquement dans chacun des pays de l’Union de Paris comme s’ils étaient un ressortissant de chacun de ces États.
- l’édiction du mécanisme du droit de priorité qui consiste à ouvrir à l’unioniste qui a effectué dans un pays de l’Union Paris une demande de brevet, de marque ou de dessins et modèles auprès de l’office compétent, un délai pendant lequel il peut demander la protection de ce même droit dans les autres pays de l’Union sans que lui soit opposable les divulgations, les faits ou droits qui s’opposeraient à la protection de son droit dans chacun de ces pays quand ces derniers sont intervenus après la date du premier dépôt dans l’Union.

L’article 6ter quant à lui vise à protéger les armoiries, drapeaux et autres emblèmes des États parties à la Convention de Paris, ainsi que les signes et poinçons officiels de contrôle et de garantie adoptés par eux. Depuis 1958 (Conférence de révision de Lisbonne), cette protection a été étendue aux sigles ou dénominations des organisations internationales intergouvernementales.

Toutefois, elle n’a pas été étendue aux armoiries, drapeaux, autres emblèmes, sigles ou dénominations d’organisations intergouvernementales qui ont déjà fait l’objet d’accords internationaux en vigueur destinés à assurer leur protection. Tel est le cas de l’emblème de la croix rouge sur fond blanc par exemple qui est déjà protégée par la Convention de Genève du 12 août 1949 pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne.

Lorsque qu’un État souhaite faire protéger l’un de ses signes ou emblèmes par l’article 6ter, il doit en faire la communication par voie de publication aux autres pays unionistes qui ont 12 mois pour émettre une objection. Toutefois, cette obligation ne s’étend pas aux drapeaux des États qui sont protégés de fait.

L’article 6ter ne contient aucune disposition sur les motifs justifiant les objections à la protection d’un emblème ou d’un signe communiqué. Ces motifs peuvent donc être déterminés par chaque pays recevant la notification. Une objection peut se fonder, par exemple, sur un conflit avec un emblème ou un signe du pays qui formule l’objection ou avec un emblème ou un signe d’un autre État ou d’une autre organisation internationale intergouvernementale qui a déjà été communiqué conformément à l’article 6ter. Il serait aussi possible de faire valoir que l’emblème ou le signe en question n’est pas de nature à pouvoir être communiqué en vertu de l’article 6ter ou qu’il ne s’agit pas d’un emblème ou d’un signe de l’État ou de l’organisation internationale intergouvernementale qui en demande la protection. Une objection peut aussi être formulée au motif qu’une organisation qui souhaite faire protéger un signe ou un emblème ne remplit pas les conditions nécessaires pour pouvoir demander une telle protection selon l’article 6ter ou les principes directeurs de 1992. Il est aussi possible de faire valoir que le signe en question est tombé dans le domaine public dans le pays qui formule l’objection.

Aussi longtemps que demeure l’objection, l’État qui l’a formulée n’est pas tenu de protéger les emblèmes ou les signes en cause.

2. Actualités de l’article 6ter

Il est d’abord à noter parmi les actualités de l’article 6ter, que la Suisse et Cuba ont ajoutés des symboles étatiques. Pour la Suisse : ajout de 5 armoiries et 2 drapeaux (CH61 à CH67) et pour Cuba : ajout d’un signe ou poinçon officiel de contrôle et de garantie (CU10).

Ces symboles étatiques tombent donc désormais sous le coup de l’interdiction prévue par l’article 6ter, à moins qu’ils ne subissent des objections dans certains pays.

Au regard des objections, la Chine semble être le pays le plus émetteur d’objections. Elle a d’ailleurs récemment émis des objections à l’encontre des signes suivants :
- l’armoirie française constituée d’un drapeau français tout en longueur et dont le blanc est figuré sous la forme du visage de profil de Marianne,
- trois armoiries italiennes,
- le signe russe IIB (International Investment Bank),
- sept sigles, dénominations et emblèmes de l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin,
- la dénomination NATO Communications and Information Organization, du signe NCIO et de l’emblème correspondant déposés par l’OTAN,
- un emblème déposé par l’Allemagne.

Singapour s’est également distingué dernièrement en émettant une objection à l’encontre de la célèbre cocarde rouge - blanc - bleu de la Royal Air Force britannique (constituée d’un rond rouge dans un cercle bleu).

Ces signes ne seront donc pas protégés par l’article 6ter dans les pays ayant émis des objections.

Ce qu’il faut retenir de l’article 6ter : Lorsque vous avez un projet de marque, il convient de vérifier que votre projet ne correspond ou ne se rapproche pas d’un signe déclaré par un des états membres de l’Union de Paris sous peine de voir votre marque refusée ou annulée.

Julie PIERRE - CPI Marques & Modèles Fondatrice du Cabinet ANNABRAND