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Le réseau AGN Avocats à la conquête de la France ?
Parution : vendredi 13 octobre 2017
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Depuis quelques années, les avocats font face à une réalité peu réjouissante, les justiciables s’éloignent d’eux, pour des raisons de coûts, d’accès et d’appréhension.
Partant de ce constat récurrent les avocats Frédéric Moréas et Philippe Charles ont été précurseurs dans la volonté d’apporter une autre image de l’avocat, celle d’un professionnel de qualité, plus transparent et surtout plus accessible.

C’est ainsi qu’en 2012, ils ont créé à Paris un cabinet d’avocat d’un type nouveau : une agence d’avocat visible depuis la rue ; le réseau AGN Avocats était né. Ce fut de fait une très grande innovation que d’attribuer le terme "boutique" à une vraie boutique physique d’avocats [1]... Depuis, ce réseau de cabinets civilistes s’étoffe et prend pied un peu partout sur le territoire.

Pour assurer ce maillage du réseau, AGN Avocats a lancé en septembre 2017 « l’opération 60 jours » pour ouvrir 4 nouvelles agences en France.
Le Village de la Justice a interviewé Frédéric Moréas, avocat fiscaliste au Barreau de Paris, pour qu’il nous éclaire sur la stratégie de développement du réseau AGN Avocats.

Marie Depay : Quel est le fonctionnement d’une agence AGN Avocats ?

Frédéric Moréas, co-fondateur d’AGN Avocats.

Frédéric Moréas : Actuellement il existe plus d’une dizaine d’agences AGN Avocats.
Ces dernières font partie d’un réseau pour qui l’avocat est un entrepreneur dont la démarche est de rendre un service à son/ses client(s).
Elles sont le plus souvent constituées de deux avocats qui fonctionnent en binôme.
Les agences traitent spécifiquement certains domaines du droit tel le droit de la famille, le droit du travail, le droit immobilier, le droit fiscal, le droit des entreprises…
Elles ont un discours clair et ont pour mission de simplifier le Droit en rendant plus facile la rencontre avec un avocat et en mettant en avant la transparence dans les honoraires avec des tarifs forfaitaires.
Chaque agence inscrit sur sa vitrine les services qu’elle propose aux justiciables, qu’ils soient particuliers ou professionnels. Ces services étant traduits par un logo.
Avec les avocats constituant notre réseau, nous entretenons des contacts très étroits. Il y a des retours commerciaux réguliers.

Notre réseau vit une certaine « succes story » car des personnes ayant ouvert une première agence en ouvrent une seconde. C’est le cas par exemple à Challans où l’équipe, face à son succès, a ouvert une seconde agence à Nantes, ou encore les avocats de l’agence AGN Avocats de Miribel qui en créent une nouvelle à Lyon.

Quels sont les critères de sélection des avocats à la tête des agences ?

"AGN Avocats rassemble des confrères, au contraire des legaltech qui les agrègent."

Nous recherchons des avocats civilistes souhaitant vivre une aventure entrepreneuriale. Nous veillons à ce que les confrères constituant l’équipe dirigeante d’une nouvelle agence aient la même vision professionnelle et qu’ils s’entendent sur le plan professionnel comme personnel. Cette notion d’entente est importante car un trop fort désaccord risque d’entraîner la fermeture de l’agence ; cela nous est déjà arrivé.

AGN Avocats rassemble des confrères, au contraire des legaltech qui actuellement les agrègent.
Les avocats qui s’adressent à nous ont un esprit d’entreprise. Certains ont déjà les fonds nécessaires pour ouvrir une agence, d’autres non et nous leur apportons une aide financière pour ouvrir une agence AGN Avocats.
Une fois sélectionnés les avocats sont formés sur le campus HEC Paris et dans nos agences.

Quelle est la raison d’être du programme AGN Talents ?

Nous constatons qu’il est difficile pour les avocats de s’installer, nous avons donc imaginé un programme pour les accompagner dans cette aventure qu’est la création d’un cabinet. Dans cette optique, nous avons réalisé une levée de fonds en 2016 afin de financer ce programme et d’apporter une aide financière à ces confrères souhaitant s’installer.

Les avocats sélectionnés pour le programme AGN Talents sont souvent des collaborateurs en cabinet qui ont envie de se lancer dans les nouveaux modèles de la profession mais qui ne savent pas comment s’y prendre.
Nous les formons à HEC, tant sur les modèles physiques que sur la stratégie digitale et la gestion d’agence. Puis, nous les intégrons dans nos agences avant de les aider dans le financement de leur propre agence.

Nous avons reçu à ce jour plus de 250 candidatures de confrères pour participer au programme AGN Talents. Nous les contactons tous afin de connaître leurs valeurs et leurs attentes dans le métier.
Ne sont retenus que les avocats dont la spécialité est en lien avec le droit civil ou le droit du travail et dont l’esprit d’entreprendre correspond à celui de notre réseau.

Quelle est l’origine de "l’opération 60 jours" ? Pourquoi avoir opté pour cette stratégie de communication ?

"Le regroupement de confrères est la clef de l’évolution de la profession d’avocat."

Il n’y a pas de stratégie de communication, nous souhaitons juste communiquer sur un mouvement qui est en train de naître.
Nous croyons en la possibilité d’ouvrir une agence AGN Avocats tous les deux mois car cela répond à une demande tant des confrères qui nous sollicitent que des justiciables.
Le regroupement de confrères est la clef de l’évolution de la profession d’avocat. Il est toujours plus difficile de tout faire tout seul. A plusieurs on a plus d’impact et on va plus loin. Cette pluralité favorise la communication et la visibilité.

De votre point de vue, est-il difficile d’évoluer, d’innover pour la profession d’avocat ?

La profession est traversée par un courant plutôt moderne qui souhaite une évolution de la profession d’avocat. En parallèle il existe un courant conservateur, certes il est minoritaire mais il se trouve à certaines responsabilités importantes. Ces mentalités conservatrices se retrouvent parfois dans certains barreaux et dans les instances ordinales au niveau national. Elles sont réticentes au changement, et pour ces personnes la solution ressemble plutôt au proverbe « Pour vivre heureux, vivons cachés ».

"La déontologie ne doit pas être un outil de régulation économique (...)"

Notre vision du cabinet d’avocats ne plaît pas ou ne correspond pas à tous. Les représentants d’un barreau en particulier [2] nous reprochent l’affichage des domaines d’activités de nos agences sur les vitrines. Opposition quelque peu passéiste alors que la profession dans son ensemble mène une réflexion sur la numérisation et l’ouvertures aux capitaux extérieurs…
Certes, la profession d’avocat est une profession auto-régulée, mais il faut se souvenir que l’auto-régulation est une marque de confiance du législateur à utiliser uniquement dans l’intérêt général. La déontologie ne doit pas être un outil de régulation économique mais un outil de régulation professionnelle.

Propos recueillis par Marie Depay pour le Village de la Justice.

[1Petit rappel : La première agence AGN Avocats a été ouverte en 2012 à Paris par Philippe Charles et Frédéric Moréas, avocats. L’originalité de ce cabinet est de concevoir le cabinet d’avocats comme une boutique, une agence du droit. Avec comme tout magasin, une vitrine où sont affichés sous forme de logo les services et tarifs proposés par l’avocat.

[2Les représentants du Barreau d’Aix-en-Provence.