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L’action en partage exercée par un créancier contre un époux : quel est le juge compétent ? Par Héloïse Kawaishi, Avocat.
Parution : lundi 16 octobre 2017
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A propos de l’arrêt rendu le 1er juin 2017 par la Première Chambre Civile de la Cour de cassation (pourvoi n°15-28344, publié au bulletin).

L’arrêt rendu le 1er juin 2017 par la Première Chambre Civile de la Cour de cassation (pourvoi n°15-28344, publié au bulletin) traite de l’identification du juge compétent dans le cadre de l’action en partage exercée par le créancier personnel d’un indivisaire.

En l’espèce, à la suite de la condamnation d’un époux propriétaire d’un bien en indivision avec son épouse à payer une certaine somme, une société créancière a saisi le juge aux affaires familiales sur le fondement de l’ancien article 815-17 alinéa 3 du Code civil.
Les créanciers personnels d’un indivisaire ont en effet la faculté de provoquer le partage au nom du débiteur ou d’intervenir dans le partage provoqué par lui.

Au visa de l’article L. 213-3 du Code de l’organisation judiciaire, la Cour d’appel de Paris s’est déclaré incompétente au motif que l’absence de séparation des époux l’empêche de connaître de cette procédure.

Pour mémoire, ce texte énonce que le juge aux affaires familiales connaît :
- « 1° De l’homologation judiciaire du changement de régime matrimonial, des demandes relatives au fonctionnement des régimes matrimoniaux et des indivisions entre personnes liées par un pacte civil de solidarité ou entre concubins, de la séparation de biens judiciaire, sous réserve des compétences du président du tribunal de grande instance et du juge des tutelles des majeurs ;
- 2° Du divorce, de la séparation de corps et de leurs conséquences, de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, des personnes liées par un pacte civil de solidarité et des concubins, sauf en cas de décès ou de déclaration d’absence ;
- 3° Des actions liées : a) A la fixation de l’obligation alimentaire, de la contribution aux charges du mariage ou du pacte civil de solidarité et de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants ; b) A l’exercice de l’autorité parentale ; c) A la révision de la prestation compensatoire ou de ses modalités de paiement ; d) Au changement de prénom ;e) A la protection à l’encontre du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin violent ou d’un ancien conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin violent ; f) A la protection de la personne majeure menacée de mariage forcé.
 ».

Faisant grief à l’arrêt d’appel, la société créancière a formé un pourvoi en cassation. La question posée aux juges du droit était la suivante : le créancier personnel d’un indivisaire peut-il saisir le juge aux affaires familiales d’une action en partage d’un bien indivis appartenant à des époux non séparés ?

Cassant et annulant l’arrêt d’appel, la Première Chambre Civile de la Cour de cassation a jugé que le créancier personnel d’un indivisaire peut saisir le juge aux affaires familiales d’une action en partage d’un bien indivis appartenant à des époux non séparés.

Au visa de l’article L. 213-3 du Code de l’organisation judiciaire, les juges du droit rappellent que « la compétence spéciale du juge aux affaires familiales pour connaître de la liquidation du partage des intérêts patrimoniaux des époux n’est pas subordonnée à la séparation des époux ».
Par là-même, les juges du droit illustrent la volonté législative d’extension de la compétence du juge aux affaires familiales conformément à la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures. La compétence du juge aux affaires familiales ne doit pas être restreinte à un contexte de séparation des époux.
Bien au contraire, le juge aux affaires familiales a vocation à examiner toutes les questions relatives au partage des intérêts patrimoniaux des époux. Il importe peu que ces derniers cohabitent, soient séparés de fait ou bien en instance de divorce. Le juge aux affaires familiales sera compétent.

Cet arrêt n’est que l’application d’une règle plus générale énoncée par la Cour de cassation dans le même arrêt : « l’action par laquelle le créancier personnel d’un indivisaire provoque le partage d’une indivision, exercée au nom de ce dernier, doit être portée devant le juge compétent pour connaître l’action de ce débiteur ».
« L’action oblique » du créancier doit être exercée devant le juge du débiteur. Si le juge aux affaires familiales est compétent pour connaître de l’action du débiteur, le créancier saisira le juge aux affaires familiales.

Maître Héloïse Kawaishi, avocat au Barreau de Paris et fondatrice du cabinet Channel Avocat situé à Londres, vous accompagne dans le cadre d’une action en partage.