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Un été lucratif avec l’aide d’AirBnB, Homelidays ou Abritel ? N’oubliez pas de vérifier vos obligations de déclaration ! Par Bernard Rineau, Avocat.
Parution : mardi 17 octobre 2017
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Petit rappel pour les propriétaires [1] proposant la location de leur résidence principale [2] – ou secondaire – durant la période estivale, via, notamment, les plates-formes de courtage AirBnb, Homelidays ou encore Abritel.

Ce rappel ne semble pas inutile, alors que, selon le site des Décodeurs du Monde, le nombre d’annonces d’hébergement Airbnb a par exemple augmenté, entre 2016 et 2017, de plus de 50% à Nantes, et de plus de 70% à Bordeaux.

Deux régimes de contraintes légales et réglementaires de déclaration sont à vérifier : celui des obligations d’enregistrement/déclaration en mairie en raison de l’activité elle-même (I.), et celui des déclarations liées aux revenus tirés de l’activité (II.).

I. Les obligations d’enregistrement et de déclaration en mairie : des obligations à géométrie variables en fonction des villes et de la nature de la résidence.

A) Location d’une résidence principale.

1. A Paris, Bordeaux et Nice : obligation d’enregistrement préalable à toute location

Si la résidence principale [3] louée est située dans l’une de ces trois villes, vous devez obligatoirement vous enregistrer auprès de la mairie, et ce quelle que soit la durée totale de location de la résidence principale dans l’année.

Le numéro qui vous sera communiqué à l’occasion de l’enregistrement devra figurer sur l’annonce mise en ligne.

S’agissant de Paris, ville comptant le plus d’annonces Airbnb en Europe, il faut préciser que l’obligation de faire figurer le numéro d’enregistrement sur les annonces diffusées entrera en vigueur seulement à compter du 1er décembre 2017, et que la Mairie a ouvert un téléservice destiné à faciliter la démarche depuis le 1er octobre 2017 (disponible ici).

2. Ailleurs.

Si la résidence est bien principale, c’est-à-dire qu’elle est louée en entier pour une durée maximum de 4 mois (ou 120 jours par an, consécutifs ou non), aucun enregistrement ni aucune déclaration n’est à réaliser.

Toutefois, il convient de vérifier régulièrement, auprès de la mairie, si une délibération n’a pas rendu l’enregistrement obligatoire, en particulier si l’immeuble loué se trouve dans une ville de plus de 200.000 habitants , dans les départements des Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, ou dans une zone dite « tendue », soit les communes figurant dans la liste accessible via ce lien.

Enfin, n’oubliez pas qu’en tout état de cause, une résidence principale ne doit pas être louée plus de 4 mois / 120 jours par an, et qu’un même séjour ne peut pas dépasser 90 jours.

B) Location d’une résidence secondaire.

Etant une résidence secondaire, le logement ne bénéficie pas de l’exemption réservée aux résidences principales par la loi ALUR, en matière d’autorisation de changement d’usage (étant précisé que constitue un changement d’usage la location, même à titre très occasionnel, d’un local d’habitation – le local acquérant alors la nature de local destiné à la location touristique).

L’article L 631-7 du Code de la construction et de l’habitation dispose que le changement d’usage d’un local destiné à l’habitation est obligatoirement soumis à autorisation préalable si ce local est situé dans une commune de 200.000 habitants, ou bien dans les départements des Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, et du Val-de-Marne : néanmoins, pour l’application de ce texte, il est indispensable que les mairies concernées aient adopté un règlement local d’application.

S’agissant des autres communes, l’autorisation préalable peut également avoir été rendue obligatoire par les autorités administratives compétentes, et/ou la mairie, selon les cas (Article L 631-9 du Code de la construction et de l’habitation).

En somme, il est indispensable de se renseigner auprès de sa commune : à ce jour, à la connaissance des auteurs (lesquels n’ont pas vérifié la situation des 35.585 communes françaises), seules les villes de Paris, Marseille, Lyon, Strasbourg et Nice ont adopté un règlement local d’application.

1. A Paris, Marseille, Lyon, Strasbourg et Nice.

Dans ces cinq villes, une autorisation de changement d’usage est donc à demander, préalablement à la location, auprès des services compétents de la mairie.

S’agissant des modalités pratiques, il convient de se rapprocher de la mairie.

Il convient toutefois de noter qu’à l’inverse de l’obligation d’enregistrement évoquée supra, ou de la simple déclaration évoquée infra, il peut être très difficile d’obtenir une autorisation de changement d’usage.

En effet, la municipalité, dans le cadre de sa politique du logement, peut imposer au propriétaire une compensation, sous forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ne l’étant pas jusqu’alors, ou bien d’acquisition d’un titre de compensation à un tiers (comme un bailleur HLM) : ainsi, à Paris, les règles de compensation sont particulièrement strictes, surtout dans les secteurs les plus touristiques (cf. le règlement municipal, disponible ici).

2. Ailleurs.

Seule une déclaration en mairie est obligatoire, via le formulaire CERFA n°14004*02, disponible au téléchargement en cliquant sur ce lien.

Toutefois, et de même que pour l’obligation d’enregistrement, il convient de vérifier régulièrement, auprès de la mairie, si une délibération n’a pas rendu l’autorisation préalable obligatoire, spécialement si la résidence secondaire louée se trouve dans une ville :
- qui se trouve dans le champ d’application de l’article L 631-7 du Code de la construction et de l’habitation, cette ville étant supposée adopter un règlement local d’application (villes de plus de 200.000 habitants [4], départements des Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne) ;
- dans une zone dite « tendue », soit les communes figurant dans la liste accessible ici.

Enfin, si contrairement aux résidences principales, il n’existe pas de limite quant au nombre de jours de location dans l’année, en revanche la limite des 90 jours maximum par séjour s’applique.

En conclusion, que vous louiez votre résidence principale ou secondaire, il est conseillé de vérifier, en mairie, les obligations qui pourraient s’appliquer à votre situation.

Une dernière chose : si le logement loué est situé dans un immeuble collectif, n’oubliez pas de vérifier, préalablement à la location, si le règlement de copropriété ne restreint pas les droits des copropriétaires.

Le cas n’est pas rare, certains immeubles de standing restreignant très fortement toute activité dans l’immeuble (clauses d’habitation bourgeoise).
Sachez toutefois que la Cour de cassation a déjà jugé qu’à partir du moment où le règlement de copropriété autorisait l’exercice d’une profession libérale (médecins, dentistes, avocats…), il ne pouvait pas exiger une autorisation préalable de l’assemblée générale pour les locations en meublé, dès lors que les nuisances des deux activités sont identiques (Cass. 3ème civ. 8 juin 2011, n°10-15891).

II. Les obligations liées aux revenus tirés de la location occasionnelle.

Trois types d’obligations sont à considérer : celles attachés à l’impôt sur le revenu (A.), celles attachés aux cotisations sociales obligatoires (B.), et enfin celles attachées à la collecte de la taxe de séjour (C.).

A) Obligations attachées à la détermination de votre impôt sur le revenu.

Le principe est simple : tout euro gagné grâce à la location occasionnelle de votre résidence doit être déclaré, en joignant, à la déclaration de revenu basique (formulaire n°2042), le formulaire 2042 C PRO (même si vous n’êtes pas un professionnel).
Pour une déclaration en ligne, il conviendra de cocher la case « Loueur Meublé non Professionnel ».

Il convient ensuite de distinguer selon le montant des recettes annuelles tirées de la location : en dessous de 33.200 euros (pour les revenus 2017) (i.), et au-dessus (ii.).

1. En dessous de 33.200 euros de revenus annuels tirés de la location.

Lorsque ce montant n’est pas dépassé, le loueur est soumis par défaut au régime micro-BIC (Bénéfices Industriels et Commerciaux), en lieu et place du régime réel.

Le principal avantage de ce régime est sa simplicité : le loueur bénéficie d’un abattement forfaitaire de 50% sur ses recettes au titre des charges, et n’a donc pas à collecter ses factures et à faire le compte des frais et charges afférents au logement loué.

Attention toutefois : dans de nombreux cas, le régime réel, plus contraignant, pourra néanmoins être plus intéressant, par exemple dans l’hypothèse de travaux, de charges de copropriété importantes, etc… (étant en outre précisé qu’il est possible d’imputer des déficits sur les bénéfices de même nature réalisés au cours de la même année et des dix années suivantes).

Vous pouvez alors opter pour le régime réel, le choix de l’option se faisant par l’envoi d’un courrier à l’administration fiscale, de préférence en lettre recommandée avec accusé de réception (pour les propriétaires ayant déjà déclaré, par le passé, des revenus de location meublée au régime micro-BIC, la démarche doit être réalisée avant le 1er février de l’année au titre de laquelle le loueur souhaite déclarer au réel ; pour les autres, il est possible de s’enregistrer au régime réel via le formulaire n°11921*03, aussi appelé P0i, disponible ici).

Cette option est valable un an, renouvelable par tacite reconduction chaque année. Elle oblige le contribuable à remplir la déclaration spéciale n° 2031-SD, le montant du résultat étant reporté sur la déclaration 2042 C PRO.

2. Au-dessus de 33.200 euros de revenus tirés de la location.

C’est le régime réel qui s’applique automatiquement : l’ensemble des charges et frais sont déductibles, de même que l’amortissement du bien, et le loueur doit obligatoirement joindre une déclaration spéciale n°2031-SD à sa déclaration de revenus (cf. supra).

B) Obligation d’affiliation au RSI/règlement des cotisations sociales

1. En dessous de 23.000 euros de revenus tirés de la location.

En dessous de 23.000 euros de revenus locatifs, ceux-ci sont considérés comme des revenus du patrimoine, soumis par conséquent à la CSG et à la CRDS au taux de 15,5% et donc prélevés dans le cadre de l’impôt sur le revenu.

Il n’y donc pas d’obligation d’affiliation à un régime de sécurité sociale.

2. Au-dessus de 23.000 euros de revenus tirés de la location.

La règle est simple : résidence principale ou secondaire, au-delà de 23.000 euros de revenus locatifs par an, le loueur doit s’affilier au RSI (Régime Social des Indépendants), et donc verser, ensuite, les cotisations sociales appelées par l’organisme gestionnaire.

S’agissant de ces cotisations :

En régime micro-BIC, le taux de cotisation est de 22,7%, appliqué aux recettes perçues.
En régime réel, le taux de cotisation est de 45%, mais l’assiette est déterminée à partir du résultat net, avec une cotisation minimum de 1.045 euros dans l’hypothèse d’un résultat nul.
Une option pour l’affiliation au régime général de la sécurité sociale est néanmoins disponible, sous conditions, et notamment disposer de revenus locatifs inférieurs à 82 800 euros : cela permet par exemple aux salariés de ne pas avoir à s’affilier au RSI. Dans cette hypothèse, les cotisations sont au taux de 45%, mais calculées sur une assiette constituées des recettes locatives diminuées d’un abattement de 60%.

C) Obligation de déclaration, de collecte et de reversement de la taxe de séjour.

Pour mémoire, la taxe de séjour, créée en 1910, a pour vocation de favoriser la fréquentation et le développement des communes touristiques : ses recettes sont ainsi directement affectées au tourisme.

Elle ne s’applique donc pas partout : la commune doit non seulement avoir la faculté de la voter, et, bien entendu, l’avoir fait : là encore, il faut donc vérifier, auprès de la mairie, si votre logement y est assujetti.

Si tel est le cas, la délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant instituant la taxe de séjour en détermine les modalités d’application et le montant : toutefois, il s’agira nécessairement d’une taxe au forfait, c’est-à-dire assise sur la capacité d’accueil du logement, et non sur le nombre de personnes hébergées.

De votre côté, vous devrez :
- adresser une déclaration à la mairie, indiquant la nature de l’hébergement, la période de mise en location et la capacité d’accueil du logement, et ce au moins un mois avant la période de perception ;
- collecter la taxe auprès du locataire obligatoirement avant son départ ;
- verser la taxe à la commune aux dates fixées par l’organe délibérant.

Sachez enfin qu’en louant votre logement via Airbnb, il est possible que le site prélève directement cette taxe en votre nom, puis la reverse à votre commune, vous simplifiant ainsi grandement la tâche : des accords ont ainsi été passés avec une cinquantaine de villes en France, dont Nantes, Paris, Saint-Malo, Avignon, Bordeaux, Marseille, Toulouse…

En conclusion, quid des sanctions ?

Dans la mesure où l’activité est source de revenus pour l’Etat et les collectivités locales, et intéresse également la politique publique du logement, il existe bien entendu un arsenal de sanctions attachées au non-respect des obligations détaillées dans le présent article, lesquelles peuvent être particulièrement importantes.
Les amendes vont ainsi de 450 euros maximum pour l’absence de déclaration du logement en mairie… à 25.000 euros pour l’absence d’autorisation du changement d’usage.

Par ailleurs, l’Etat, bien conscient de la manne financière attachée à l’essor de la location occasionnelle, par les particuliers, de leurs résidences, s’est donné les moyens de « vérifier » le civisme de ses citoyens.
C’est ainsi qu’à compter du 1er janvier 2019, l’ensemble des plates-formes d’intermédiation (Airbnb, Homelydays, Abritel…) devront déclarer au Trésor les revenus perçus par leurs utilisateurs grâce à leur service. A bon entendeur…

Bernard RINEAU, Avocat Associé chez RINEAU & Associés François CHOMARD, Avocat chez RINEAU & Associés http://www.rineauassocies.com

[1Le présent article ne traite pas du cas des meublés à l’usage exclusif du locataire (chambre d’hôtes, etc…), ni des hypothèses dans lesquelles l’activité est susceptible d’être qualifiée d’activité commerciale, artisanale ou professionnelle (cas d’une multitude d’annonces gérées par une seule personne, etc…).

[2La location de chambres uniquement n’est pas envisagée dans cet article.

[3La résidence principale est celle qui est occupée 8 mois minimum par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure (Article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986).

[4Outre Paris, Bordeaux et Nice, il s’agit, en l’état, de Lyon, Marseille, Lille, Montpellier, Nantes, Rennes, Strasbourg et Toulouse.