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La protection des lanceurs d’alerte. Par Arnaud Dimeglio, Avocat.
Parution : lundi 23 octobre 2017
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En dépit des apparences, il n’existe pas une protection générale des lanceurs d’alerte, mais des protections spécifiques.

L’absence de protection générale

Un des grands mérites de la loi dite Sapin II du 9 décembre 2016 est de donner une définition générale du lanceur d’alerte : « Un lanceur d’alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. » (Article 6 alinéa 1)
Pour bénéficier de cette qualification, le lanceur d’alerte doit remplir plusieurs conditions : désintéressement, bonne foi, gravité des faits révélés etc. Il ne doit pas ensuite révéler de secret défense, médical, ou relatif à la relation entre un avocat et son client (article 6 alinéa 2).

La loi Sapin précise également que ces lanceurs d’alerte ne sont pas pénalement responsables :
« N’est pas pénalement responsable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause, qu’elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi et que la personne répond aux critères de définition du lanceur d’alerte prévus à l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. » (Article 7)
Le lanceur d’alerte bénéficie donc d’une irresponsabilité pénale mais celle-ci est limitée à certains cas : atteinte à un secret légal, et soumise à la condition du respect d’une procédure de signalement d’alerte définie par la loi (cf. ci-après).

Mais quid lorsque l’alerte n’a pas pour objet de révéler un secret protégé par la loi, et/ou que cette dernière ne prévoit pas de procédure de signalement ? Force donc est de constater que la protection prévue par la loi Sapin n’est pas générale, mais limitée à certains cas bien spécifiques.

Des protections spécifiques

La loi Sapin 2 prévoit une procédure de signalement spécifique pour les personnes soumises à un supérieur hiérarchique, ou à un employeur (article 8). Autrement dit « internes » à une entreprise, une administration.
Elle ne prévoit donc pas de procédure de signalement pour tous les lanceurs d’alertes, et notamment les lanceurs dits « externes ».
Ces lanceurs d’alertes « internes » bénéficient d’une stricte confidentialité (article 9), et également d’une protection contre toute sanction, licenciement, ou mesure discriminatoire dont ils pourraient faire l’objet par leur supérieur (article 10, 11, 12), ou de toute entrave par un tiers (article 13). La loi Sapin vise aussi bien les salariés que les fonctionnaires (article 10).
Elle protège, dans certains cas, les militaires (article 15), et les lanceurs d’alerte dans le domaine monétaire et financier (article 16). Elle prévoit enfin la mise en place d’alerte dans le domaine de la corruption et les manquements à la probité (article 17).
La protection des lanceurs d’alerte n’est donc pas générale mais bien spécifique à certaines personnes, et domaines particuliers.

A côté de la loi Sapin, existent d’autres textes qui protègent les lanceurs d’alerte dans des cas déterminés :
- La santé publique et l’environnement (Loi n° 2013-316 du 16 avril 2013)
- La sécurité des systèmes d’information (article 47 de la loi du 7 octobre 2016)
- Le secret des affaires (article 5 de la Directive « secrets d’affaires » du 8 juin 2016)
- L’hygiène, la sécurité, et les conditions de travail (Code du travail)
- La discrimination au travail (Article L1132-3 du code du travail)
- Etc.

Pour l’instant, la protection des lanceurs d’alerte reste donc cantonnée à des domaines particuliers, et des personnes déterminées. Il n’existe pas un régime général de protection des lanceurs d’alerte, et notamment des lanceurs d’alerte dits « externes ».
Ce qui signifie qu’avant de lancer une alerte, le lanceur doit vérifier qu’il rentre bien dans un des cas prévus par la loi.
A défaut, cela ne signifie pas qu’il ne sera pas protégé, notamment par la liberté d’expression, mais il devra veiller à ne pas commettre d’infractions : de dénonciation calomnieuse, de diffamation, de dénigrement, d’atteinte à la présomption d’innocence, à la vie privée, aux données personnelles etc.

Arnaud DIMEGLIO Avocat spécialiste en droit des nouvelles technologies, droit de l'informatique, et de la communication https://dimeglio-avocat.com
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