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La rémunération et le statut social du dirigeant : EURL OU SAS ? Par Marie-Laure Arbez-Nicolas, Avocat.
Parution : mardi 24 octobre 2017
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De nombreux salariés créent leur propre entreprise suite à un départ volontaire, négocié ou un licenciement.
Quel statut social adopter ? Quel régime fiscal ? Le statut social du dirigeant et donc sa rémunération, diffèrent selon la forme juridique de l’entreprise.

I. Cas de l’EURL / SARL soumise à l’impôt sur les sociétés (IS)

L’EURL est une SARL à associé unique.

Statut social et rémunération du Gérant majoritaire (SARL) ou du Gérant associé unique (EURL)

Le gérant majoritaire ou l’associé unique est affilié au régime de l’assurance sociale des non-salariés.
Il a le statut de « Travailleur non salarié » (TNS).
Il cotise auprès de RSI (Régime social des indépendants) dont la suppression est envisagée en 2018 (rattachement prévu au régime général sans augmentation des cotisations).

Il peut percevoir une rémunération. Elle peut être fixe et/ou variable. Elle peut comprendre des avantages en nature (logement, véhicule de fonction etc).

Ses cotisations sociales sont calculées sur le montant réel de ses rémunérations lorsque la société est soumise à l’impôt sur les sociétés et sur le montant du bénéfice lorsque la société est soumise à l’impôt sur le revenu.

Les cotisations sociales dues sont : cotisations personnelles d’allocations familiales des employeurs et travailleurs indépendants, cotisations d’assurance maladie-maternité, et cotisations d’assurance vieillesse du RSI pour les industriels, commerçants et artisans. Le gérant est également redevable de la CSG-CRDS.

En moyenne, le taux des charges sociales s’établit approximativement à 45% de la rémunération nette imposable ou environ 32% du revenu brut.

Anticiper les cotisations RSI

D’une part, en principe ces cotisations sont dues à titre personnel par le gérant lui-même et non par la société. En pratique, il est toutefois admis que leur coût puisse être pris en charge par la société. En cas de recouvrement forcé par RSI / URSSAF : l’action sera cependant dirigée contre le gérant à titre personnel.

D’autre part, durant les deux premières années civiles d’activité, les cotisations sociales sont évaluées sur des bases forfaitaires, une régularisation intervenant la 3ème année.

En principe, le gérant devra donc payer des cotisations « provisionnelles » qui seront recalculées lorsque les revenus seront connus.

A tout le moins, il est fortement conseillé de provisionner mensuellement ou trimestriellement le montant des charges sociales qui pourrait être réclamé par la suite pour éviter des difficultés de trésorerie.

La 3ème année, les cotisations seront calculées sur les revenus de la 1ère année.

A la fin de la 3ème année d’activité, le gérant reçoit une régularisation au titre de la 2ème année
A la fin de la 4ème année, le gérant devra payer une régularisation sur la 3ème année qui risque d’être conséquente si ses revenus ont augmenté entre-temps.

Enfin, même en l’absence de toute rémunération durant les 2 premières années, le gérant devra tout de même cotiser sur des bases forfaitaires minimales (en moyenne 3.300 € la première année et 4.500 € la deuxième année).

Le gérant pourra toutefois être partiellement exonéré d’une partie des cotisations sociales dans le cadre de l’ACCRE.

Ses rémunérations sont déductibles des bénéfices imposables de la société. Ce qui n’est pas possible dans le cadre d’une société individuelle (« EI » ou « auto-entrepreneur »).

Les rémunérations doivent cependant correspondre à un travail effectif et en principe, ne pas être excessives au regard des attributions exercées.

Rémunération ou dividendes ? Régime social et fiscal des dividendes du gérant majoritaire (SARL) ou du gérant associé unique (EURL)

S’il existe des sommes distribuables (réserves – bénéfices) le gérant peut se distribuer des dividendes.
Les dividendes ne sont pas considérés comme des rémunérations mais comme des revenus de capitaux mobiliers.
Ils sont exonérés de cotisations sociales dans la limite de 10% du capital social.

Pour le calcul du seuil de 10%, l’administration fiscale prend en compte le capital social auquel sont ajoutées les sommes versées en compte courant et les primes d’émission.
Le montant du capital social est apprécié au dernier jour de l’exercice précédant la distribution.
Les augmentations du capital effectuées en cours de vie de la société sont donc prises en compte.

La part des dividendes inférieure à 10% du capital social de la société est exonérée de cotisations sociales et est soumise à un prélèvement social de 15,5%.
La part des dividendes supérieure à 10% du capital social de la société est soumise à charges sociales et est traitée comme du salaire (environ 45% de charges).

Dès leur versement (et sauf cas spécifiques), les dividendes font l’objet d’un acompte d’impôt sur le revenu prélevé à la source au taux de 21%. Cet acompte sera déduit l’année suivante de l’impôt sur le revenu dû.

Pour les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés (IS), en principe le gérant est imposé personnellement au titre des dividendes perçus.

Traitement fiscal des rémunérations du Gérant majoritaire (SARL) ou du Gérant à associé unique (EURL)

La rémunération du gérant est imposée à l’IR dans la catégorie des traitements et salaires (avec les avantages prévus à l’égard des salaires) et est déductible du résultat de la société.

S’agissant de l’IR, le gérant peut opter entre bénéficier d’un abattement forfaitaire plafonné de 10% ou bien opter pour le régime de frais réels.

Les dividendes sont soumis à l’impôt sur le revenu (IR) dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers (RCM), après déduction d’un abattement de 40% sur le montant des dividendes bruts perçus et de la CSG à hauteur de 5,1% et des éventuels frais engagés pour leur acquisition ou conservation. Il ne faut pas omettre de déclarer l’acompte de 21% versé, lequel viendra s’imputer sur l’impôt dû.

Pour ces raisons (soumission aux charges sociales - acompte d’impôt – soumission au barème progressif de l’IR), la rémunération au moyen de distribution de dividendes a perdu de son intérêt sauf, en cas de capital social et/ou d’apports en compte courant d’associé important.

Impôt sur les sociétés

Les bénéfices de la Société sont imposés séparément des rémunérations versées au Dirigeant (soumises à l’IR).
Le taux de l’impôt sur les sociétés pour l’exercice 2016 est fixé approximativement à 33,1/3%. Celui-ci est calculé avant le versement des dividendes.

Sous réserve de respecter certaines conditions, les entreprises peuvent bénéficier d’un taux réduit de l’IS.

Les sociétés qui ont réalisé un chiffre d’affaires inférieur à 7 630 000 € et dont le capital, intégralement libéré, est détenu pour 75 % au moins, directement ou indirectement, par des personnes physiques bénéficient :
- D’un taux de l’IS de 15% dans la limite de 38.120€ par période de 12 mois
- Au-delà de 75000€ taux de 33,1/3%.

Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2017 :
- un taux de 28% s’applique à la fraction des bénéfices supérieure à 38120 € et n’excédant pas 75 000€
- au-delà de 75000€ taux de 33,1/3%.

Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018 IS à 28% pour la fraction entre 38.120 et 500.000€
La loi de finances 2016 pour 2017 a étendu et abaissé progressivement l’IS à 28% entre 2017 et 2020.

Pour les exercices ouverts en 2017 : IS à 28 % de 0 jusqu’à 75 000 euros de bénéfice pour l’ensemble des petites et moyennes entreprises (au sens de la réglementation européenne) ne bénéficiant pas du taux réduit de 15%,

En 2018, IS à 28% pour l’ensemble des entreprises entre 0 jusqu’à 500 000 euros de bénéfices

En 2019, extension du taux à 28 % à l’ensemble des entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 milliard d’euros ;

En 2019, le taux de 15% sur les premiers 38.120 € de bénéfice annuel sera étendu à toutes les PME de moins de 250 salariés réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros

En 2020, extension du taux à 28 % à l’ensemble des entreprises sans limite de bénéfices ou de chiffre d’affaires

Le projet de loi de finance pour 2018 prévoit une réduction progressive du taux de l’IS jusqu’à atteindre 25% en 2022 :
- En 2019 : IS à 28% jusqu’à 500.000€ de bénéfices puis 31% au-delà
- En 2021 26,5% pour toutes les sociétés sur la totalité des bénéfices
- En 2022 : 25% pour toutes les sociétés

Remarques :

La SARL/l’EURL peuvent choisir entre deux régimes d’imposition : l’impôt sur les sociétés (IS) ou l’impôt sur le revenu (IR).

Société soumise à l’impôt sur le revenu

L’EURL est par défaut soumise à l’impôt sur le revenu. Il en résulte que :
- la rémunération du gérant ne sera pas déductible du bénéfice
- les bénéfices seront imposables non plus au niveau de la société mais au niveau de son associé.

Dans ce cas de figure, le gérant associé unique a peu de latitude ni de maîtrise de sa fiscalité personnelle.

Le bénéfice imposable sera imposé non pas en tant que traitements et salaires mais au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices non commerciaux (BNC).

Société soumise à l’impôt sur les sociétés

A l’inverse le choix de l’IS a pour conséquence de faire supporter l’imposition des bénéfices sur la société elle-même.

Pour le gérant associé unique (EURL) son imposition sur les revenus porte sur ses rémunérations (catégorie des traitements et salaires) et sur les éventuels dividendes (catégorie des revenus de capitaux mobiliers).

Il est à noter que l’option à l’IS lors de la constitution de la société est irrévocable.

Création de la SARL/EURL et maintien de l’ARE (allocations chômage)

Le gérant peut choisir de maintenir intégralement l’ARE. Dans ce cas, il est considéré comme demandeur d’emploi. Le maintien des droits en intégralité est conditionné à l’absence de toute rémunération.

L’allocataire peut également cumuler ses rémunérations avec un maintien partiel de ses allocations. Toutefois, le cumul ne doit pas dépasser le montant mensuel du salaire journalier de référence (SJR).

Si ses revenus pour l’année ne sont pas connus, il bénéficie d’un maintien partiel sur la base d’une évaluation forfaitaire des revenus d’activité. Une régularisation est effectuée a posteriori lorsque le résultat de l’exercice est connu.

Le créateur de l’entreprise peut sous certaines conditions opter pour l’ARCE.

II. Principales différences avec la SASU / SAS soumise à l’IS

La SASU, société par actions simplifiée, est une SAS qui ne comporte qu’un seul associé unique.

Le dirigeant peut-il être salarié de sa société ? : Cumul possible sous conditions dans la SAS (si associé minoritaire).

Dans la SASU, l’associé unique ne peut cumuler son mandat social avec un contrat de travail

Statut social et rémunération du Président de la SAS/SASU

Le Président / dirigeant est assimilé salarié et est obligatoirement affilié au régime général de la sécurité sociale et ce quel que soit le nombre d’action qu’il détient, à la seule condition que son mandat soit rémunéré.

En l’absence de rémunération, il ne relève d’aucun régime de sécurité sociale obligatoire et ne bénéficie d’aucune couverture sociale.

S’il perçoit des rémunérations, celles-ci font l’objet d’un bulletin de paie. Le taux de cotisations et les droits à prestations sont identiques à ceux des salariés (retraite, maladie etc.).

L’affiliation au régime général de sécurité sociale entraîne son assujettissement aux caisses de retraite complémentaire des salariés (Agirc et Arrco).

Il ne cotise pas à l’assurance chômage.

Il bénéficie d’une protection sociale similaire à celle des salariés sauf en ce qui concerne l’assurance chômage à laquelle il ne peut prétendre du fait de son mandat social.

Il n’a pas la qualité de salarié et ne peut par conséquent bénéficier des mesures protectrices prévues en faveur des salariés (exemple : indemnité de congés payés).

Le taux de charges sociales s’élève en moyenne à 81% du revenu net ou 64% du revenu brut.

Les revenus du Dirigeant et les charges sociales afférentes sont déductibles du bénéfice imposable.

Le bénéfice de la société est soumis à l’impôt des sociétés (sauf si option à l’IR).

Imposition des revenus du Dirigeant/Président

Les revenus versés entrent dans la catégorie des traitements et salaires.

Régime social et fiscal des dividendes

A l’inverse de la SARL /l’EURL les dividendes de SAS/SASU ne sont pas assujettis aux cotisations sociales.

Ils sont soumis à un prélèvement social au taux de 15,5% du montant brut et sauf dispense, d’un acompte d’IR prélevé à la source d’un taux de 21%.

Les dividendes sont soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des capitaux mobiliers, après application d’un abattement de 40%.

La rémunération par dividendes peut donc présenter certains avantages eu égard à son traitement social et fiscal.

Il est cependant à noter que les dividendes ne sont pas déductibles du résultat fiscal et génèrent par conséquent plus d’IS à supporter par la société.

Par ailleurs, ils n’ouvrent aucun droit aux prestations sociales et ne sont pas pris en compte pour les droits à retraite.

Enfin, les dividendes ne peuvent être distribués que si des bénéfices sont réalisés par la société. Dès lors, la distribution de dividendes ne peut être envisagée la première année. Il convient d’attendre la clôture d’au moins un exercice.

Maintien de l’ARE

Comme pour l’EURL, le Président de la SASU qui ne perçoit pas de rémunération peut continuer à bénéficier de l’intégralité de ses allocations chômage.

L’un des intérêts de la SASU (en comparaison avec l’EURL) est de pouvoir s’attribuer d’éventuels dividendes, lesquels ne constituent pas des rémunérations, tout en continuant à bénéficier d’un maintien intégral des allocations chômage.

En conclusion

L’avantage de la SARL/EURL est que les charges sociales prélevées sur la rémunération du gérant y sont moins élevées que dans la SAS/SASU.

Le gérant de la SARL/EURL pourra donc en ce sens optimiser sa rémunération.

Si l’objectif est donc de cotiser le minimum pour pouvoir bénéficier d’une rémunération optimisée et plus immédiate, la SARL/EURL peut être privilégiée.

En revanche, sa protection sociale obligatoire étant moins coûteuse, elle sera également plus faible que celle du Président de la SAS/SASU. Toutefois, le gain opéré sur les charges peut être réinvesti dans une protection sociale complémentaire au travers de contrats individuels (adhésion à une complémentaire retraite, santé etc).

Si l’objectif est de bénéficier d’une plus grande protection sociale (et notamment bénéficier d’une meilleure retraite), la SAS/SASU paraît plus adaptée.

Si l’objectif est de privilégier l’attribution de dividendes plutôt que des rémunérations, la SAS/SASU est également plus adaptée.

Maître ARBEZ-NICOLAS Marie-Laure Avocat au Barreau de Paris mlan@avocat-mlan.fr