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L’agent commercial en Pologne. Par Lucien Peczynski, Avocat.
Parution : vendredi 27 octobre 2017
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L’expansion sur de nouveaux marchés ne s’improvise pas. Le choix d’un cadre juridique optimal s’avère souvent déterminant du succès ou de l’échec de toute l’opération. Moins complexe et onéreux que l’ouverture d’une filiale ou d’une succursale, le recours à un agent commercial demeure un des moyens privilégié par les entrepreneurs français pour élargir leur activité vers la Pologne.

1. Un statut de l’agent commercial similaire dans son ensemble

a. Le fruit de la convergence européenne

Le contrat d’agence s’est avéré remarquablement adapté à l’esprit du projet européen. C’est la raison pour laquelle le Conseil de la Communauté Européenne a mis en place, et ce dès 1986, une Directive relative à la coordination des droits des Etats Membres concernant les agents commerciaux indépendants, qui demeure toujours en vigueur.

L’activité du législateur européen en la matière constitue une contribution non négligeable à la sécurité juridique. Dès lors, le statut de l’agent commercial dispose de part et d’autre de l’Europe d’un noyau commun de droits et d’obligations.

Le contrat d’agence n’est pas uniforme pour autant, car les États Membres conservent une certaine autonomie dans la transposition de ladite Directive en droit national. Par ailleurs, les jurisprudences manifestent une sensibilité différente, notamment en matière de résiliation de contrats.

b. De nombreux points de ressemblance

Tout comme son homologue français, l’agent commercial en droit polonais est donc un mandataire qui, en tant qu’intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente de négocier, et éventuellement de conclure, des contrats pour le compte de son mandant.

Les parties se doivent mutuellement d’agir loyalement et de bonne foi dans l’exercice du contrat. Plus particulièrement, cette règle de principe se traduit avant tout par une obligation réciproque d’information. Dans le silence de leur engagement, l’agent se voit rémunéré à la commission, à un taux conforme aux usages pratiqués dans le secteur d’activité couvert par son mandat.

D’autre part, le recours à la liberté contractuelle est fortement encouragé. Ainsi, bon nombre de clauses se trouvent fréquemment insérées au sein d’un contrat d’agence, les plus importantes d’entre-elles étant la clause d’exclusivité territoriale ou la clause de ducroire (par le biais de laquelle l’agent se porte garant du paiement des sommes dues correspondant aux ventes ou aux commandes générées pour le compte de son mandant).

Force est donc de constater que dans leur ensemble, les contrats d’agence français et polonais demeurent semblables. Il convient toutefois d’attirer l’attention sur quelques points de divergence entre les deux statuts.

2. Le sort réservé à l’indemnité de rupture de l’agent commercial

a. Une législation subtilement différente

La différence entre la situation juridique de l’agent commercial en France et en Pologne prend toute son ampleur lors de la cessation de ses relations avec le mandant. Avant toute chose, le droit polonais subordonne l’octroi d’une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi par l’agent à la démonstration de son efficacité lors de l’exécution du contrat.

Ainsi l’indemnité est due uniquement dans l’hypothèse où l’agent commercial a acquis de nouveaux clients pour le compte du mandant ou occasionné une augmentation importante de son chiffre d’affaires. Les effets doivent également se faire ressentir après la résiliation du contrat.

De surcroît, contrairement à son homologue français le législateur polonais a plafonné le montant de la réparation à l’équivalent d’un an de commissions perçues par l’agent. Ce montant est calculé sur la base des cinq dernières années.

Par ailleurs, les conditions négatives entraînant un refus d’indemnité sont en principe analogues à celles prévues par le droit français. L’octroi de la réparation n’a donc pas lieu si la cessation du contrat est provoquée par une faute grave de l’agent commercial ou si la résiliation résulte de son initiative. Tel est le cas aussi si les droits et les obligations détenus en vertu du contrat d’agence se trouvent cédés à un tiers, avec l’accord du mandant.

b. Une jurisprudence sensiblement divergente

En droit français, en cas de cessation des relations entre l’agent commercial et le mandant, l’indemnité de rupture est un principe. Par conséquent, l’agent peut en être privé uniquement si aucune circonstance susceptible de l’exclure n’a été relevée.

A l’inverse, la jurisprudence polonaise requiert que le droit à l’indemnité de rupture soit démontré. La charge de la preuve incombe, naturellement, à l’agent commercial.
Par ailleurs, contrairement aux dispositions polonaises, le droit positif français n’opère pas de plafonnement de l’indemnité de rupture. Toutefois, il est d’usage que le montant de la réparation corresponde à deux ans de commissions brutes.

Inutile donc de souligner que l’application du droit polonais donne lieu à des indemnités d’un montant sensiblement inférieur, d’autant plus que la base sur laquelle elles sont calculées correspond non pas à la rémunération annuelle moyenne de l’agent, mais à son bénéfice net, ce qui change tout !

Lucien Peczynski, _ COPERNIC AVOCATS http://www.copernic-avocats.com