Village de la Justice www.village-justice.com

Construction d’une piscine en zone classée "Espace boisé classé". Par Laurent Latapie, Avocat.
Parution : mardi 31 octobre 2017
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/construction-une-piscine-zone-classee-espace-boise-classe-ebc,26313.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Le propriétaire d’un bien immobilier, dont le terrain a fait l’objet d’un classement en Espace Boisé Classé (EBC), es- il vraiment empêché de déposer une déclaration préalable à la réalisation d’une piscine ?

Il convient de s’intéresser au cas particulier du propriétaire d’un terrain sur lequel est édifié un bien immobilier, et qui a fait l’objet d’un classement en zone dite EBC.
En effet, ce dernier rencontre une difficulté puisque suite à l’édification de sa maison, la zone dans lequel il se trouve a été classée en Espace Boisé Classé, l’empêchant par la même de construire une piscine sur son terrain,

Il convient tout d’abord de définir ce qu’est un Espace boisé Classé (EBC).
L’article L 130-1 alinéa 1 indique que « les plans locaux d’urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu’ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s’appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies, des plantations d’alignements ».

En France, en application de l’article L113-1 du Code de l’urbanisme, les plans locaux d’urbanisme, autrement appelé PLU, peuvent classer les bois, forêts, parcs, arbres isolés, haies et plantations d’alignement comme espaces boisés à conserver, à protéger ou à créer (EBC).

Un espace peut donc être classé de manière à le protéger avant même qu’il ne soit boisé et favoriser ainsi les plantations sylvicoles.

La décision de création d’un EBC est normalement facultative, mais ce n’est pas le cas pour les communes soumises à la loi Littoral, qui s’exprime largement sur le bord méditerranéen et varois, et pour lesquelles l’article L121-27 du Code de l’urbanisme dispose que le plan local d’urbanisme classe en espaces boisés, au titre de l’article L113-1 du même code, les parcs et ensembles boisés existants les plus significatifs de la commune ou du groupement de communes, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

Cette faculté peut mettre en difficulté le propriétaire d’un terrain tant bien même celui-ci aurait déjà édifié un immeuble.

En effet, la décision de classement n’est pas subordonnée à l’existence préalable d’un boisement, puisque la loi prévoit la possibilité de classer des terrains destinés à la création d’un boisement.

De plus, depuis la réforme opérée par la « loi paysage » du 8 janvier 1993, la protection peut concerner un arbre isolé.

La jurisprudence a ainsi confirmé la légalité de la création d’un classement en vue de la réalisation d’une coulée verte entre deux zones urbanisées ou afin de contribuer à l’isolement acoustique d’une route bruyante,

À l’inverse, le Tribunal administratif peut annuler un classement qui lui paraît injustifié.

Pour autant, si la création d’un EBC peut être faite à l’occasion d’une création d’un plan local d’urbanisme ou bien encore d’un plan d’occupation des sols, il n’en demeure pas moins que sa révision ou sa modification, sa réduction ou la suppression d’un EBC ne peut être faite que dans le cadre de la procédure lourde de révision ou de révision simplifiée du document d’urbanisme ou de sa mise en compatibilité avec un projet.

Enfin, il importe de rappeler que le classement en EBC ne s’accompagne d’aucune indemnité pour le propriétaire, en application du principe de non-indemnisation des servitudes d’urbanisme posé par l’article L105-1 du Code de l’urbanisme.

Pour autant, cela devrait-il être un obstacle à la création et à la pose d’une piscine a coté de la maison déjà existante ?
Or, rien n’empêche le propriétaire en question de déposer une déclaration préalable à la réalisation d’une piscine,

En effet, à plusieurs reprises le Conseil d’État a estimé que la qualité médiocre de végétations et d’espèces d’arbres sur une parcelle partiellement urbanisée (Conseil d’Etat, déc. 1986 ; conseil d’état, juillet 1996,), voire l’absence totale de boisement sur un terrain (Conseil d’Etat, déc. 1984, conseil d’état, janv. 1999) ne faisait pas obstacle à un classement en EBC.

Si l’article L 130-1 alinéa 2 du Code de l’urbanisme est très clair sur la question en disposant que « le classement interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements », le droit jurisprudentiel apporte quelques nuances quant à l’interdiction totale des constructions dans un Espace Boisé Classé.

En effet, il a été admis qu’un changement d’affectation n’était pas obligatoirement incompatible avec la présence d’un EBC sur une parcelle.

Le Conseil d’État a même jugé en mars 2010 que, pour refuser une autorisation de travaux, l’autorité administrative ne doit pas se baser uniquement sur le fait que le terrain est classé en EBC mais doit apprécier si la construction ou les travaux projetés sont de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements, sous peine de commettre une erreur de droit.

Selon la jurisprudence, certains travaux sont totalement incompatibles avec le classement d’un terrain en EBC, comme par exemple la construction d’une habitation (Conseil d’État, juillet 1994) ou encore la création d’une rampe d’accès à un parking public du fait de sa dimension (Conseil d’État, janvier 1984).

D’autres, en revanche, n’ont pas été jugés comme incompatible.

Ce fut le cas dans un jugement de la cour administrative d’appel de Paris qui a estimé que la création d’une voie longue de 66 mètres et large de 4 mètres, traversant un EBC le long d’une limite séparative en vue de rejoindre le seul accès direct du terrain à une voie publique, ne nécessitant ni abattage, ni coupe d’arbre (CAA Paris, mai 2003).

Par voie de conséquence, et fort des jurisprudences évoquées, rien n’empêcherait les propriétaires d’une parcelle, située en zone urbaine et est dépourvu de boisement justifiant de son classement en EBC de déposer une déclaration préalable aux fins d’ajouter une piscine à l’immeuble déjà existant.

Il appartiendrait alors audit propriétaire de démontrer, à la lueur des plans présentés dans la déclaration, que le changement d’affectation du terrain par la création d’une piscine ne compromet en rien la conservation, la protection ou la création de boisement, aucune végétation et arbres n’étant supprimés.

Il serait alors judicieux qu’un état des lieux précis des boisements existant sur la parcelle, avec notice explicative et photos et schéma d’implantation, permette à l’autorité administrative que vous êtes de vérifier la compatibilité du projet avec l’espace boisé classé.

Laurent Latapie, Avocat à Fréjus et Saint-Raphaël, Docteur en Droit, Barreau de Draguignan www.laurent-latapie-avocat.fr