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Exonération de l’indemnité compensatrice de l’agent général : nouvelle censure du Conseil constitutionnel. Par Nicolas Defieux, Avocat.
Parution : jeudi 2 novembre 2017
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Saisi par une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution la disposition du Code général des impôts qui subordonnait le régime d’exonération de l’indemnité compensatrice versée à un agent général d’assurances à la poursuite de l’activité par un nouvel agent général « exerçant à titre individuel ».

Le V de l’article 151 septies A du Code général des impôts prévoit un régime d’exonération de l’indemnité compensatrice versée à un agent général d’assurances exerçant à titre individuel par la compagnie d’assurance qu’il représente à l’occasion de la cessation de son mandat lorsque les conditions suivantes sont réunies :
- le contrat dont la cessation est indemnisée a été conclu depuis au moins cinq ans au moment de la cessation d’activité ;
- l’agent général fait valoir ses droits à la retraite à la suite de la cessation du contrat ;
- l’activité est intégralement poursuivie par un nouvel agent général d’assurances exerçant à titre individuel et dans le délai d’un an.

Lorsque ces conditions sont remplies, la plus-value afférente à la perception de l’indemnité compensatrice est exonérée.
La condition d’une reprise de l’activité par un nouvel agent « exerçant à titre individuel » privait les agents généraux retraités du régime d’exonération institué par l’article 151 septies A du Code général des impôts quand le repreneur de l’activité était une personne morale.

C’est cette condition d’un exercice « à titre individuel » du nouvel agent – successeur dans l’activité de l’agent partant à la retraite – qui est déclarée inconstitutionnelle, pour méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques.
Rappelons que depuis le décret n° 96-902 du 15 octobre 1996, un agent général peut exercer sous une forme sociale.
Il n’est donc pas rare que le successeur de l’agent fraîchement retraité soit une personne morale.

La condition liée à « l’exercice à titre individuel » du repreneur conduisait l’agent retraité à être fortement imposé sur son indemnité compensatrice alors même qu’il n’était pas en situation d’influer sur le mode d’exercice choisi par son successeur.
Le Conseil constitutionnel a retenu que :
- « d’une part, il n’y a pas de lien entre la poursuite de l’activité d’agent général d’assurances et la forme juridique dans laquelle elle s’exerce ;
- d’autre part, l’indemnité compensatrice n’est versée qu’en l’absence de cession de gré à gré par l’agent général, situation dans laquelle il n’est pas en mesure de choisir son successeur. Le bénéfice de l’exonération dépend ainsi d’une condition que le contribuable ne maîtrise pas. »

Avant de conclure qu’ « en conditionnant l’exonération d’impôt sur le revenu à raison de l’indemnité compensatrice à la reprise de l’activité par un nouvel agent général d’assurances exerçant à titre individuel, le législateur ne s’est pas fondé sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but visé. Par conséquent, les dispositions contestées méconnaissent le principe d’égalité devant les charges publiques. »
Cette décision instaure une égalité de traitement entre les agents en fin de mandat en rendant indifférente la question du mode d’exercice de leur successeur.
Elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de sa publication au journal officiel.

Il faut enfin noter que le régime d’exonération de l’indemnité compensatrice avait déjà été déclaré inconstitutionnel en ce qu’il soumettait le bénéfice de l’exonération à une reprise de l’activité par le nouvel agent « dans les mêmes locaux » que le précédent (Décision n° 2016-587 QPC du 14 octobre 2016).
Compte tenu de ces décisions successives, le régime d’exonération s’appliquera alors même que l’activité d’agent général est reprise par une personne morale dans de nouveaux locaux.
Dans ce cas, comme pour les autres bénéficiaires du régime de faveur, l’agent retraité devra s’acquitter uniquement d’une « taxe exceptionnelle » au tarif prévu à l’article 719 du Code général des impôts.

Décision n° 2017-663 QPC du 19 octobre 2017

Maître Nicolas DEFIEUX Avocat au Barreau de Paris ndsravocats.fr