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Offre de contrat de travail ou promesse d’embauche ? Par Aubéri Salecroix, Avocat.
Parution : vendredi 3 novembre 2017
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Par deux arrêts importants du 21 septembre 2017 intéressant le club de rugby Union Sportive Carcassonnaise, la Cour de cassation rappelle les principes du contrat d’embauche des sportifs professionnels.

Arrêt n° 2063 du 21 septembre 2017 (16-20.103)
Arrêt n° 2064 du 21 septembre 2017 (16-20.104)

L’acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation, constitue une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire. La rétractation de l’offre avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage la responsabilité extra-contractuelle de son auteur.

En revanche, la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat de travail promis.

La chambre sociale jugeait de façon constante que la « promesse » d’embauche précisant l’emploi proposé et la date d’entrée en fonction valait contrat de travail (Soc., 15 décembre 2010, n° 08-42.951, Bull. V, n° 296 ; Soc., 12 juin 2014, pourvoi n° 13-14.258, Bull. 2014, V, n° 138). Cette solution, qui ne s’attachait qu’au contenu de la promesse d’embauche, était certes protectrice du salarié, mais présentait quelques difficultés en ce qu’elle ne prenait pas en compte la manifestation du consentement du salarié pour s’attacher exclusivement au contenu de l’acte émanant de l’employeur. Ainsi, un acte unilatéral emportait les effets d’un contrat synallagmatique. La chambre sociale avait, toutefois, apporté quelques aménagements à cette jurisprudence, pour assurer l’application d’autres dispositions pour lesquelles la manifestation de volonté du salarié paraissait déterminante. Elle a ainsi jugé, pour l’application de l’article L.1251-2 du Code du travail, qu’un salarié qui avait accepté neuf jours après le terme de la mission de travail temporaire la proposition d’embauche qui lui avait été faite avant le terme de celle-ci, n’avait pas immédiatement bénéficié d’un contrat de travail à l’expiration de sa mission et pouvait donc prétendre au paiement de l’indemnité de précarité (Soc., 5 octobre 2016, pourvoi n° 15-28.672, publié au Bulletin). De même, la chambre sociale a procédé à une distinction entre la promesse d’embauche, qui vaut contrat de travail, et la forme de celui-ci, de sorte que la promesse d’embauche n’a pas à répondre au formalisme prévu par l’article L. 1242-12 du Code du travail. Un écrit répondant au exigences en matière de contrat à durée déterminée peut donc être régulièrement formalisé postérieurement à la promesse d’embauche (Soc., 6 juillet 2016, n° 15-11.138, publié au Bulletin).

Par ailleurs, dès lors que la promesse d’embauche mentionnant la date d’entrée en fonction et l’emploi proposé valait contrat de travail, l’employeur se trouvait empêché de la retirer, même si le salarié ne l’avait pas encore acceptée. La chambre sociale s’éloignait ici de la jurisprudence de la troisième chambre civile qui considère que la rétractation de l’offre de contracter avant son acceptation fait obstacle à la conclusion du contrat (Civ. 3°, 10 mai 1968, n° 66-13.187 ; Civ. 3°, 7 mai 2008, n° 07-11.690).

Suivant une méthode adoptée par la Chambre mixte (Ch. mixte, 24 février 2017, n° 15-20.411) la chambre sociale a choisi de réexaminer sa jurisprudence au regard de l’évolution du droit résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, et, en conséquence, d’apprécier différemment la portée des offres et promesses de contrat de travail, même si cette ordonnance n’était pas applicable aux faits de l’espèce.

En l’espèce, deux joueurs internationaux de rugby, ont reçu d’un club de rugby une offre de contrat de travail pour la saison 2012/2013, à laquelle était jointe une convention prévoyant l’engagement pour la saison sportive, avec une option pour la saison suivante, une rémunération mensuelle brute, la mise à disposition d’un véhicule et une date de début d’activité.

Toutefois, par courriel aux agents des joueurs, le club indiquait ne pas pouvoir donner suite aux contacts noué avec ces derniers. Les joueurs faisaient peu après parvenir au club la promesse d’embauche signée. Les joueurs ont donc saisi le Conseil des prud’hommes en soutenant que la promesse d’embauche valait contrat de travail afin d’obtenir le paiement de sommes au titre de la rupture injustifiée d’un contrat de travail à durée déterminée..

La cour d’appel a accueilli leur demande et condamné l’employeur au paiement d’une somme à titre de rupture abusive du contrat de travail. Elle relève que le 1er courriel comprenait une convention qui prévoyait l’emploi proposé, la rémunération ainsi que la date d’entrée en fonction, et conclut que cet écrit constitue bien une promesse d’embauche valant contrat de travail et que, dans la mesure où les joueurs ont accepté la promesse d’embauche, il en résultait qu’un contrat de travail avait été formé entre les parties peu important que le club de rugby ait finalement renoncé à engager les joueurs, même antérieurement à la signature du contrat par les joueurs. Selon la cour d’appel, la promesse d’embauche engage donc l’employeur même si le salarié n’a pas manifesté son accord.

Saisie du pourvoi formé par le club de rugby, la Cour de cassation rejette cette interprétation et casse l’arrêt.

L’application rigoureuse de la jurisprudence de la chambre sociale pouvait avoir pour effet d’assécher les possibilité de négociations pré-contractuelles, car un employeur qui s’avance trop, risque de se voir opposer la conclusion d’un contrat de travail, alors même que ce sont les précisions sur les dates d’entrée en fonction, l’emploi proposé ou la rémunération qui permettent aux parties de se déterminer et au salarié de conclure ou de préférer un autre employeur dont les offres lui paraîtraient plus avantageuses. En cas de négociations parallèles, le salarié peut être destinataire de plusieurs propositions répondant à la définition posée par l’arrêt du 15 décembre 2010. De plus, il y a un risque d’effet d’aubaine non-négligeable, le salarié pouvant réclamer des indemnités de rupture sur le seul fondement de la promesse d’embauche, alors même qu’il n’avait pas l’intention de s’engager ou qu’il préférait une autre proposition.

La chambre sociale a pris acte des choix opérés pour l’avenir par le législateur avec l’ordonnance du 10 février 2016 ainsi que de la jurisprudence des autres chambres civiles de la Cour de cassation pour modifier sa jurisprudence en précisant les définitions respectives de l’offre et de la promesse unilatérale de contrat de travail : l’acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation, constitue une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire. La rétractation de l’offre avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage la responsabilité extra-contractuelle de son auteur.

En revanche, la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat de travail promis.

Aubéri Salecroix Avocat asalecroix.avocat@gmail.com https://www.facebook.com/Cabinet-davocat-Aub%C3%A9ri-Salecroix-1914523838761774/ Droit de la famille Droit pénal