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Réalité virtuelle, réalité augmentée et création : des enjeux bien réels. Par Cerasela Vlad, Avocat.
Parution : vendredi 3 novembre 2017
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Initialement perçues comme des techniques réservées aux grands groupes industriels, la réalité virtuelle (en anglais « VR » ou « virtual reality ») et la réalité augmentée (« AR » ou « augmented reality ») ont vocation à entrer petit à petit dans notre quotidien. Les études de marché présagent une croissance mondiale de jusqu’à 215 milliards de dollars en 2021, dont la part prédominante reviendrait à l’AR [1].

Les applications sont des plus diverses, dans des secteurs comme la formation, la santé, la communication, l’immobilier et le tourisme, mais également et de plus en plus, la culture et le divertissement (jeux vidéo, spectacle vivant, cinéma, sport). Les rencontres professionnelles se multiplient : en France, à côté du festival Laval Virtual créé en 1999 ont vu récemment le jour des manifestations dédiées à la création artistique en VR et AR comme le « Paris Virtual Film Festival » ou l’espace « Next » au sein du marché de Cannes.

L’intérêt du monde de la création pour ces techniques semble pérenne car elles apportent la promesse, dans un contexte d’abondance de contenus traditionnels, de répondre à un besoin d’immersion, d’expériences plus personnelles. Mais de nombreux obstacles restent à franchir, à commencer par les difficultés de financement des œuvres : celles-ci pâtissent notamment des coûts de développement de la technologie, qui se répercutent sur les prix du matériel pour les utilisateurs finaux et qui limitent le développement du marché.

Sur le plan juridique, le droit positif permet d’appréhender la plupart des problématiques, mais une prise de position concertée des parties prenantes nous semble nécessaire pour lever certaines incertitudes. Nous évoquons ci-après trois problématiques entourant la conception et l’exploitation des créations en AR et VR.

1. Préserver la confidentialité du développement et sécuriser la transmission des droits

Chez la plupart des acteurs du secteur (constructeurs de matériel, développeurs d’outils, d’applications et de plateformes, mais également producteurs de contenus), les avantages concurrentiels sont le résultat d’importants efforts de recherche et de développement. Il est essentiel, dès les premières phases, qu’ils protègent leurs informations confidentielles et qu’ils sécurisent le transfert à leur profit des droits de propriété intellectuelle sur les projets.

1.1 Confidentialité

L’utilisation des informations à caractère confidentiel par les partenaires techniques ou financiers et par les employés et collaborateurs doit être encadrée au moyen de dispositions contractuelles - accords de confidentialité, clauses de confidentialité dans les contrats de travail, le règlement intérieur - et par la mise en place de mécanismes de traçage et d’accès différencié aux informations. Un accord mal rédigé peut avoir des conséquences extrêmement néfastes, comme le montre une affaire récente : l’un des fondateurs de la société Total Recall Technologies avait confié à un tiers des informations confidentielles pour la réalisation d’un prototype de casque VR pour la société, et les parties avaient signé un « accord de confidentialité, exclusivité et rémunération ». Mais le tiers n’a pas livré le prototype et il s’en est servi pour créer et commercialiser le désormais célèbre Oculus Rift. C’est alors en vain que Total Recall a tenté d’évoquer la violation du contrat signé, dans la mesure où les clauses-clés, à commencer par la définition des informations confidentielles, étaient ambiguës, et que la société n’était ni signataire, ni désignée clairement comme bénéficiaire du contrat [2].

Si la victime d’une usurpation ou divulgation non-autorisée d’informations confidentielles pourra tenter d’obtenir réparation de son préjudice par le biais des mécanismes juridiques existants (concurrence déloyale, parasitisme, contrefaçon, délits informatiques, abus de confiance, violation du secret de fabrication, du secret professionnel) ou à venir (protection du secret des affaires, issu de la Directive 2016/943 qui devra être transposée en France au plus tard le 9 juin 2018), elle devra systématiquement faire la preuve des diligences entreprises pour protéger ses informations.

1.2 Transmission des droits

Aussi bien les œuvres de AR/VR, que la technologie permettant d’y accéder, regroupent des contributions de la part d’une variété d’intervenants, sur lesquelles l’entreprise aura l’intérêt d’acquérir les droits d’exploitation.

a. La technologie 

Une attention particulière doit être prêtée aux dispositions régissant l’utilisation des codes informatiques (p. ex. les restrictions d’utilisation des codes propriétaires ou open source et les garanties associées). L’entreprise devra auditer les contrats avec ses employés et prestataires et, le cas échéant, prévoir les clauses de cession de droits et de garanties nécessaires en fonction du droit applicable.

Une faille au niveau de l’acquisition des droits peut être lourde de conséquences, comme l’illustre récemment aux États Unis la condamnation du constructeur Oculus (acheté par Facebook en 2014) à 500 millions de dollars de dommages et intérêts en faveur de la société ZeniMax pour contrefaçon de droits d’auteur. ZeniMax tente à présent d’obtenir devant un tribunal de Dallas l’interdiction de vente du casque Rift (qui utilise du code qui lui appartient et qui, selon les écritures d’Oculus, serait presque impossible à séparer et à retirer de la programmation du casque) ou le versement par Oculus d’une redevance de 20% sur les ventes du casque pendant 10 ans [3]. En France, des sociétés du groupe Christian Dior ont subi en 2015 des saisies-contrefaçon portant sur le casque Dior Eyes, dont le prototype avait été commandé à un prestataire qui n’avait pas acquis les droits sur le design auprès de son concepteur [4]

Le choix du ou des mécanismes de protection de la technologie développée dépendra des caractéristiques mêmes de cette technologie (durée de vie, potentiel commercial, degré d’inventivité, originalité), mais également de critères comme la taille de l’entreprise ou la concurrence attendue. Une étude récente de l’EUIPO sur près de 200.000 entreprises européennes dans plusieurs secteurs montrait une préférence pour le secret d’affaires chez les PME et les fournisseurs de services dans les marchés à forte concurrence tarifaire, alors que les fournisseurs de biens matériels sur les marchés à concurrence qualitative préféraient la protection par brevet [5]. Parmi les litiges en cours en matière de brevets notons, dans le secteur de l’AR, celui opposant la société française SolidAnim à la société britannique NCAM Technologies - les deux, titulaires de brevets portant sur une technologie permettant d’insérer en temps réel des images de synthèse dans un flux vidéo [6], et dans le secteur de la VR, ceux opposant les sociétés américaines Techno View IP - titulaire de brevets sur des méthodes d’imagerie 3D - à Oculus [7] et Sony [8].

b. La création artistique

Combinant textes, images, créations vidéo, audio et/ou développements logiciels dans des proportions variables, les créations originales de AR/VR sont des œuvres hybrides au regard du droit d’auteur. En fonction des conditions de leur création, certaines pourront se voir attribuer le statut d’œuvre de collaboration ou d’œuvre collective. Des statuts spécifiques peuvent entrer en concurrence, comme celui d’œuvre publicitaire, d’œuvre audiovisuelle, ou encore d’« œuvre multimédia » - création prétorienne retenue en matière de jeux vidéo [9]. Si jusqu’à présent la Cour de cassation a fait le choix d’ajouter à la définition légale de l’œuvre audiovisuelle l’exigence du déroulement linéaire des séquences pour en exclure les jeux vidéo, en l’essence interactifs, il est tout à fait permis de se poser la question d’un abandon de cette exigence dans le contexte d’un avènement des « films en réalité virtuelle » à faible interactivité [10]. La question de la qualification juridique est essentielle afin de déterminer qui aura la qualité d’auteur, si le producteur bénéficie d’une présomption de cession de droits ou si, au contraire, il doit les acquérir expressément, comment sont rémunérés les différents intervenants, qui détient les droits d’exploitation de l’œuvre, comment s’exerce le droit moral des auteurs, etc. Ces questions devront être posées en amont, lors de la conception de l’œuvre, mais également durant le procès de production, si les spécifications changent, car seulement la réalité des faits pourra déterminer le régime juridique applicable. Pour les œuvres et réseaux sociaux invitant l’utilisateur à créer et à partager des contenus, les conditions générales devront prévoir des clauses d’autorisation ou de cession de droits valables au regard de la loi applicable. 

2. Protéger la santé et la sécurité des consommateurs

Les premières recherches reconnaissent les mérites de l’AR et de la VR dans le diagnostic et le traitement de certaines maladies, mais signalent aussi des dangers potentiels pour la santé et la sécurité des consommateurs. Selon la loi française, les producteurs et les distributeurs se partagent l’obligation générale d’assurer la sécurité des produits et des services proposés aux consommateurs, au regard de l’éventuelle réglementation spécifique, mais également des guides de bonne pratique en vigueur dans le secteur, de l’état actuel des connaissances et de la technique et, de manière plus générale, de la sécurité à laquelle les consommateurs peuvent légitimement s’attendre [11]. Compte tenu de la réglementation spécifique lacunaire [12], il incombe à l’ensemble des acteurs du secteur d’établir des guides de bonnes pratiques, en impliquant autant que possible chercheurs, médecins, sociologues, pour assurer l’objectif général de sécurité susvisé. Rappelons par ailleurs que la négligence et l’imprudence peuvent être sanctionnées sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle ou sur le terrain pénal, en cas de conséquences graves justifiant des poursuites (p. ex. pour homicide, blessures involontaires, mise en danger de la vie d’autrui).

2.1 Risques liés à la VR

Il a beaucoup été parlé des effets secondaires apparents et temporaires, comme la nausée, qui seront sans doute réglés au fur et à mesure des développements technologiques. Mais les chercheurs s’intéressent également à d’autres impacts, potentiellement plus durables, de la VR sur la santé. Par exemple, une première étude sur l’apprentissage et la mémoire menée à UCLA sur des rats soumis aux mêmes tests dans un environnement réel et un environnement en VR montrait qu’en VR, 60% des neurones actifs dans l’hippocampe arrêtaient de fonctionner, et que les rythmes générés par l’hippocampe pour la mémoire et l’apprentissage étaient modifiés. Les chercheurs décidaient de poursuivre l’étude avant de pouvoir interpréter ces premiers résultats, mais déconseillaient l’utilisation prolongée de la VR en attendant [13]. Certaines personnes peuvent confondre le réel et le virtuel. Des chercheurs de Stanford observaient en 2015 que 50% des enfants qu’ils avaient exposés à une expérience en VR pensaient, une semaine après, que l’expérience avait été réelle. En 2017, cet aspect devait faire l’objet de recherches supplémentaires [14]. Concernant l’impact de la lumière bleue émise par les casques de VR sur la vue, un rapport préliminaire du SCHEER de juillet 2017 concluait à l’absence de risque [15].

En l’absence de données et d’études scientifiques suffisamment abouties, les constructeurs font preuve d’une certaine prudence. La plupart ont publié des mises en garde spécifiques pour les divers risques possibles - nausée, attaques d’épilepsie, de panique, problèmes cardiologiques, chutes et accidents lors des déplacements - et des recommandations d’utilisation du matériel pour identifier et minimiser ces risques. Ils se sont également alignés pour interdire l’utilisation des casques de VR aux plus jeunes : HTC permet la création d’un compte sur sa plateforme seulement à partir de 14 ans et a déjà déclaré que son casque Vive ne devait pas être utilisé par les enfants ; Samsung et Oculus réservent l’utilisation du Gear VR et du Rift aux plus de 13 ans ; Sony permet l’utilisation de PlayStation VR à partir de 12 ans. Mais en réalité ces interdictions semblent purement théoriques, en l’absence de moyens de contrôle et avec certains constructeurs qui promeuvent ouvertement des applications disponibles sur leurs casques adressées aux plus jeunes [16]. En France, MK2 confirmait admettre des enfants de 6 ans à ses expériences de VR. Cette application à échelle variable des bonnes pratiques qui constituent désormais le référentiel commun du secteur peut nuire à l’ensemble des parties prenantes.

2.2 Risques liés à l’AR

Il existe moins d’études concernant les risques spécifiques de l’AR. Le principal problème semble venir de l’inattention comme source d’accidents. En effet, en AR, l’utilisateur doit partager son attention et son champ visuel entre la représentation de son environnement réel et les objets et les images étrangers. Il a été constaté que c’était surtout la vision périphérique qui nous permettait d’évaluer la distance et la vitesse de déplacement des objets vers nous. L’affichage latéral des images de synthèse sur les lunettes d’AR pouvait entraver de manière dangereuse cette vision. Les lunettes plus récentes, y compris HoloLens, affichent le contenu dans le champ central de vision. Mais les chercheurs se posent la question de savoir si les images de synthèse ne gagneront, par leur qualité et leur degré de sophistication croissant, la lutte pour l’attention du consommateur au détriment de sa sécurité. Surtout qu’il semblerait, des études effectuées, que notre cerveau accorde toujours plus d’attention aux formes humaines qu’aux objets, mêmes réels [17]. Ces remarques devraient concerner en égale mesure les applications pour mobiles et tablettes, puisqu’elles occuperont le même champ de vision.

En l’absence d’études concluantes, les chercheurs conseillent aux constructeurs et aux développeurs d’effectuer des tests sur un public diversifié, dans des situations similaires à celles dans lesquelles ils seront amenés à utiliser le contenu, et d’évaluer le seuil en dessous duquel les contenus proposés demeurent inoffensifs. Ils conseillent également aux constructeurs de former les acheteurs aux produits, par exemple en les soumettant à des jeux d’entraînement obligatoires, pour s’y habituer et comprendre les risques avant d’encourir de réels dangers [18]. L’élaboration de bonnes pratiques et l’information claire des consommateurs à chaque niveau sera, ici aussi, de rigueur.

2.3 Utilisation dommageable des contenus virtuels :

Un utilisateur plongé dans un univers virtuel peut subir des accidents [19], mais il peut aussi causer, volontairement ou non, des dommages aux autres utilisateurs ou aux tiers, dans la vie réelle [20] ou à l’intérieur de l’univers virtuel. Certaines juridictions reconnaissent les dommages subis dans les univers virtuels et appliquent pour les sanctionner des raisonnements classiques [21]. Les outils numériques facilitant substantiellement la preuve, nous verrons probablement condamnés à l’avenir de plus en plus d’actes de vol, de contrefaçon, d’usurpation d’identité, d’atteinte à la vie privée, de harcèlement sexuel, etc. commis dans les mondes virtuels. Plusieurs pays ont incriminé ces dernières années les actes de cyber-harcèlement (notamment le revenge porn), considérés à l’origine de nombreux suicides.

En fonction de leur rôle et de leur pouvoir d’intervention, les concepteurs, éditeurs, distributeurs, hébergeurs de contenus d’AR et de VR, ainsi que les fabricants de matériel, pourraient être tenus responsables de certains dommages, surtout si la loi met à leur charge des obligations spécifiques. Typiquement, l’exploitant ou hébergeur d’un réseau virtuel peut voir sa responsabilité engagée pour la publication de contenus illicites par les utilisateurs dans les conditions prévues par les lois encadrant la responsabilité des prestataires techniques [22]. En 2009, Linden Lab était la cible d’une action de groupe intentée par des utilisateurs du réseau Second Life qui avaient créé des objets virtuels à fort potentiel commercial (ventes avoisinant 1M USD) et qui estimaient que la société n’était pas suffisamment réactive pour supprimer les contenus contrefaisants et tirait en plus profit de la contrefaçon [23]. Mais parfois, la responsabilité de l’entreprise peut découler d’un texte de portée plus générale, et l’entreprise doit arbitrer entre l’exercice concurrent de droits et libertés fondamentaux opposés : en 2015, la CEDH retenait la responsabilité de l’exploitant d’un portail d’actualités pour les commentaires haineux publiés par ses lecteurs, alors que celui-ci avait respecté ses obligations légales en tant qu’intermédiaire technique [24].

Deux axes de défense sont envisageables :

3. Proposer des créations adaptées aux catégories de public visées

 
Les créateurs et éditeurs d’œuvres d’AR/VR, ainsi que les exploitants de réseaux de Social VR/AR accueillant du contenu généré par l’utilisateur, doivent mettre en œuvre des solutions de protection de la jeunesse en conformité avec les lois applicables. La classification du contenu est fortement conseillée et commence à être imposée par certaines plateformes.

3.1 Obligations légales de protection de la jeunesse

De manière générale, la loi réprime la mise en danger des mineurs - par ex. les art. 227-23 et 227-24 du Code pénal interdisant de fixer, d’enregistrer, de diffuser ou de rendre disponible l’image ou la représentation à caractère pornographique d’un mineur, et de fabriquer, transporter, diffuser et faire commerce de messages à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique ou de nature à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, lorsque ces messages sont susceptibles d’être vus ou perçus par un mineur.
 
Mais les règles applicables en termes de responsabilité sont segmentées et d’importants écarts existent entre les modes de communication normés : la communication audiovisuelle est régulée a priori, notamment par une classification obligatoire, alors qu’internet est contrôlé a posteriori, nécessitant l’intervention du juge, et que les intermédiaires techniques bénéficient d’un régime de responsabilité allégée. Le CSA incite depuis quelques années à une coordination globale des mécanismes de protection à travers les différents supports et il est possible que son pouvoir de contrôle s’étende avec le temps, même s’il admet que « l’idée d’instaurer un contrôle généralisé d’internet est irréaliste » [27]. Les acteurs de l’AR/VR doivent évaluer leur responsabilité en fonction des vecteurs de communication utilisés et faire preuve de diligence.

3.2 Classification des contenus

Il n’existe à ce jour aucune réglementation et aucun mécanisme d’autorégulation unanimement reconnu pour classifier les contenus en VR/AR au regard des catégories de public visées. Les restrictions d’âge posées par les constructeurs de casques sont déterminées, comme nous l’avons vu, par des considérants de sécurité, et pourront évoluer en même temps que les avancées technologiques. Or, un contenu en AR / VR pose les mêmes problématiques de protection de la jeunesse qu’un contenu non-immersif, avec la complexité supplémentaire de la sensation de réel ou de la confusion avec le réel. Le succès de l’industrie pornographique en VR est sans surprise [28]. L’adoption d’un système de classification adapté à ce type de contenus devrait être une priorité pour rassurer les consommateurs.

En janvier 2017, Oculus a décidé d’imposer aux développeurs de contenus vendus sur sa plateforme la certification IARC [29] - un système de classification rapide et gratuit de contenus digitaux mis en place par une coalition internationale d’organismes de classification, dont la PEGI et l’ESRB. Celle-ci analyse chaque contenu sur la base d’un questionnaire reflétant les exigences de chaque autorité de classification partenaire et délivre des ratings adaptés pour les pays et les régions correspondantes, ainsi qu’un rating générique pour le reste du monde.

La généralisation de ce système, ou la concertation de l’industrie autour d’un système alternatif sauront peut-être éviter une intervention régulatrice de l’Etat. En tout état de cause, certains canaux de diffusion comme la télévision bénéficient de classifications propres, susceptibles d’application aux œuvres comportant des fonctionnalités de AR/VR. Ainsi, si un programme comme « Lost in Time » [30] était diffusé par un éditeur de télévision français, il devrait probablement être classifié en conformité avec la recommandation du CSA du 7 juin 2005, indépendamment des éventuelles classifications adoptées pour les autres modes d’exploitation (à l’instar, aujourd’hui, des œuvres cinématographiques diffusées à la télévision).

Au-delà des sujets évoqués ci-dessus, il ne faudra pas oublier l’incidence des règlementations plus générales relatives aux traitements de données personnelles, à la fiscalité des transactions et des devises virtuelles, à la portabilité transfrontalière des contenus, à la réglementation des aides d’état, aux clauses abusives, etc. Les acteurs de l’AR et de la VR intervenant à échelle internationale doivent s’assurer que leurs activités respectent les exigences a minima de l’ensemble des règles de droit territorialement applicables, souvent inégales. En attendant l’aboutissement des initiatives législatives pour simplifier le travail des entreprises intervenant au niveau international [31], ils auront tout intérêt à se construire ensemble et à se montrer proactifs envers les consommateurs pour instaurer une relation de confiance - une étape nécessaire pour confirmer la place durable de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée parmi les vecteurs de création du 21ème siècle.

Cerasela Vlad, Avocat www.enter-law.com

[1Résultats Statista sur la période 2016-2021

[2Total Recall Techs v. Luckey, n° C 15-02281 WHA, US Dist N. D. Cal, 16 jan. 2016

[3K. Orland, ZeniMax to judge : Block Oculus sales or give us 20% - Ars Technica, 21 juin 2017

[4TGI de Paris, ordonnance du juge de la mise en état du 20 juill. 2015, RG n°15/09674

[5EUIPO, Protecting innovation through trade secrets and patents : determinants for European Union firms, July 2017

[6TGI Paris, ordonnance du juge de la mise en état du 24 nov. 2016, RG n°15/15648

[7C. Salvatore, Oculus Sued Over Virtual-Reality Perspective Patent, Law360.com, 7 avr. 2017

[8R. Boysen, Sony Hit With Patent Suit Over Virtual Reality Tech, Law360.com, 16 mai 2017

[9Cass. Civ. 1, 25 juin 2009, Cryo

[10X. Daverat, Un « désœuvrement » audiovisuel, Comm. Comm. El. mars 2005, n°19

[11C. conso., art. L. 421-1 s. transposant en droit français la Directive 2001/95/CE du Parlement Européen et du Conseil du 3 décembre 2001

[12Par ex. le décret n°96-360 du 23 avril 1996 relatif aux mises en garde concernant les jeux vidéo, JO n°102 du 30 avril 1996

[13A. Akl, VR Aids Therapy, but What Happens to Your Brain ? - VOA, 8 avr. 2016

[14J. O. Bailey & J. N. Bailenson (2017) Considering virtual reality in children’s lives, Stanford University, Journal of Children and Media, p. 109

[15Scientific Committee on Health, Environmental and Emerging Risks, Preliminary Opinion on 10 Potential risks to human health of Light Emitting Diodes 11 (LEDs), 6 juill. 2017

[16https://www.youtube.com/watch?v=974-b5W0QLw - application Lifeliqe pour HTC Vive, s. 03

[17E. E. Sabelman et R. Lam, The Real-Life Dangers of Augmented Reality - IEE Spectrum, 23 Jun 2015

[18Idem

[19J. Delzo, « Men fall from cliff playing Pokémon Go » - CNN July 16, 2016

[20C. Riley et Y. Wakatsuki, “Pokemon Go-playing truck driver kills woman in Japan” - CNN Aug. 24, 2016

[21Aux Pays-Bas, le transfert sous la menace d’objets virtuels dans le jeu Runescape a été qualifié de vol (Cour Suprême des Pays-Bas, 31 jan. 2012). Aux États-Unis, surtout depuis le lancement de Second Life en 2003, les dommages virtuels ont donné lieu à de nombreux litiges entre particuliers, fondés sur la contrefaçon (M. Lopez, Second Life resident sued for copyright infrigement, Wired 7 mai 2007), mais aussi sur la responsabilité contractuelle (C. Kirby, Avatars, attorneys in new world of virtual law, 27 avr. 2009, SFGATE).

[22En Europe, les lois transposant la Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 (« directive sur le commerce électronique ») ; Aux Etats-Unis, l’art. 512 du Titre 17 du US Code, qui encadre la responsabilité des fournisseurs de services en ligne en cas de violation du copyright par leurs utilisateurs et les tiers.

[23J. Zand, Virtual Reality Sex Toys Creator Sues Second Life : Get ’Em Outta’ My Bed, Find Law, 19 sept 2009

[24CEDH, Grande chambre, 16 juin 2015, Aff. Delfi c. Estonie (Requête no 64569/09)

[25D. Moreno, Judge Throws Out Lawsuit That Blamed Apple For Distracted Driving, International Business Times, 26 août 2017

[26Art. 1, par. a, de l’Annexe de la Directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993

[27CSA, étude La protection des mineurs à l’heure de la convergence des médias audiovisuels et d’internet, mars 2012 ; voir également la mise en garde récente de la société Studio Bagel Production pour propagande en faveur de l’alcool sur le service "Les Recettes Pompettes by Poulpe" sur YouTube - CSA, Assemblée plénière 9 nov. 2016.

[28M. Hussey, A deep dive into the business of virtual reality porn, 6 sept. 2017, The Next Web

[30M. Minotti, How mixed reality is transforming the TV game show - VentureBeat, 1er mai 2017

[31Projet de Directive du Parlement Européen et du Conseil concernant certains aspects des contrats de fourniture de contenu numérique, COM (2015) 634, en cours d’examen au Conseil