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Le délit de distribution des dividendes fictifs en droit des sociétés OHADA. Par Lilian Cadel Biassaly, Juriste.
Parution : mercredi 8 novembre 2017
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Face au risque de manipulation des comptes au sein d’une société, le droit pénal des affaires est d’un enjeu capital dans la lutte contre la criminalité d’affaires. En droit des sociétés commerciales OHADA, on retrouve plusieurs infractions liées à la comptabilité : le délit de distribution des dividendes fictifs, le délit de présentation ou de publication des états financiers infidèles.

Tout au long de la gestion d’une société commerciale, les différents acteurs sont exposés à un certain nombre de maladresses susceptibles de porter atteinte à la régularité des comptes sociaux. Le principe en la matière est que la comptabilité de la société doit refléter une image fidèle du patrimoine. A cet effet, le commissaire aux comptes apparaît comme ce personnage clé du contrôle externe de la gestion sociale.

Parmi les principales infractions relatives à la comptabilité, un accent particulier sera mis sur le fraude relative à la répartition des dividendes. Aux termes de l’article 889 de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du Gie « Encourent une sanction pénale, les dirigeants sociaux qui, en l’absence d’inventaire ou au moyen d’inventaire frauduleux, ont, sciemment, opéré entre les actionnaires ou les associés la répartition de dividendes fictifs ». Analysons de façon plus détaillée la portée de cette disposition.

De prime abord, le dividende représente la somme d’argent résultant du partage des bénéfices qui est attribuée à chaque action. Il se doit d’être justifié. Or, il peut arriver que des dirigeants distribuent des dividendes de façon indue sans que les bénéfices les justifiant n’existent réellement. Le but recherché par ces derniers est surtout de tromper les créanciers et investisseurs de la société en montrant une fausse prospérité.

Les éléments du délit

Pour qu’il y ait infraction, l’acte uniforme OHADA, comme son homologue français retient l’absence d’inventaire, mais aussi l’existence d’un inventaire frauduleux.

L’inventaire est un document qui rend compte effectivement de la consistance de l’actif et du passif d’une société. Par conséquent, les comptes doivent refléter une image sincère et régulière de la situation financière de la société. Ceux qui ne répondraient pas à ses exigences seraient réputés frauduleux. Parmi les cas frauduleux, on peut citer d’une part la majoration de l’actif et d’autre part la minoration du passif.

S’agissant de la majoration de l’actif, elle peut résulter d’une surestimation d’éléments réels de l’actif par exemple la surévaluation de stocks ou de la valeur des titres ou encore l’inscription des frais généraux comme frais et travaux de premier établissement, etc. mais elle peut également se traduire par une simulation de l’existence d’éléments d’actifs, en réalité inexistants, par exemple, l’inscription à l’actif de créances en réalité irrécouvrables ou la simulation de stocks inexistant, etc.

Quant à la minoration du passif, elle peut se traduire par l’omission de l’inscription d’une charge, en reportant une partie des frais généraux sur le compte de l’exercice suivant. On peut également sous-évaluer le montant d’une dette.

L’élément matériel

D’abord, il faut un acte de distribution. La valeur doit en principe entrer dans le patrimoine des actionnaires. Toutefois, l’infraction peut être réalisée par la décision des gérants ou du conseil d’administration ordonnant le paiement du dividende, même en cas de vote par l’assemblée générale d’un quitus.

Ensuite, il faut un caractère fictif du dividende. Ici, l’article 144 de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales apporte des précisions quand au caractère fictif de la dividende. En effet, ce texte impose qu’il faut au préalable une approbation des états financiers et une constatation de l’existence de sommes distribuables par l’assemblée générale. En cas de non-respect de ces règles, tout dividende distribué est en réalité fictif.
Parallèlement, on retient qu’il doit exister des irrégularités de fond liées au bénéfice, soit que le bénéfice lui-même n’existe pas ou qu’il n’est pas encore réalisé.

L’élément intentionnel

Il s’agit d’apprécier la mauvaise foi des dirigeants qui décident de répartir des dividendes en ayant connaissance du caractère fictif. Le prévenu pourra difficilement établir son ignorance du caractère frauduleux que présentaient de tels agissements en raison de ses fonctions au sein de la société.

Sanction

L’acte uniforme renvoie aux dispositions pénales de chaque État partie. Au Sénégal par exemple, la peine est de 1 an au moins et 5 au plus et une amende de 100.000 à 5 millions de Fcfa. Au Cameroun, une peine de 1 an à 5 ans et une amende de 1 millions à 10 millions de Fcfa ou de l’une de ces peines...

Lilian Cadel Biassaly Conseil Juridique agréé, Gabon Manager du Cabinet Juridique Biassaly [->contact@cabinetbiassaly.com] https://www.linkedin.com/in/lilianbiassaly/
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