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Quel est l’intérêt de consulter un avocat avant de se marier ou de se pacser ? Par Louis Laï-Kane-Chéong.
Parution : lundi 13 novembre 2017
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Les festivités du mariage se préparent longtemps en amont. Mais un mariage sans embûches est aussi un mariage dont les effets juridiques ont été voulus et envisagés, car trop souvent, c’est dans la déconvenue d’un évènement douloureux (divorce, décès, surendettement…) que le manque de prévision juridique rattrape les époux : querelles sur le sort des biens, contentieux sur les récompenses…

L’institution matrimoniale en particulier, et les unions en général, soulèvent des questions d’ordre patrimonial auxquelles il convient de répondre tour à tour.

Nous sommes sur le point de nous marier, faut-il faire un contrat de mariage ?

D’emblée, précisons que le contrat de mariage n’est pas obligatoire. Mais à défaut de contrat de mariage, le régime matrimonial légal s’appliquant aux époux sera celui de la communauté réduite aux acquêts (1400 du Code civil). Ainsi, tous les biens acquis pendant le mariage seront communs aux deux époux, y compris les revenus de chacun d’eux (1401 du Code civil).
Si les époux demeurent libres de dépenser comme ils l’entendent leurs revenus (223 du Code civil), ils devront rembourser la communauté – concrètement l’autre époux –, chaque fois qu’ils auront tiré un profit personnel de leurs revenus, ou en auront disposé contre les devoirs du mariage (1437 et 1417 alinéa 2 du Code civil). Ainsi, l’époux qui entretient sa maîtresse en lui versant son salaire devra le rembourser à la dissolution du mariage.
Au mécanisme des récompenses, il faut ajouter le risque de surendettement encouru par la possibilité pour un seul époux d’engager les biens communs, y compris le logement familial s’il est commun (1418 du Code civil).

Dès lors, faire un contrat de mariage n’est pas une obligation, mais constitue la faculté pour les époux de contourner les désagréments du régime légal. Il est ainsi possible d’aménager ponctuellement le régime légal en lui ajoutant des clauses par contrat de mariage, ou d’adopter en bloc l’un des modèles de régime conventionnel que le Code civil prévoit (séparation de biens, participation aux acquêts).
A cela, une seule limite : celle de l’article 1388 du Code civil qui interdit aux époux de déroger aux devoirs et droits résultant du mariage, et aux règles sur l’autorité parentale, l’administration légale et la tutelle.

Nous souhaitons réduire les risques liés au régime légal, quel régime conventionnel faut-il adopter ou quelles clauses faut-il stipuler ?

Il n’y a en la matière aucune réponse prédéfinie : tout dépendra des besoins spécifiques et de la situation particulière des époux. Mais l’on peut dégager des tendances générales.

Si les époux s’orientent vers davantage d’indépendance, le régime de la séparation de biens sera privilégié, régime au sein duquel il n’existe pas de communauté : chaque époux demeure propriétaire de ses biens personnels, tant avant que pendant le mariage (1536 du Code civil).
Toutefois, attention à la sournoise présomption d’indivision qui s’applique lorsque les époux sont dans l’impossibilité de prouver que tel bien leur appartient exclusivement (1538 alinéa 3 du Code civil). Dans ce cas, le bien sera réputé leur appartenir indivisément pour moitié, avec pour conséquence, l’application du droit commun de l’indivision. Pour y remédier, l’on ajoutera au régime de la séparation de biens, une clause prévoyant que la facture établie au nom de l’un des époux présume la propriété de celui-ci. Restera alors à conserver les factures…
La séparation de biens présente aussi l’avantage de mettre à l’abri son conjoint lorsque l’autre époux exerce une activité à risques : par les dettes qu’il contracte, il n’engagera ainsi que ses biens personnels, les créanciers ne pourront pas saisir les biens de son conjoint.
Aussi, la séparation de biens a une incidence fiscale sur laquelle nous reviendrons.

Au contraire, lorsque la crainte de la séparation s’est étiolée des esprits de nos époux dont les liens se fortifient avec le temps, il leur est loisible de récompenser la solidité du mariage par la volonté de protéger le survivant par-delà la mort de l’autre, en lui transmettant tous les biens du couple. Une communauté universelle (1526 du Code civil) avec clause d’attribution intégrale au dernier survivant sera alors stipulée. Elle permet de transmettre la totalité du patrimoine du couple au conjoint survivant, sans qu’il y ait lieu de payer des droits de succession (article 796-0 bis du Code général des impôts, pour les successions entre époux ouvertes depuis le 22 août 2007) !
La communauté universelle assortie d’une clause d’attribution au dernier survivant permet également de contourner les règles classiques de dévolution successorale en présence d’enfants communs, lesquels recueilleront certes plus tard la succession de leurs parents, mais avec l’avantage de ne payer qu’une seule fois les droits de succession.

A ma mort, je souhaite tout transmettre à mon conjoint, mais nous avons des enfants non communs, que faire ?

La communauté universelle avec clause d’attribution intégrale au dernier survivant demeure possible, néanmoins, les enfants non communs pourront exercer une action en retranchement de l’avantage matrimonial pour que leur réserve héréditaire, si elle a été excédée, soit reconstituée (1527 alinéa 2 du Code civil).

Nous sommes déjà mariés sous le régime légal et, à la lecture de cet article, souhaitons modifier notre régime matrimonial, est-ce possible ?

Selon l’article 1397 du Code civil, après deux années d’application du régime matrimonial, il est possible d’en modifier. Comme le contrat de mariage, la modification se fait par acte notarié. Ensuite, il faut informer les enfants majeurs de chaque époux et les parties qui étaient présentes au contrat de mariage initial, de ce changement. Enfin, il faut publier le changement dans un journal d’annonces légales pour en informer les créanciers.

Je suis marié et je souhaite faire une donation à mon conjoint, comment sera-t-elle traitée ?

Il faut déjà savoir qu’il est possible de donner plus à son conjoint qu’on ne pourrait donner à un étranger (1094-1 du Code civil).
La donation de biens présents faite à son conjoint est désormais irrévocable et bénéficie d’un abattement de 80 724 euros (article 790 F du Code général des impôts). Après déduction de l’abattement, s’appliquera le tarif des droits de donation prévu entre époux (article 777 du Code général des impôts), selon lequel, à une valeur déterminée correspond un pourcentage progressif.

Comment sont imposés les revenus d’un couple marié ?

En principe, l’imposition des revenus d’un couple marié est commune (article 6, 5 du Code général des impôts), sauf lorsqu’ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ; lorsqu’étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées ; et lorsqu’en cas d’abandon du domicile conjugal par l’un ou l’autre des époux, chacun dispose de revenus distincts.

Je suis marié et j’ai souscrit une assurance-vie au bénéfice de mon conjoint, quel en est le traitement ?

Il y a lieu de distinguer entre deux traitements :
- Si les primes sont versées au conjoint survivant bénéficiaire après le 70ème anniversaire du souscripteur décédé, elles sont exonérées de droits de succession (article 757 B, I et 796-0 bis du Code général des impôts) ;
- Autrement, alors qu’en principe, les sommes dues au titre de l’assurance-vie à raison du décès de l’assuré sont soumises à un prélèvement, après abattement de 152 500 euros par bénéficiaire, l’époux bénéficiaire d’un tel contrat est exonéré de ce prélèvement (article 990, I du Code général des impôts).

D’un point de vue patrimonial, ne serait-il pas préférable de se pacser, voire de demeurer en concubinage ?

Il est certain que si les époux souhaitent rester indépendants dans l’union, le PACS semble être le parfait compromis.
En effet, par défaut, le régime patrimonial légal du PACS consacre la séparation des biens entre les partenaires (515-5 du Code civil) pour les PACS enregistrés après le 1er janvier 2007.
Sauf exception, les solutions dégagées pour les époux séparés de biens s’appliquent au PACS.

Toutefois, les partenaires peuvent écarter le régime légal pour adopter un régime conventionnel d’indivision d’acquêts, ressemblant fortement à la communauté légale réduite aux acquêts.
S’agissant du traitement des droits de mutation à titre gratuit (donation et succession), ainsi que celui du capital reçu en vertu d’un contrat d’assurance-vie en cas de décès, les solutions applicables aux conjoints mariés sont transposables aux partenaires pacsés.
Si le PACS semble présenter les avantages du mariage avec plus de souplesse, il n’existe cependant pas de mécanisme de récompense, lequel se déploie avec une idée de justice : celle de rembourser les dépenses qui n’ont pas servi les intérêts du ménage.
Par ailleurs, même avec un régime conventionnel d’indivision d’acquêts, la gestion quotidienne n’est pas aussi aisée que dans le régime légal de la communauté réduite aux acquêts.

S’agissant du concubinage, seul l’article 515-8 du Code civil en donne une définition laconique selon laquelle, il est « une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».
Rien n’est prévu quant aux rapports patrimoniaux qu’entretiennent les concubins.

De la même manière qu’un PACS mal préparé peut être désastreux à sa rupture, le concubinage le sera encre plus au jour de la séparation, s’il a été le lieu d’échanges patrimoniaux informels où l’un soutenait l’autre avec une ferme intention libérale.
Il est alors vivement conseillé aux concubins de conclure une convention de concubinage afin d’organiser leurs rapports patrimoniaux et les conséquences de la rupture. La prévision d’un inventaire des biens, la préconstitution de la preuve de l’appartenance des biens et les modalités de leur partage en cas de rupture peuvent être envisagées.

Louis Laï-Kane-Chéong