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La « version 2.0 » de la réforme du droit des contrats. Par Alexandre Peron, Legal Counsel.
Parution : lundi 20 novembre 2017
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C’est le 10 février 2016 que l’ordonnance n° 2016-131 est venue entériner une réforme de très longue date et ayant fait couler beaucoup d’encre, à savoir la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
Alors que les contrats nés à compter du 1er octobre 2016 sont d’ores et déjà soumis aux nouvelles dispositions du Code civil en matière contractuelle, le sujet de la loi de ratification vient seulement de se poser.

Le 9 juin 2017 était déposé au Sénat un projet de loi de ratification de l’ordonnance, projet qui ne devait pas avoir vocation à apporter des modifications complémentaires aux modifications ayant déjà été répercutées dans le code de 1804.

Toutefois, dans notre système français, même lorsque le Gouvernement a statué par voie d’ordonnance dans une matière déterminée, le Parlement garde un pouvoir important, à savoir celui de modifier les travaux effectués et donc le contenu de l’ordonnance, et cela au moment de la phase de ratification de l’ordonnance.

En l’espèce, c’est effectivement ce que le Parlement a fait en amendant le projet de loi de ratification du 9 juin 2017, ceci ayant pour conséquence un « update » de la réforme avec 23 articles du Code civil qui pourraient être amenés à être modifiés.

Si en principe, le projet d’une loi de ratification se veut simple car ne faisant que constater la ratification d’une ordonnance devant les parlementaires, le Sénat avait dès le départ fait connaître sa position en indiquant que des amendements seraient à prévoir. Ce fut effectivement le cas, puisqu’au total, la commission des lois du Sénat a adopté 14 amendements ayant pour objectifs de corriger des erreurs et de lever le voile sur certaines difficultés d’interprétation de la réforme.

Si la majorité des modifications concernent des ajustements textuels dont notamment les articles 1217, 1221 ou encore 1304-5 à titre d’exemples, des modifications substantielles pourraient voir le jour. Ainsi, ces dernières modifications pourraient toucher l’article 1110 relatif aux définitions du contrat de gré à gré et du contrat d’adhésion par exemple. A ce titre, le contrat de gré à gré verrait ses stipulations être librement « négociables » et non plus « négociées ». L’article 1165 relatif à l’abus dans la fixation du prix, pourrait également être concerné par exemple, et dès lors le juge pourrait sanctionner cet abus par le prononcé de dommages intérêts mais aussi par la résolution pure et simple du contrat.

Ce sont 16 articles du Code civil au total qui pourraient subire des modifications de fond. Si cela semble peu, il n’en demeure pas moins que le risque est de voir émerger une « nouvelle réforme de la réforme du droit des contrats ». Cela aurait pour conséquence fâcheuse, une application dans le temps des réformes extrêmement complexe dans la mesure ou les contrats signés avant le 1er octobre 2016 resteraient régis par l’ancien droit des contrats ; les contrats signés à partir du 1er octobre 2016 seraient régis par les nouvelles dispositions du droit des contrats issues de l’ordonnance du 10 février 2016, et enfin les contrats signés après l’entrée en vigueur de la loi de ratification portant de nouvelles modifications substantielles, seraient soumis aux dispositions de cette « réforme de la réforme ».

Malgré ce risque, les 14 amendements ont été intégrés au projet de loi adopté par le Sénat et soumis à la commission des lois de l’Assemblée nationale après que le Sénat l’ait déposé à l’Assemblée le 18 octobre 2017.

Pour plus de clarté, il est possible de classer les amendements en six grands thèmes.

Ainsi les amendements 1 à 4 traitent de la clarification ou de la modification de la définition de certaines notions juridiques comme le contrat de gré à gré comme nous l’avons vu supra, mais également de sujets relatifs à la négociation contractuelle et à l’échange des consentements. Dès lors l’amendement n°3 par exemple, vient étendre la caducité de l’offre en cas de décès du destinataire de cette offre.

L’amendement n°5 forme à lui seul un thème relatif aux règles applicables en matière de capacité à contracter et de représentation. Par exemple il vient supprimer de l’article 1145 du Code civil la référence aux « actes utiles à la réalisation ».

Le fond du contrat et son articulation forment le troisième thème composé des amendements n°6 et 7. Ainsi l’amendement 7 est crucial en la matière car il modifie l’article 1195 relatif à l’imprévision en venant supprimer la possibilité donnée au juge de réviser le contrat. Il est proposé que ce dernier n’ait que la capacité d’y mettre fin directement.

L’amendement n° 8 forme également à lui seul un thème relatif à l’exécution du contrat et précise notamment un point important, à savoir que la diminution du prix convenu entre les parties est bien possible mais de manière unilatérale par le créancier.

Les amendements 9 à 13 forment un thème varié qui permet notamment de découvrir au sein de l’amendement n° 13, une proposition utile visant à préciser la possibilité pour la caution et le codébiteur solidaire de se prévaloir de la compensation, alors même qu’elle n’aurait pas été invoquée par le débiteur principal, un codébiteur ou le créancier.

Enfin, l’amendement n° 14 traite des dispositions transitoires en précisant que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public.

Il convient donc de suivre de près les décisions qui seront prises par la commission des lois et les évolutions à venir.

Alexandre Peron Legal Counsel
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