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Un maire peut-il refuser de prêter une salle à une association ? Par Chloé Schmidt-Sarels, Avocate.
Parution : lundi 27 novembre 2017
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Si le maire est compétent pour fixer les conditions d’utilisation des locaux communaux mis à disposition des associations et des partis politiques, celui-ci ne dispose pas d’une liberté totale dans la mesure où il ne doit pas porter atteinte aux libertés fondamentales, notamment au principe d’égalité et à la liberté de réunion.

Les collectivités territoriales sont particulièrement sollicitées par les particuliers pour la mise à disposition de leurs locaux. Les associations, les partis politiques et les organisations syndicales peuvent, quant à eux, bénéficier d’une mise à disposition des locaux communaux s’ils en font la demande auprès du maire [1].

Le maire, compétent pour décider de la mise à disposition des locaux communaux

Le maire est seul compétent pour se prononcer sur une demande de mise à disposition d’une salle municipale.
Il n’a pas à consulter le conseil municipal préalablement à sa décision, « même en l’absence de réglementation de l’usage des salles fixée par le conseil municipal » [2].
De plus, le conseil municipal doit intervenir lorsque la mise à disposition des locaux se fait à titre onéreux afin d’en fixer les tarifs [3].
Par ailleurs, le maire doit rendre sa décision en tenant compte « des nécessités de l’administration des propriétés communales, du fonctionnement des services et du maintien de l’ordre public » [4]. Cette dernière ne peut donc pas être arbitraire.

Les pouvoirs du maire limités par le principe d’égalité et la liberté de réunion

Le pouvoir de décision du maire dans la mise à disposition des locaux communaux n’est pas absolu.
Il est en effet tenu d’assurer l’égalité de traitement des usagers. Cela ne l’empêche pas de fixer des tarifs différents en fonction du type d’usager (entre un particulier et une association, par exemple) ; cependant, ces tarifs doivent être justifiés par des critères objectifs [5]. Par ailleurs, s’agissant du prêt de salles communales à des associations et partis politiques, celui-ci ne constitue pas un droit mais une simple faculté. Pour autant, un maire ne peut refuser de prêter une salle municipale à une association en raison de sa nature, et par exemple, ne pas accorder de mise à disposition d’un local à une formation politique en raison du seul fait de sa nature politique [6]. Cela aboutirait en effet à porter atteinte à la liberté de réunion et d’association.

Le juge admet des refus motivés par les nécessités de l’administration du domaine communal, du fonctionnement des services, du maintien de l’ordre public ou pour un motif d’intérêt général [7].
Ainsi, une association ou un parti politique qui se verrait refuser la mise à disposition de locaux communaux de façon arbitraire et discriminatoire peuvent contester cette décision devant le juge administratif, notamment par la voie du référé-liberté [8].

Un conseil municipal qui peut restreindre l’usage des locaux communaux

Si la commune entend se doter d’une réglementation de l’utilisation des salles communales, celle-ci, votée sous forme de délibération, peut restreindre l’usage des salles communales, en en excluant certaines catégories d’associations. A l’appui de cette réglementation, le maire accordera, ou non, le prêt ou la location d’une salle.

Là encore, ces restrictions municipales doivent se fonder sur des motifs non discriminatoires et tirés de la bonne gestion du domaine public communal, l’affectation du lieu en cause ou un autre motif d’intérêt général.

Ces délibérations, tout comme les arrêtés du maire, peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. A l’occasion d’un tel recours, le juge a admis une délibération prévoyant la location d’un local communal à « toutes associations, groupements et organismes laïques ou religieux, à l’exclusion des associations, groupements et organismes à caractère politique ou exerçant des offices religieux, l’exclusion des groupements à caractère politique étant levée pendant la durée de la durée légale des campagnes électorales », le conseil municipal ayant pour objectif de « mettre l’utilisation des locaux appartenant à la commune à l’abri de querelles politiques ou religieuses  », « sauf pendant les campagnes électorales » [9].

Chloé Schmidt-Sarels Avocate en droit public www.css-avocate.fr

[1Art. L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales.

[2CE, 21 juin 1996, Assoc. « Saint-Rome demain », n°134243, Lebon T. 679.

[3CE, 30 octobre 1996, Epx Selmi, n°123638, Lebon T. 746.

[4Article L. 2144-3 op. cit.

[5Civ. 1re , 13 mai 2014, n°12-16.784.

[6CE, 15 mars 1996, M. Cavin, n°137376, Lebon 16.

[7CAA Bordeaux, 28 déc. 2009, n°09BX01310.

[8CE, ord., 26 août 2011, Cne de Saint-Gratien, n°352106

[9CE, 5/3 SSR, 21 mars 1900, Commune de la Roque-d’Anthéron, n°76765.

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