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Le contract management est-il devenu incontournable pour les entreprises ?
Parution : vendredi 22 décembre 2017
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Si elle a toujours été cruciale, la gestion des contrats s’est aujourd’hui complexifiée. Plus rigoureuse, avec l’influence de la compliance qui exige transparence et éthique, elle demande aussi plus de travail en amont, afin d’anticiper les risques. Ces nombreux changements amène au développement du contract management, dont la logique est peu à peu intégrée. Mais quels en sont concrètement les résultats ?
Afin de tirer un premier bilan, le cabinet Green Conseil a réalisé une étude dressant un panorama 2017 sur le sujet. A travers 50 entretiens, elle dégage ainsi les opportunités que représente la fonction, tant pour les entreprises qu’en terme d’emploi. Deux membres du cabinet, Alicia Geleijns, consultante et Adeline Fedrizzi, responsable BU Contract management, ont accepté de nous en dire plus.

Clarisse Andry : Qu’est-ce qui motive les entreprises que vous avez interrogées à mettre en place une politique de contract management ?

Alicia Geleijns : La motivation à mettre en place une politique de Contract Management varie en fonction du niveau de maturité des entreprises. Certaines mettent en place du Contract Management pour améliorer la relation entre co-contractants, pour sécuriser les marges ou encore mieux appréhender la complexification des contrats. Ces entreprises adoptent donc une démarche pro-active. D’autres mettent en place du Contract Management afin de faire face à une dérive, que ce soit en termes de temps ou de coûts, ou suite à un échec sur un projet important. Ces entreprises sont généralement moins matures, adoptent une démarche réactive et le mettent en place par obligation.

Alicia Geleijns

Adeline Fedrizzi : On voit de plus en plus de structures intégrer le Contract Management dans le cadre d’obligations règlementaires, selon les secteurs. Je pense par exemple au secteur bancaire, qui vient de recevoir par voie de directive européenne, une obligation de surveillance particulière aux contrats dits « à risque » ou « critiques ». Mais en synthèse, effectivement ce qui pousse le Contract Management à l’heure actuelle, c’est la prévention des risques, ou la réaction à certains cas de dérives.

Quels sont les freins et les problèmes qu’elles peuvent rencontrer ?

Alicia Geleijns : De nombreuses entreprises sont encore réticentes à mettre en place une politique de contract management, et les résultats de notre étude indique que les raisons sont multiples : un investissement que l’on ne souhaite pas faire pour une fonction qui est considérée comme étant support ; un frottement entre les directions qui voient d’un mauvais œil l’arrivée d’un Contract Manager sur leur projet, ou encore un manque de connaissance du sujet (on ne sait pas comment s’y prendre, on n’a pas les ressources, on ne voit pas l’intérêt de changer les manières de faire…).

« Nombreux sont ceux qui peuvent y voir un chantier long et fastidieux, alors que l’on peut y aller progressivement » (A.F.)


Adeline Fedrizzi : Pour compléter, je parlerais aussi de la peur du changement, tout simplement… La peur - ou le manque de motivation - à entreprendre la transformation des pratiques. Nombreux sont ceux qui peuvent y voir un chantier long et fastidieux, alors que l’on peut envisager d’y aller progressivement, brique après brique, de manière à ajuster la cible en fonction des premiers résultats ; et surtout, de manière à s’appuyer sur les « success story », qui permettent de fédérer autour du projet Contract Management.
Face à cela, il est important d’être au clair sur ce qu’est le processus contract management et de communiquer dessus : il faut investir en temps pour accompagner le changement, sensibiliser avec pédagogie, expliquer la valeur ajoutée, … De notre expérience, l’approche processus global à déployer localement aide énormément à favoriser le changement !

Quels sont les impacts du contract management sur le business des entreprises ? Et sur leur image ? Est-ce finalement un bon investissement ?

Alicia Geleijns : Le Contract Management est définitivement un bon investissement pour les entreprises : si un grand nombre d’entre elles sont réticentes au premier abord, celles qui se lancent ne font pas demi-tour. Cela montre bien qu’une fois que l’on y a goûté, on ne peut plus s’en passer ! Le plus dur étant de faire ce grand saut… Toutes les entreprises ayant mis en place du Contract Management - au sein de nos interviewés ou bien chez nos clients - s’accordent à dire que leurs relations avec leurs co-contractants se sont améliorées, que les risques sont mieux maîtrisés qu’auparavant et que les pertes sur les projets sont moindres, tant en termes de temps que de coûts.

« Leurs relations avec leurs co-contractants se sont améliorées, les risques sont mieux maîtrisés. » (A.G.)


Adeline Fedrizzi : Comme le dit Alicia, nous n’avons jamais rencontré qui que ce soit qui ait un retour d’expérience négatif à faire… Donc, la réponse est oui, assurément ! En revanche, ce n’est pas simple d’identifier des gains rapides, de mesurer factuellement et rapidement les apports du Contract Management. En effet, c’est un sujet totalement transverse, et dont les retombées positives prennent un minimum de temps à chiffrer. Le laps de temps nécessaire à la mesure du ROI [1] varie en fonction des cycles contractuels, mais il faut patienter entre 6 mois à 2 ans pour avoir des résultats concrets et mesurables.

Quel est le « bon » profil de contract manager ?

Alicia Geleijns : Comme il n’y a pas une seule définition du Contract Management, il n’y a pas non plus un seul « bon » profil Contract Manager. Tout dépend de la fiche de poste associée à son rôle, car elle peut grandement variée d’une organisation à une autre : certains auront une approche très juridique, d’autres très orientée relations clients/fournisseurs, d’autres encore seront des techniciens très présent sur le terrain… Le Contract Management varie également en fonction du secteur d’activité et du type de contrat en jeu, des montants concernés…
Hormis ces spécificités, le Contract Manager doit cumuler des qualités relationnelles, des compétences en management de projets et des risques, une vraie connaissance des enjeux juridiques et contractuels, une capacité à concevoir une stratégie financière, des capacités de synthèse, de négociation, … Si on se base sur les fiches de postes de uns et des autres : le bon profil du Contract Manager n’est ni plus ni moins que le fameux mouton à 5 pattes !

Adeline Fedrizzi

Adeline Fedrizzi : Je rejoins totalement Alicia, l’étude et nos missions montrent que le profil de contract manager varie avant tout en fonction du secteur et de la technicité associée aux contrats à superviser. Les secteurs tels que le BTP, la recherche, le biotechnologie, l’industrie spatiale ou la défense, impliquent des spécificités techniques qui vont impacter le profil du Contract Manager. Par ailleurs, maintenant que l’on a un peu de recul, on observe que le job permet de "switcher" assez aisément d’un secteur à un autre, car il implique une adaptation rapide et facile, une compétence autour du contrat. Et dans ce métier, avoir un regard neuf peut intéresser ! Son expérience lui octroie donc des passerelles que d’autres métiers ne permettent pas forcément.

L’instauration du contract management en entreprise crée-t-elle des opportunités d’embauche ? Ou les entreprises préfèrent-elles recruter et former en interne ?

Alicia Geleijns : On remarque les deux cas d’école, et la solution choisie dépend notamment du niveau de maturité, des conditions dans lesquelles le Contract Management a été mis en place ou encore de la taille de l’entreprise. Par exemple, les acteurs les moins matures et ceux qui y vont par obligation passent davantage par l’interne. Un « bon » Contract Manager coûte cher et représente un investissement que certaines entreprises ne sont pas toujours prêtes à faire.

Adeline Fedrizzi : Pourquoi ne parle-t-on pas de la sous-traitance ? Les « opportunités d’embauche » peuvent coûter cher… « Recruter et former » aussi… Pourquoi ne pas commencer par faire appel à un accompagnement externe expert en en la matière ? Certains clients font appel à nous pour mettre en place la « structure » initiale ou bien faire un « test » sur une période donnée, afin de déployer ensuite en interne. Cela permet de limiter les investissements de départ. Mais dans tous les cas c’est source d’opportunités, business ou embauche !

Propos recueillis par Clarisse Andry Rédaction du Village de la Justice

[1Return On Investment – Retour sur investissement