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Le divorce sans juge et les étrangers : une rupture d’égalité devant la loi ? Par Catherine Dumont, Avocat.
Parution : mardi 28 novembre 2017
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Quand j’ai commencé la profession d’Avocat et que j’ai accompagné des époux dans leur divorce, j’ai souvent entendu dire par mes confrères : « un divorce par consentement mutuel sans bien, sans enfant, c’est facile ! »
Le nouveau divorce par consentement mutuel sans juge a changé la donne en la matière, mais tout particulièrement concernant les couples dont l’un des époux est étranger ou a une double nationalité.

Manifestement le législateur a oublié que la France est historiquement une terre d’asile et de métissage.

Et oui, ce n’est écrit nul part, mais dans la réalité le divorce par consentement mutuel sans juge est réservé aux couples franco-français.

« Pourquoi ? », me demandez-vous.

Parce que le divorce par consentement mutuel sans juge se fait par un acte d’avocat, alors que précédemment c’était le juge aux affaires familiales qui prononçait le divorce et rendait un jugement.

« Et alors, la belle affaire ! » me direz-vous.

Malheureusement ce changement de nature du divorce, qui de judiciaire devient contractuel, se heurte à la rédaction des traités internationaux et des règlements européens, qui n’ont quant à eux pas prévu l’inventivité du législateur français.

Car être divorcé en France c’est bien, mais l’époux étranger ou binational aura aussi le souhait d’être divorcé dans son pays d’origine ou dans le pays de son autre nationalité, notamment pour pouvoir se remarier.
Mais l’acte d’avocat n’est pas reconnu par les traités internationaux ou les règlements communautaires.

En conséquence, la transcription du divorce avec un acte d’avocat ne sera pas possible sur les registres d’état civils étrangers.

Ainsi, il se pourrait qu’un étranger soit divorcé par consentement mutuel sans juge en France sans pouvoir faire valoir son divorce vis-à-vis d’un registre d’état civil étranger. Il se retrouverait alors à la fois divorcé en France et non divorcé à l’étranger. Kafka aurait sans nul doute aimé s’emparer d’une telle situation !

« Mais, il y a forcément une solution ! »
, pensez-vous.

Oui, si le couple a au moins un enfant mineur en âge d’être entendu par le juge aux affaires familiales.
Les parents pourront alors demander à cet enfant de bien vouloir se faire auditionner par le juge, pour leur permettre de bénéficier d’un divorce par consentement mutuel avec une décision de justice prononçant le divorce, reconnue par les autorités étrangères.

Ainsi, les parents qui se mettent d’accord dans le cadre du divorce par consentement mutuel, le plus souvent pour préserver leurs enfants en les tenant à l’écart, vont se retrouver dans une situation inconfortable et que dire de celle de l’enfant…

« Que se passe-t-il quand il n’y a pas d’enfant ou pas d’enfant en âge d’être entendu par le juge ? », vous demandez-vous.

Eh bien, dans ce cas, les portes du divorce par consentement mutuel vous sont fermées.

Vous serez dans la situation de ce jeune couple hispano-serbe, sans patrimoine, sans enfant, parfaitement d’accord sur toutes les conséquences de leur divorce. Les avocats ont dû expliquer aux époux qu’ils ne pouvaient pas divorcer par consentement mutuel, du fait de leur nationalité étrangère.

Les futurs ex-époux n’ont eu d’autre choix que d’entamer une procédure de divorce judiciaire comprenant deux audiences étalées sur de nombreux mois en raison des délais d’audiencement.

Finalement, il n’est pas si simple et rapide ce divorce sans bien et sans enfant, lorsque le couple n’est pas franco-français.

Mieux vaut-il dans ce cas ne pas se marier au premier regard !

Catherine DUMONT Avocat du Cabinet AUTREMENT AVOCATS www.autrement-avocats.fr
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