Village de la Justice www.village-justice.com

De quelques clés pour s’associer avec succès.
Parution : lundi 4 décembre 2017
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/quelques-cles-pour-associer-avec-succes,26599.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

« Venir ensemble est un commencement ; rester ensemble est un progrès ; travailler ensemble est un succès ». (Henry Ford)

Si entreprendre seul est un défi, entreprendre à plusieurs peut s’apparenter à une gageure… du moins pour peu que le projet n’ait pas été suffisamment préparé.
En effet, si plusieurs raisons peuvent parfaitement justifier la volonté de s’associer, il convient néanmoins d’attacher un soin tout particulier au choix des personnes avec lesquelles travailler, ainsi qu’à un certain nombre d’étapes préliminaires déterminantes pour la réussite de toute association.
Je tenais à partager ici les leçons tirées de mon retour d’expérience - qu’il conviendra bien sûr de lire en parallèle d’autres témoignages, tant les aventures entrepreneuriales de ce types sont protéiformes et aussi variées que nombreuses.

Quelques chiffres pour commencer :
La répartition de la profession selon le mode d’exercice de chaque avocat se présente ainsi (Anaafa, « Maître, le magazine de l’avocat :», hors-série, oct. 2017) :
- 24 % de collaborateurs ;
- 51 % d’individuels ;
- 25 % d’associés de structures d’exercice.

Sur l’ensemble des associations existantes, deux grandes catégories se distinguent :
- les associations partageant les moyens ;
- les associations partageant les fins.

Ces deux grandes natures d’associations donnent ainsi figure à des cabinets très différents les uns des autres, le seul partage des charges et locaux n’engageant évidemment pas la même implication que le partage d’objectifs déterminés et d’une philosophie de vie professionnelle (existence d’un projet commun fédérateur).

Quelles questions se poser en amont de toute association ?
- ¨ Pourquoi je souhaite m’associer ?
- ¨ Selon quel timing je souhaite m’associer ?
- ¨ Quel est le temps que je veux/peux consacrer à l’élaboration de mon projet d’association et au maintien de la qualité de mon association chaque jour ?
- ¨ Quel budget je suis prêt à investir, le cas échéant, pour une nouvelle association ?
- ¨ Quels investissements suis-je prêt à faire ?
- ¨ Quelle forme sociale pour mon association ?
- ¨ Quelles limites je tiens absolument à fixer ?
- ¨ Sur quels points je suis prêt à faire des concessions si nécessaire ?

Les éléments de décision à prendre en compte avant de se lancer dans une association sont constitués d’un faisceau d’indices apportés par les réponses aux questions listées ci-dessus.
À chacun, ensuite, de hiérarchiser lesdites questions selon leur degré d’importance et le projet qu’il envisage.

Les associations les plus solides sont celles au sein desquelles les associés consacrent une partie significative de leur temps à l’association en elle-même. Prendre soin de son rapport à ses associés, c’est prendre soin de son association et de sa structure. C’est donner toutes les chances à son projet de durer longtemps et d’avoir une visibilité ; d’obtenir aussi, rapidement, une reconnaissance aux yeux du public.
Bien sûr, tout est à prendre avec mesure et il conviendra de ne pas tomber dans le travers de l’extrême, écueil parfois difficile lorsque le partenaire est une pipelette...
Pour le reste, il semblerait que la réussite de toute association passe par le respect de six points clés que je vous livre sans plus attendre.

- Le choix du/des associé(s) : le "défi casting"

Bien choisir son associé est la première chose à laquelle chacun pense ; pourtant, le choix de son/ses futur(s) associé(s) est loin d’être chose évidente.
C’est cependant capital et l’adage selon lequel « s’associer, c’est comme se marier ! » ne saurait être minimisé tant il est vrai que des similarités existent aussi bien en termes d’engagements pris que d’attentes en retour.
Bien choisir son associé est la première chose à laquelle chacun pense ; pourtant, le choix de son/ses futur(s) associé(s) est loin d’être chose évidente.
C’est cependant capital et l’adage selon lequel « s’associer, c’est comme se marier ! » ne saurait être minimisé, tant il est vrai que des similarités existent aussi bien en termes d’engagements pris que d’attentes en retour.

Aucune liste de critères exhaustifs ne saurait être établie pour garantir la qualité du choix opéré : chacun doit élaborer sa propre énumération sélective afin de choisir au mieux et en connaissance de cause la personne avec laquelle il va travailler et qu’il va, dans la plupart des cas, fréquenter quotidiennement.

C’est sur deux volets distincts que chacun pourra s’efforcer de dresser sa propre liste de critères :

Critères professionnels
S’associer avec un confrère dont on est assuré des qualités professionnelles semble basique :
- Bon technicien du droit/ réputation juridique ;
- Fiabilité dans la relation client ;
- Portefeuille de clientèle ;
- Bon potentiel de progression ;
- Possession d’un réseau ;
- Compétences managériales éventuellement,
- Complémentarité des domaines de spécialisation, etc.

Les critères rattachés à l’aspect professionnel de l’associé sont une base nécessaire mais insuffisante. Les critères humains doivent venir compléter le panel des éléments à prendre en compte dans la sélection :

Critères humains
L’ouverture d’un cabinet ou la continuité d’un projet déjà entamé et impliquant une association ne sont pas de simples projets professionnels mais relèvent bien, de façon plus globale, d’un vrai projet de vie.
Les intelligences relationnelles et émotionnelles sont de mise. Dès lors, les critères humains ont toute leur place et il sera judicieux d’intégrer, pour une association réussie, une connaissance minimale de son futur associé :
- L’associé potentiel respecte-t-il les règles les plus élémentaires du savoir-vivre ?
- Est-ce une personne seule ou qui mène une vie de famille ?
- Son caractère est-il compatible avec le mien ?
- Suis-je bien informé de ses meilleures qualités et de ses points faibles ?
- Quelles sont ses plus grandes peurs dans la vie ?
- Quelles sont les valeurs que nous partageons ? Celles sur lesquelles nous divergeons ?
- Suis-je certain d’être informé comme il se doit de l’état de santé de mon futur associé ?
- A-t-il été correctement discuté ensemble de nos projets de vie respectifs ? (projets familiaux ? Envie d’ouverture d’un cabinet secondaire ? Congés ? Rythmes de vie de chacun, etc.) ;
- Chaque associé est-il bien couvert, le cas échéant, par une prévoyance, de sorte que la structure ne soit pas mise en péril en cas de difficultés ?
- Ai-je un minimum de respect pour son partenaire au privé ? et vice et versa (Et oui : je suis désolée mais parfois, en effet, cela peut poser de graves problèmes et mettre vos nerfs à rude épreuve... ahah !)

Enfin, le critère incommensurable et propre à chacun mais non des moindre dont il convient de tenir compte : le feeling.
Cela peut sembler une lapalissade et pourtant, bon nombre d’associations ont échoué en raison d’une intuition mise sous silence, d’un instinct que l’on refuse d’écouter en se disant qu’il ne fait pas le poids devant l’enjeu financier par exemple.
Or, lorsque l’intuition coïncide avec les critères professionnels et humains, toutes les chances sont réunies pour que l’association naissante ait de beaux jours devant elle.
Une association a en effet vocation à se vivre au quotidien et n’aura pas la même saveur si chacun doit étouffer chaque jour des contrariétés et regrets que son intuition de départ lui avait pourtant soufflés.

Déterminer les matières d’intervention de chaque associé permettra d’anticiper sur la nature de l’association créée :
- association pluridisciplinaire

Il s’agit d’une structure intégrant plusieurs départements de compétences. Le cabinet devient alors un référent régulier et le client est accompagné, en fonction de la problématique qu’il a à soumettre, au département compétent.

- association uni-disciplinaire
La structure créée sera ici spécialisée dans un domaine en particulier : le cabinet sera alors ultra spécialisé et interviendra de manière pointue sur une matière donnée.

S’associer, ce n’est pas uniquement mettre en commun sa force de travail et son argent en toute ou partie, c’est également un partage de valeurs.
Le terme générique de valeurs recouvre aussi bien les valeurs dont on veut faire bénéficier nos clients (réactivité, disponibilité, efficacité, écoute, respect des délais, etc.) que celles que l’on souhaite mettre en place dans les rapports entre associés.
Ces valeurs feront le ciment du projet d’association et détermineront la colonne vertébrale du cabinet.
À ce titre, il est intéressant de souligner que la plupart des valeurs destinées aux rapports avec la clientèle possèdent de grandes vertus lorsqu’elles sont également appliquées aux rapports entre associés…
Faire, en amont de l’association, ce travail de définition des valeurs que l’on souhaite mettre en commun, et discuter de ce qu’elles recouvrent pour chacun.

Réaliser l’exercice de projection suivant : chacun détaille face aux autres la façon dont il se voit dans 3, 5 ou même 10 ans et comment il envisage le cabinet au bout de ces délais. L’apparition de divergences de vision peut alors :
- Offrir la possibilité de travailler aux mesures visant à rapprocher chacune des projections faites par les futurs associés ;
- Révéler des distorsions trop importantes entre les réalités envisagées et souhaitées par chacun et éviter une association malheureuse.

L’exercice, enfin, aura le mérite de faire prendre à chacun le temps de la projection – l’exercice étant souvent négligé par de futurs associés pris par le projet d’association en lui-même et manquant de hauteur de vue.

L’argent étant le nerf de la guerre, les modalités financières devront avoir été précisément détaillées.
Qu’il s’agisse d’une simple association de moyens ou bien d’une association « totale » (partage des charges et des bénéfices), il est recommandé de ne rien laisser au hasard.
Les statuts de l’association définiront ainsi la clé de répartition choisie.
Une solution peu envisagée mais tout à fait judicieuse est d’intégrer aux statuts de l’association une clé de répartition évolutive, en fonction des différentes situations d’avenir qu’il sera possible d’anticiper grâce à la mise en commun des visions et projets de chaque futur associé.
Afin que les bases de l’association soient le plus clair possible et aussi pour que les intérêts en présence soient protégés au mieux, penser à établir un pacte d’associés.

Ce pacte permet notamment de régir le fonctionnement de l’entreprise en déterminant :
- Les responsabilités de chaque associé ;
- Les prises de décisions ;
- Les conditions de la revente des actions ou encore celles de sortie.

Ce pacte n’a rien d’obligatoire mais est fortement recommandé : c’est le meilleur moyen de poser en toute transparence les règles de l’association.
La répartition des charges et des bénéfices entre associés permettra ainsi de faire valoir tant l’équilibre que l’équité ou de privilégier l’un sur l’autre selon les situations d’association.
C’est également une bonne façon d’éviter les échecs de projet d’associations, trop nombreux, dans le cadre d’une association à visée transmissive (un avocat expérimenté qui prépare son départ en retraite en associant un collaborateur ayant vocation à reprendre, ultérieurement, la structure) de sorte que chaque associé y trouve son compte.

Il est indispensable de mettre en chiffres le projet : ce n’est pas un moindre travail.
Projections et mise en commun d’un certain nombre d’informations financières sont alors nécessaires pour l’élaboration d’un business plan.

A ce titre, il apparaît indispensable que chacun soit transparent notamment sur :
- Le montant qu’il est prêt à investir,
- Le montant minimum exigé en termes de revenu mensuel pour que le projet d’association ne le mette pas en difficulté sur le plan personne,
- Les investissements que chacun exige de faire rapidement et ceux qu’ils acceptent de voir différés.

Plus la planification sera précise et étendue, plus l’association aura de chances de fonctionner. Le « flou artistique » devra, autant que faire se peut, être évité afin de s’épargner les déconvenues lourdes de conséquences.
Il paraît indispensable que chacun soit transparent notamment sur :
- Le montant qu’il est prêt à investir,
- Le montant minimum exigé en terme de revenu mensuel pour que le projet d’association ne le mette pas en difficulté sur le plan personnel,
- Les investissements que chacun exige de faire rapidement et ceux qu’ils acceptent de voir différés.

Un business plan en bonne et due forme et solidement bâti sera, de plus, un argument non négligeable pour permettre à l’association d’obtenir une aide éventuellement nécessaire de l’établissement bancaire qu’elle aura choisi pour l’accompagner dans ce projet.
Cette planification chiffrée permettra également, tel un cercle vertueux, de préciser le projet de structure d’exercice en révélant la possibilité d’embaucher rapidement, etc.

Pour la bonne mise en œuvre de chacune des cinq étapes précédemment listées, la communication avec son/ses futur(s) associé(s) sera de mise.
C’est en effet l’une des clés indispensables à la bonne réussite d’un tel projet. Travailler à plusieurs nécessite de faire un effort supplémentaire d’explication : ne pas faire l’économie des mots.
Chacun doit pouvoir s’exprimer et avoir voix au chapitre. Il est capital que chacun se comprenne bien.
Expliciter son projet et sa vision est nécessaire en amont du projet mais également tout au long de son existence.

Pour conclure, l’association n’est donc pas un long fleuve tranquille mais l’aventure en vaut, à de nombreux titres, la peine. Ne serait-ce que parce que l’union fait la force.
Dès lors, s’il est certain qu’il vaut mieux faire cavalier seul que d’être mal accompagné, ne jamais renoncer par principe à l’idée de s’associer un jour serait un bon conseil.

Anissa ZAIDI Avocat à la Cour Fondatrice du cabinet A/Z Avocats