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La demande de renouvellement du bail commercial à l’initiative du preneur. Par Christophe Degache.
Parution : mercredi 6 décembre 2017
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Le législateur a produit ces dernières années divers textes soit la Loi n°2012-387 du 22 mars 2012, la Loi Pinel du 18 juin 2014 et la Loi du 6 août 2015 qui ont apporté des précisions nécessaires en matière de délivrance de congé et de durée du bail commercial.

Il peut en résulter une certaine inquiétude chez les bailleurs et les preneurs car le formalisme entourant la délivrance du congé est une importante source de contentieux et un facteur d’insécurité juridique.

La Loi du 22 mars 2012 a modifié l’article L 145-9 du Code de commerce, qui a été également modifiée par la Loi Pinel du 18 juin 2014 dont certaines dispositions dont celle qui prévoyait le congé donné par le bailleur par lettre recommandée ont été abrogées par la Loi Macron du 6 août 2015.

Cette succession rapprochée de modifications juridiques substantielles est une source d’insécurité juridique pour les parties, il convient donc de clarifier certains points.

I. La date de la demande de renouvellement

Bien souvent à l’issue du terme du bail, les parties restent inertes, tout en continuant à être contractuellement liées, le bail ne prend pas automatiquement fin une fois parvenu à son terme. En effet, le bail se poursuit aux mêmes conditions par tacite reconduction, sans formation d’un nouveau contrat.

C’est ainsi que les deux premiers alinéas de l‘article L 145-9 du Code de commerce sont modifiés.
L’article L 145-9 dispose à présent :
« Par dérogation aux articles 1736 et 1737du Code Civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l’effet d’un congé donné six mois à l’avance ou d’une demande de renouvellement.
A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil. »

Deux éléments chronologiques cumulatifs sont à prendre en considération le délai de préavis de six mois, qui existait déjà dans l’ancien texte, et la date butoir qui est le dernier jour du trimestre civil.

Ces deux impératifs devront toujours être respectés, mais seulement lorsque le bail aura dépassé son terme contractuel.

Ainsi un bail qui aura dépassé son terme contractuel pourra être interrompu dans un délai de six mois, à condition qu’il soit délivré pour une fin de trimestre civil.

Au cours de la vie normale du bail, le congé ne peut être délivré, si le bail comporte plusieurs périodes que six mois avant la fin d’une période triennale. Ainsi pendant le cours du contrat et jusqu’à son terme compris, le congé ne peut être donné que pour les dates anniversaires des troisième, sixième et neuvième années, peu importe que celles-ci ne correspondent pas avec la fin du trimestre civil.

Ce faisant le législateur clarifie également la situation factuelle découlant de la poursuite du bail arrivé à son terme contractuel.
Il est fréquent qu’à l’arrivée du terme ni le preneur ni le bailleur n’ayant manifesté leur volonté dans un sens ou l’autre c’est-à-dire la fin ou le renouvellement du bail, celui-ci se poursuivait comme si de rien n’était.

Un débat doctrinal, fort théorique, induit par le fait que l’ancien article L 145-9 du Code de commerce faisait référence à l’article 1738 du Code Civil, est apparu pour savoir s’il fallait parler de « tacite reconduction » ou de « tacite prolongation ».

L’article 1738 du Code civil dispose : « Si, à l’expiration des baux écrits, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par l’article relatif aux locations faites sans écrit. »

L’idée de reconduction pouvant faire croire à l’existence d’un nouveau bail, le législateur introduit la notion de tacite prolongation dans l’article L 145-9 du Code de commerce.

Ce bail prolongé sera nécessairement précaire car susceptible d’interruption dans une période de six mois si le congé est donné pour une fin de trimestre civil.

Il sera observé que le législateur ne parle concernant la période de tacite prolongation que du congé et non de la demande de renouvellement. Cela prive-t-il le preneur qui s’est maintenu dans les lieux au-delà du terme du bail initial de tout droit au renouvellement ?

Non car l’article L 145-10 du Code de commerce également modifié par la Loi du 22 mars 2012 dispose que le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail peut le faire à tout moment au cours de sa prolongation.

II. La forme et le contenu de la demande de renouvellement

A la différence du bailleur qui doit en application de l’article L 145-9 du Code de commerce délivrer le congé par acte extrajudiciaire, c’est-à-dire par un huissier de justice, le preneur peut demander le renouvellement par lettre recommandée avec accusé de réception.
Cette possibilité est prévue par l’article L 145-10 du Code de commerce.

La demande de renouvellement doit être adressée au bailleur dans les six mois qui précèdent l’expiration du bail, ou à tout moment si le bail expiré a été reconduit tacitement.

A toutes fins utiles, il faut rappeler que le coût d’un congé délivré par un huissier dans le cadre d’un bail commercial est fixé par un tarif, son coût est de 79,43 € TTC (article A 444-A du Code de commerce).

Le recours à un huissier de justice peut être opportun dans la mesure où la demande de renouvellement doit contenir sous peine de nullité des mentions obligatoires dont les termes de l’article L 145-10 du Code de commerce qui vise notamment l’acceptation du bailleur en absence de réponse de sa part dans le délai de trois mois.

Mise à part cette obligation, la demande peut être formée assez librement.

Il peut être opportun de demander l’intégration dans le nouveau bail des dispositions de la Loi Pinel favorables au locataire comme celles afférentes à l’interdiction de la prise en charge des grosses réparations visées par l’article 606 du Code civil.

Il est de l’intérêt de toutes les parties d’avoir un bail conforme au droit positif, même si la frénésie législative rend celui-ci très mouvant.

Christophe Degache Avocat au Barreau de la Haute-Loire DEA Droit public [->christophe.degache@bbox.fr]
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