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Bitcoins : comment les déclarer ? Par Nathalie Aflalo, Avocate et Edouard Dubuis, Fiscaliste.
Parution : jeudi 7 décembre 2017
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La récente flambée de la valeur du bitcoin, interpelle les investisseurs de la première heure quant à l’opportunité de céder ces derniers ainsi qu’aux conséquences fiscales liées à cette cession.

Les échos datés du 4 décembre 2017, titrait : "Pourquoi il faut prendre le bitcoin au sérieux ?"
L’analyse philosophique, idéologique est intéressante, le bitcoin porterait des valeurs tels la revendication d’une devise pure et apatride, la promotion des libertés individuelles, la défense du marché libre.

De manière plus pragmatique, les détenteurs de bitcoins, résidents fiscaux français, seraient soumis à imposition mais dans quelles conditions ?
L’administration fiscale a précisé le régime d’imposition lié à l’achat revente de bitcoins dans sa documentation administrative en date du 11 juillet 2014, ainsi et telle que définie au BOI-BNC-CHAMP 10-10-20-40 n°1080, 3-2-2016, le bitcoin est une unité de compte virtuelle sur un support électronique et qui peut être utilisée à des fins spéculatives.

Deux types d’impositions sont à prévoir :

I – Au titre de l’impôt sur le revenu.
II – Au titre de l’ISF et des droits de mutation à titre gratuit.

I – Au titre de l’impôt sur le revenu.

Les deux activités suivantes généreront une imposition.

A – L’achat de biens réglés par des bitcoins :

Nous sommes en année N, et vous achetez en ligne des bitcoins, en année N +1, vous entreprenez d’acheter toujours en ligne des biens grâce à vos bitcoins.
Si entre ces deux unités de temps N et N+, votre bitcoin a pris de la valeur, le gain réalisé sera taxable.

Prenons un exemple :
En N, votre bitcoin a été acheté pour une valeur unitaire de 100 €, en N +1, vous achetez du matériel en ligne, pour 3 bitcoins, le matériel coûte 3 000 €. Le gain imposable est le suivant :
3.000€ - 3X100€ : soit 2.700€.
Ce gain sera taxable soit au titre des BIC (bénéfices industriels et commerciaux) soit au titre des BNC (bénéfices non commerciaux) selon les modalités ci-dessous détaillées :

B – Echange de biens contre des euros :

Etant considéré également comme un outil spéculatif, la question de l’imposition fiscale de l’achat revente, revêt toute son importance.

A lire, la doctrine administrative, la réponse paraît simple :

- Lorsque l’achat revente est effectué à titre occasionnel, le gain sera imposé dans le catégorie de BNC.
- Lorsque l’achat revente revêt un caractère habituel, les produits issus de l’exercice de cette activité relèvent des BIC.
Toute la difficulté consiste à définir fiscalement, le caractère occasionnel du caractère habituel.
Le Larousse, quant à lui définit le terme habituel, comme ce qui est courant, constant, fréquent.

L’administration fiscale ne l’entend pas de cette oreille :
En effet, elle estime que l’habitude n’est pas liée à la répétition fréquente des mêmes opérations.
Ainsi, un acte de commerce isolé mais dont l’exécution porterait sur une période d’assez longue durée revêtirait un caractère professionnel.

Aussi, l’administration fiscale conclut-elle à l’appréciation au cas par cas des circonstances de fait dans lesquelles les opérations seraient réalisées.

L’administration semble adopter une position pragmatique en considérant que le caractère habituel de l’activité commerciale indispensable à la qualification de bénéfices industriels et commerciaux ne saurait être déduit du seul nombre d’opérations d’achat-revente : la recherche des activités imposables doit être effectuée compte tenu des circonstances de fait dans lesquelles les opérations sont réalisées.

La jurisprudence va nous permettre d’affiner cette notion indispensable à la qualification fiscale.

Un contribuable qui, parallèlement à son activité d’agent d’assurances, réalise des opérations d’achat et revente d’objets d’art n’agit pas comme un simple collectionneur mais se livre à une activité commerciale de marchand d’œuvres d’art à titre individuel qui entre dans le champ d’application des bénéfices industriels et commerciaux, eu égard à l’importance, au nombre et à la fréquence des opérations effectuées et à la brièveté du délai séparant certains achats de leur revente.
Conseil d’Etat 18-6-2007 n° 270734, 10e et 9e s.-s., Bouet : CE 27-1-2010 n° 306956, 8e et 3e s.-s., Robert.

Des époux ont exercé, dans le cadre d’une société de fait, une activité d’achat revente de pièces et de billets qui s’est traduite par des mouvements de crédit sur l’un de leurs comptes bancaires. Le nombre de mouvements de crédit sur ces opérations s’élevait à 145 au titre de l’année 2002, 155 au titre de l’année 2003 et 127 au titre de l’année 2004 pour des montants respectifs de 69.834 €, 279.460 € et 271.920 €. L’un des époux avait par ailleurs signé avec une société un contrat pour une durée de un an renouvelable par lequel il s’engageait à conseiller le gérant de cette société et à rechercher pour son compte des lots de billets et des collections, moyennant une rémunération annuelle de 30.000 €.

De telles opérations, qui ne présentent pas un caractère simplement occasionnel et révèlent, notamment par leur nombre, leur fréquence et leur importance, l’exercice d’une activité professionnelle, sont de nature commerciale, nonobstant l’existence d’un stock important et sans avoir à rechercher les délais séparant certains achats de leur revente.
Conseil d’Etat 21-5-2012 n° 352213, 9e s.-s., Yungcker :
Les profits réalisés à l’occasion de l’achat-revente de récépissés warrants relèvent de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux lorsqu’ils ne présentent pas un caractère simplement occasionnel mais révèlent, en raison notamment de leur nombre et de leur fréquence, l’exercice d’une activité professionnelle. Le Conseil d’Etat a ainsi reconnu la condition d’habitude à l’opération d’achat-revente de deux récépissés warrants en deux ans. Inversement, il a qualifié d’occasionnelle la revente de deux récépissés warrants dix ans après leur achat Conseil d’Etat 6-6-1984 n° 49031.
Il ressort de cette analyse jurisprudentielle, que le nombre d’opérations, leur importance ainsi que le délai entre deux opérations seront des critères permettant de qualifier l’activité en une activité éligible à l’imposition selon le régime des BIC. Il faut également ajouter que les revenus tirés de cette activité seront comparés à ceux tirés d’une activité professionnelle dite traditionnelle, et l’importance des premiers par rapport au second constitue un indice supplémentaire à la qualification de tels revenus en Bénéfices Industriels et commerciaux.
Une fois qualifiés de BNC et de BIC, il convient de déclarer vos revenus sur la déclaration n°2042 C.
La qualification de BIC dits professionnels ( habitude, participation personnelle directe à des actes nécessaires à cette activité, caractère lucratif) emporte les obligations déclaratives supplémentaires suivantes à effectuer.
- Déposer une déclaration n°2031
- Effectuer une liasse fiscale comportant les tableaux 2033-A à 2033 G.
Enfin, vous pourrez optez pour le micro-BIC ou le micro-BNC , si votre gain ne dépasse pas le seuil définit chaque année.

II – Au titre de l’ISF et des droits de mutation à titre gratuit.

L’ISF est un impôt dont la base est constituée par votre patrimoine net au 1er janvier de chaque année, tout naturellement, l’administration en déduit que les bitcoins en font partie.

Par contre, ces derniers ne devraient pas figurer dans l’IFI, nouvel ISF restreint à un patrimoine purement immobilier.

Enfin, les bitcoins et autres monnaies virtuelles sont soumis aux droits de succession et donation.

En conclusion, face à la multiplication récente de nombreuses crypto monnaies, à la volonté de certains Etats de créer leur propre monnaie virtuelle, à l’instar de Dubai et de son Emcash fondée en octobre 2017, il ne fait aucun doute qu’un cadre fiscal international ne voie le jour très prochainement.

Nathalie Aflalo, Avocat, Barreau de Paris 126, Boulevard Haussmann, 75008 Paris, www.aflalo-avocat.fr [->avocat.aflalo@yahoo.fr]
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