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Antennes relais : déclaration préalable ou permis de construire ? Le débat semble tranché. Par Chloé Schmidt-Sarels, Avocate.
Parution : mardi 12 décembre 2017
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Le contentieux des antennes relais comporte comme question essentielle l’autorisation d’urbanisme délivrée par l’administration. C’est ainsi que requérants et opérateurs s’affrontent sur le point de savoir si le projet nécessite un permis de construire ou une simple déclaration préalable.

Article mis à jour par l’auteure en juillet 2019.

Critères d’éligibilité d’une construction au régime de la déclaration préalable.

L’article R. 421-9 du Code de l’urbanisme fixe la liste des constructions soumises à déclaration préalable, parmi lesquelles :
« c) Les constructions répondant aux critères cumulatifs suivants :
- une hauteur au-dessus du sol supérieure à douze mètres ;
- une emprise au sol inférieure ou égale à cinq mètres carrés ;
- une surface de plancher inférieure ou égale à cinq mètres carrés. »

Ce sont ces conditions que les opérateurs téléphoniques s’efforcent de remplir, s’agissant des antennes relais, pour bénéficier du régime de la déclaration préalable, plus favorable que celui du permis de construire.

Une jurisprudence fluctuante sur l’emprise au sol.

Or il s’avère que la satisfaction de ces conditions fait débat, la définition même de l’emprise au sol étant obscure, donnant ainsi lieu à une jurisprudence fluctuante en la matière.
C’est ainsi que la prise en compte ou non de la dalle de béton supportant le pylône et les armoires techniques, dans l’emprise au sol, varie d’une juridiction à l’autre, aboutissant évidemment à des solutions différentes.
En effet, le tribunal administratif de Lille [1] a pu considérer que la dalle de béton supportant le mât et les armoires techniques entraînait la création d’une emprise au sol alors que le tribunal administratif de Lyon [2] considérait, lui, que la dalle ne créait pas d’emprise au sol du fait qu’elle ne dépasse pas le niveau du sol. Il en résulte, dans le premier cas, que l’emprise au sol dépasse le seuil fixé pour entrer dans le régime de la déclaration préalable et que l’autorisation délivrée doit être annulée car relevant du régime du permis de construire ; alors que dans le second, le seuil est respecté et l’autorisation doit ainsi être maintenue.

Vers une harmonisation de la définition de l’emprise au sol ?

L’article R.420-1 du Code de l’urbanisme définit l’emprise au sol comme :
« (…) la projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs inclus  ».

Dans un arrêt du 16 novembre 2017 disponible ici [3], la cour administrative d’appel de Douai a décidé de mettre fin à la position du tribunal administratif de Lille, en considérant que la dalle de béton, qu’elle qualifie de « superficielle » ne créé pas d’emprise au sol en ce qu’elle ne constitue pas un volume.

Cependant et d’une part, cette solution va à l’encontre des conclusions du rapporteur public selon lesquelles « toutes les constructions présentant un volume y compris enterré » génèrent de l’emprise au sol et qui en déduit que la dalle de béton, du fait de son épaisseur, constitue un volume devant être compris dans le calcul de l’emprise au sol. En effet, bien que les fondations de la dalle soient enterrées de sorte qu’elle ne laisse apparaître que sa surface, cette dernière est en réalité une construction en trois dimensions constituant ainsi un volume devant en pris en compte dans le calcul de l’emprise au sol.
Enfin et d’autre part, une dalle de béton dépassant le sol de quelques centimètres constitue-t-elle une emprise au sol ? Rien n’est moins sûr : le juge exclut de l’emprise au sol les terrasses ne présentant pas une « surélévation significative » par rapport au terrain (autrefois, 60 cm, selon les services de l’État dans certains départements), sous réserve qu’elles ne présentent pas, par ailleurs, des fondations profondes [4].

Heureusement, le Conseil d’Etat a finalement tranché dans un arrêt du 21 février 2018 n°401043 mentionné aux tables du recueil Lebon : en l’absence de prescriptions particulières dans le PLU, la définition de l’emprise au sol à retenir est celle du code de l’urbanisme. En l’espèce, la dalle de béton "ne dépassant pas le niveau du sol" ne pouvait donc être constitutive d’une emprise au sol car aucune projection verticale de son volume n’est possible.

Depuis fin 2018 : un régime d’exception en faveur des antennes relais

Le décret du 10 décembre 2018 [5] introduit une exception pour les antennes relais, coupant court au débat sur l’emprise au sol.

L’article R421-9 du code de l’urbanisme, dans sa nouvelle rédaction applicable aux demandes déposées depuis le 13 décembre 2018, précise que les dispositions précitées « ne sont applicables ni aux éoliennes, ni aux ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire installés au sol, ni aux antennes-relais de radiotéléphonie mobile ; »

Plus loin dans l’article, un « j) » est créé, qui prévoit expressément que :
« Les antennes-relais de radiotéléphonie mobile et leurs systèmes d’accroche, quelle que soit leur hauteur, et les locaux ou installations techniques nécessaires à leur fonctionnement dès lors que ces locaux ou installations techniques ont une surface de plancher et une emprise au sol supérieures à 5 m2 et inférieures ou égales à 20 m2 ».

Pour celles-ci, le critère de la hauteur de l’installation (auparavant, 12 mètres) est supprimé.

Ainsi, le régime plus favorable de la déclaration préalable s’applique aux antennes relais et leurs annexes techniques dont la surface de plancher et l’emprise au sol n’excède pas 20 m².

Un permis de construire n’est exigé que pour les antennes relais dont la surface de plancher et l’emprise au sol dépassent 20 m², soit une infime proportion de projets…

Cette évolution renforce la position des opérateurs, mais ne risque pas d’apaiser les riverains inquiets de l’installation de tels dispositifs au sein de leur village.

Chloé Schmidt-Sarels Avocate en droit public [->www.css-avocate.fr]

[1TA Lille, 23 décembre 2015, Houzet et autres c/ Free mobile.

[2TA Lyon, 27 février 2017, n°1500253.

[3CAA Douai, 16 novembre 2017, n°16DA00214

[4Rép. Min. n°11764 publiée au JO du Sénat du 09/10/14.

[5Décret n°2018-1123 du 10 décembre 2018

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