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Le point de départ du délai de prescription de l’action en paiement du Code de la consommation. Par Dominique Ducourtioux, Avocat.
Parution : mercredi 13 décembre 2017
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Le point de départ du délai de prescription de deux ans court-il au jour de la facture ou au jour où la vente ou la prestation de service a été réalisée ? Chercher l’erreur !

Selon l’article L218-2 du Code de la consommation dans sa version du 14 mars 2016 (correspondant à l’ancien article L137-2) « l’action des professionnels, pour les biens et services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ».
Ce délai de prescription de deux ans s’applique quel que soit le professionnel (qu’il soit entrepreneur de bâtiment, avocat, commerçant, architecte, …) dès lors que le bien ou le service est fourni à un consommateur.

Logiquement, le délai de prescription devrait courir à compter du jour où le bien ou la prestation de service a été vendu ou fourni au consommateur.
Ce serait trop simple, et la jurisprudence de la Cour de cassation en apporte la démonstration.

1°) Première formule, le point de départ du délai de prescription biennale se situe au jour de la facture

En principe, selon l’article L441-3 du Code de commerce, « tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire l’objet d’une facturation. Le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou la prestation du service. »

Selon ce texte, la date de la facture devrait coïncider avec celle du bien vendu ou la fourniture de la prestation de service, et le point de départ du délai de prescription ne devrait pas poser de difficulté.
La réalité n’est cependant pas toujours aussi idéale, et il n’est pas rare que le professionnel présente une facture plusieurs semaines, voire plusieurs mois ou plusieurs années, après la réalisation de la vente ou de la prestation.

C’est précisément un tel cas qui est venu devant la Cour de cassation.

En l’espèce, un entrepreneur avait réalisé des travaux de rénovation pour le compte de consommateurs au mois de février 2006 et avait attendu le 5 novembre 2009 pour présenter sa facture.
Assignés en paiement en juillet 2010, les consommateurs avaient fait valoir que le professionnel avait engagé son action plus de deux ans après la réalisation des travaux et que la prescription était donc acquise.
La Cour de cassation dans son arrêt du 3 juin 2015 a donné tort aux consommateurs, en considérant que « le point de départ du délai de prescription biennale de l’action en paiement de la facture litigieuse se situait au jour de son établissement. » ( Cass. Civ.1, 3 juin 2015 pourvoi n°14-10908 ).
Dans une note parue à la RDI 2015 p.410, un auteur, Henri Heugas-Danaspen, a approuvé cette décision.

On peut légitimement être d’un avis contraire, sachant qu’une facture doit être émise au jour de la réalisation de la vente ou de la prestation de service, et que le professionnel n’a pas la faculté de retarder, selon son bon vouloir ou son mode de comptabilité, le point de départ du délai de prescription.

Une facture n’est, par ailleurs, pas un acte interruptif de prescription, et elle n’est pas susceptible de prolonger le délai de deux ans dans lequel le professionnel doit engager son action en paiement pour les prestations qu’il a réalisées ou le bien qu’il a vendu.

2°) Deuxième formule, le point de départ du délai de prescription court à compter de l’achèvement de la prestation de service

Cette formule est conforme au texte de l’article L218-2 du Code de la consommation. C’est à compter de la réalisation de la vente ou de la prestation de service, que prend naissance le délai de deux ans durant lequel le professionnel peut réclamer le paiement de ce qui lui est dû.
Au demeurant, le professionnel qui attendrait plus de deux ans pour réclamer sa créance serait négligent, ou aurait des raisons inavouées de ne pas agir, et c’est, dès lors, de par son fait que la prescription pourrait lui être opposée.

Dans un arrêt du 10 décembre 2015, la Cour de cassation a rappelé que le délai de prescription de deux ans du Code de la consommation était applicable aux honoraires de l’avocat envers son client consommateur, et que le point de départ du délai se situait au jour de la fin de sa mission.
Dans ce même arrêt, la Cour de cassation a rappelé que le délai de deux ans n’était pas susceptible d’être interrompu par une mise en demeure.

En résumé, quand l’avocat a achevé sa mission, il doit agir en paiement dans les deux ans, et il ne peut pas prolonger ce délai ( Cass.Civ.2, 10.12.2015, pourvoi n°14-25.892).

Ce principe a été confirmé par la même juridiction dans un arrêt du 26 octobre 2017, pourvoi n°16-23.599 : « Vu les articles L137-2, devenu 218-2 du code de la consommation, … ; Attendu que la prescription de l’action des avocats pour le paiement de leurs honoraires court à compter de la date à laquelle leur mandat a pris fin ».
La fin du mandat d’un avocat correspond, pour un prestataire de service, à l’achèvement de la prestation pour laquelle il a été missionné, ou, pour un vendeur, au jour où le bien a été vendu.

La facture n’est que la marque de la vente ou de la prestation, et elle n’en est pas un élément constitutif : une vente ou une prestation se réalise, qu’il y ait ou non facture ultérieure.

La Cour de cassation a pour objet d’harmoniser le droit.

Soyons confiants, et ne nous formalisons pas pour une facture !

Dominique Ducourtioux Avocat. Barreau de Strasbourg
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