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Du droit pour les policiers de garder leur arme en dehors du service. Par Sébastien Ronphé, Avocat.
Parution : jeudi 14 décembre 2017
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Les policiers et gendarmes ont l’obligation d’agir de leur propre initiative avec les moyens dont ils disposent, pour porter assistance aux personnes en danger, qu’ils soient en service ou non (Article R.434-19 du Code de déontologie de la Police Nationale et de la Gendarmerie Nationale).

Depuis l’Instruction relative à l’arme individuelle ou de service du ministère de l’Intérieur en date du 9 mars 2017 (INTC 1707795J), les fonctionnaires actifs des services de la Police Nationale ont la possibilité de porter leur arme individuelle en dehors du service, sous les conditions suivantes :
- Une déclaration préalable et écrite de cette intention au chef de service
- L’accomplissement des tirs règlementaires lors de l’année précédente
- L’accomplissement d’au moins une séance de tir dans les quatre derniers mois

Le respect par le policier de ces conditions cumulatives ne permet cependant pas à ce dernier d’acquérir automatiquement le droit de porter son arme en dehors du service.

En effet, son chef de service peut s’y opposer en invoquant soit son devoir de préservation de l’intégrité physique et de la santé de ses subordonnés (Article R. 434-6 du Code de la Sécurité Intérieure) soit en invoquant un état de dangerosité (Article 114-6 du RGEPN), ou encore en cas de manquement aux obligations relatives au port et à la conservation de l’arme.

Le policier remplissant les conditions doit aussi détenir sa carte professionnelle ainsi qu’un brassard de police lorsqu’il porte l’arme hors service.

L’instauration de ce droit poursuit deux objectifs. D’une part permettre aux policiers d’assurer la protection de la population efficacement, qu’ils soient en service ou non, et d’autre part leur permettre d’assurer leur propre sécurité.

Les attaques terroristes subies par la France imposent un renforcement de la protection de sa population sans faire des hommes et des femmes en charge de cette protection des cibles privilégiées.

Cependant, ce droit octroyé au rythme des drames se heurte à des contradictions tant matérielles que juridiques.

En effet, d’une part, la fermeture momentanée de certains stands de tirs en région parisienne durant plusieurs mois a constitué un obstacle majeur à la formation continue des policiers. Certains d’entre eux ne pouvant s’exercer, ils ne peuvent justifier de l’accomplissement des tirs réglementaires.

D’autre part, des policiers remplissant toutes les conditions pour porter leur arme en dehors du service ont été confrontés à des refus d’accéder à des sites publics tels que des cinémas ou des monuments en raison du port de leur arme. Il se trouve que dans cette hypothèse l’Instruction du 9 mars 2017 intime aux policiers de se conformer au refus opposé.

Dès lors, l’exercice par les policiers du droit à porter leur arme hors du service se révèle délicat.

Certains ne peuvent justifier de la formation continue obligatoire. D’autres quant à eux voient leur liberté de circulation restreinte en raison de l’exercice d’un droit pourtant destiné à assurer la protection de la population et du porteur de l’arme.

Alors que l’Instruction consacre un droit au port de l’arme pour protéger la population, cette même nécessité est invoquée pour restreindre ce droit.
La peur que pourrait susciter la vue d’une arme dans un lieu public limite donc le droit de porter cette arme hors service dont l’objectif est pourtant de combattre les créateurs de cette peur.

La même finalité peut conduire à créer un droit et en limiter l’exercice, quitte à le priver de son efficacité.

Sébastien Ronphé, Avocat inscrit au Barreau des Hauts-de-Seine.