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Condamnation pour contrefaçon : attention à ne pas crier victoire trop vite ! Par Pierre Langlais et Hélène Chauveau, Avocats.
Parution : lundi 18 décembre 2017
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Les modalités de publication prévues dans une décision ne font pas obstacle à la publication de cette dernière, par toute autre moyen, à ses propres frais par la victime, sauf abus caractérisé ici par l’ajout dans le dispositif de la marque notoire du contrefacteur dans le but d’augmenter l’impact de la publicité donnée (Cass.Com. 18 octobre 2017, Pourvoi n°15-27.136).

Une société avait, par décision rendue définitive, été condamnée pour contrefaçon de brevet. Aux termes de cette dernière, avait été ordonnée une mesure de publication du dispositif de son jugement dans trois journaux ou périodiques, au choix du titulaire du brevet.

Le breveté avait substitué cette mesure par une publication sur son propre site Internet, d’un document reprenant le dispositif de la décision. La société défenderesse considérant que tant la publication que les modifications apportées au dispositif du jugement lui portaient atteinte, a sollicité l’allocation de dommages et intérêts pour dénigrement de la part du titulaire du brevet. En première instance, 50.000 euros avaient été alloués pour dénigrement sur la base de l’ancien article 1382 du Code Civil (T.com. Paris, 15ème chambre, 20 Décembre 2013, RG n° 2012052595), réduits en appel à 5.000 euros (CA Paris, pôle 5, ch. 5, 21 mai 2015, RG n° 14/01155).

La Cour de cassation a finalement été saisie de la question, à la suite du pourvoi formé par la société contrefactrice. Elle a rappelé en premier lieu que l’article L. 615-7-1 alinéa 2 du Code la propriété intellectuelle applicable en matière de brevet, qui permet à la juridiction d’ordonner toute mesure appropriée de publicité, n’est pas exclusif du droit pour la victime de procéder à d’autres publications de la décision à ses frais, sauf abus.

Dans le texte mis en ligne sur le site Internet, le dispositif était reproduit en son entier à deux exceptions près, à savoir : la première partie du dispositif relative à la désignation nominative de l’expert mandaté dans le cadre de ladite procédure, de sa mission et des délais dont il bénéficiait pour déposer son rapport, était manquante, et un ajout au dispositif avait été inséré. Plus précisément, la marque du contrefacteur connue du public avait été intégrée entre parenthèses à la suite de la dénomination sociale du contrefacteur.

Sur le premier écart, la Cour de cassation a validé l’appréciation de la cour d’appel qui avait considéré que cela n’était pas de nature à tromper le lecteur sur la portée de la décision. S’agissant de l’ajout, la Cour de cassation confirme que celui-ci était de nature à augmenter l’impact de la publicité conférée à décision de condamnation rendue, justifiant une condamnation au titre de la concurrence déloyale.

En résumé, la Cour de cassation confirme que la publication d’autorité par la victime d’une décision n’est possible que sous réserve que cette publication ne soit pas de nature à induire le lecteur en erreur (en ce sens également CA Paris, 27 janvier 2016 RG n° 13/10846, s’agissant d’une décision non définitive largement diffusée avec un contenu altéré sans préciser qu’un appel était en cours).

Pierre LANGLAIS et Hélène CHAUVEAU, Avocats LANGLAIS Avocats (Nantes-Paris) - http://langlais-avocats.com Pour plus d’informations, consultez notre plateforme http://yoonozelo.com