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SYNTEC : fixer comme condition d’accès à un forfait une rémunération indexée sur le plafond de la sécurité sociale est illicite ! Par Mathieu Lajoinie, Avocat.
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Parution : mardi 19 décembre 2017
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L’accord SYNTEC portant sur la durée du travail daté du 22 juin 1999 prévoit la possibilité de conclure une convention de forfait hebdomadaire en heures à condition que la rémunération de l’ingénieur ou du cadre soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale. Étant légalement fixé en fonction de l’évolution des salaires, ce plafond, et de facto la condition pour bénéficier du forfait hebdomadaire en heures, sont indexés sur les salaires. Or une telle indexation est prohibée par le code monétaire et financier. En conséquence le conseil de prud’hommes de Rennes, le 20 novembre 2017, juge applicables les dispositions conventionnelles relatives au forfait à l’exception de celle mettant en place l’indexation.
En 2017, des salariés appartenant à la Société Altran, ayant conclu une convention de forfait selon la modalité 2 de l’accord, et dont la rémunération est inférieure au plafond de la sécurité sociale, contestent en justice la validité de leurs conventions individuelles de forfait afin de réclamer le paiement d’heures supplémentaires. La société Altran se pose alors la question de savoir si les signataires à l’accord de branche SYNTEC du 22 juin 1999 pouvaient valablement fixer, comme condition d’éligibilité à la modalité 2, une rémunération indexée sur le niveau du plafond de la sécurité sociale.
La société fait valoir à ce titre que le plafond de la sécurité sociale est fixé « en fonction de l’évolution générale des salaires », et que l’article D. 242-17 du Code de la sécurité sociale prévoit également que la valeur du plafond tient compte « de l’évolution moyenne estimée des salaires ».
Ce faisant, poursuit l’employeur, les plafonds de la sécurité sociale, et de facto la condition pour bénéficier de la modalité 2, sont indexés sur les salaires. Or une telle indexation est prohibée par l’article L. 112-2 du Code monétaire et financier.
Le conseil des prud’hommes retient l’argument de la société Altran. En effet, le jugement indique à ce titre que « le plafond de la sécurité sociale étant fixé en fonction de l’évolution des salaires, il n’est pas possible d’indexer la rémunération, critère d’éligibilité de la modalité 2, sur l’évolution du plafond de la sécurité sociale ce qui conduit inévitablement à une indexation prohibée ».
Les juges relèvent également que selon la Cour de cassation « un salarié ne peut exiger l’application d’une mesure illégale, peu important que cette mesure trouve sa source dans un usage ou un accord collectif » (Cass. soc., 4 mai 1993 ; Cass. soc., 7 juin 2000). La Chambre sociale juge aussi que « la disposition conventionnelle mettant en place une indexation illicite ne peut recevoir application et que les dispositions conventionnelles en cause doivent être appliquées indépendamment de l’indexation prohibée » (Cass. soc., 16 octobre 1991, n° 87-43.204).
Ainsi, le Conseil de prud’hommes de Rennes considère que la modalité 2 prévue au contrat de travail étant applicable, les conventions de forfait hebdomadaire en heures des salariés sont valables. Dès lors, il déboute les salariés de leurs demandes en matière salariale (Conseil de prud’hommes de Rennes, 20 novembre 2017, RG F16/00207).
Mathieu Lajoinie Avocat au barreau de Paris www.avocat-lajoinie.fr contact@avocat-lajoinie.frIntéressant car ce sujet divise depuis fort longtemps
BOnjour,
Je suis cadre en cdi position 2.2 coef 130 dans une société de service informatique (convention syntec). Sur mon contrat de travail, il n’est pas mentionné de quel forfait je dépend ni le nombre d’heures à travailler par semaine (d’ailleurs sur la fiche de paie il n’y à pas de nombre de jours travaillé par mois).
Comme tous les cadres, je fais pas moins de 39h de travail par semaine et je n’ai pas de RTT.
Est-ce normal ?
Merci pour vos retours.
Bonjour,
Je ne trouve aucun arrêt du Conseil de prud’hommes de Rennes, 20 novembre 2017, RG F16/00207.
Cet article est intéressant, pour autant, bien d’autres jugements, notamment à Toulouse ne disent pas la même chose.
Extrait du jugement de départition du 28 mars 2018 du conseil des prud’hommes de Toulouse :
"En l’espèce, l’accord de 1999 ne prévoit nullement un indexation de la rémunération du salarié sur le plafond de la sécurité sociale mais fixe seulement le montant minimum du salaire égal au plafond de la sécurité sociale comme condition d’accès à la modalité 2 du forfait hebdomadaire en heures : le caractère illicite de l’accord au regard de l’article L112-1 du code monétaire et financier ne peut être retenu.
Dans ces conditions, le forfait invoqué par l’employeur est inopposable à la salariée et partant, il y a lieu à l’pplication du droit commun pour l’appréciation de la demande de paiement des heures supplémentaires."
Nous sommes 41 salariés d’Astek à Toulouse à avoir obtenu gain de cause.
J’aimerais obtenir l’intégral du jugement de départition au conseil des prud’hommes de Toulouse afin d’avoir un point de vue plus global que celui donné par l’article sur la question. Cependant je ne trouve pas la référence du dossier de renvoi à Toulouse. Où peut-on l’obtenir ?
Bonjour Adélaïde,
Je peux vous envoyer par mail une copie du jugement mais je ne peut pas vous contacter via ce site.
Envoyez moi un mail sur cnoelce chez gmail.com
Selon les jurisprudences en vigueur, le code monétaire n’est pas violé si les rappels de salaires demandés sont indexés sur le plafond de la sécurité sociale à la date signature du changement de contrat vers la modalité 2.
Il est discutable en doctrine sur la demande de mise à jour du plafond sur son augmentation tous les 3 ans bien que certains jugements ont parfois tranchés en sa faveur et parfois en sa défaveur.
Attention...!
Il me semble que cette décision va à l’encontre d’un arrêt rendu par la cour de Cassation de sorte que la décision du conseil de prud’hommes ne fait pas jurisprudence certaine..
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/1834_4_32910.html
La haute juridiction considère que pour être sous la modalité 2 il faut avoir une rémunération égale au PMSS.
Que si la condition n’est pas remplie, le salarié ne peut prétendre à un rappel de salaire basé sur le PMSS mais à un paiement des heures supplémentaires (= au delà des 35h donc) effectuées.
Également, si au cours d’une année le PMSS de dépasse la rémunération du salarié en modalité 2, il ne peut plus rester dans cette modalité et donc si l’employeur persiste à lui faire faire plus de 35h (38h30 en gros) il devra payer les heures Sup.
Si l’employeur veut maintenir la modalité 2,il devra revoir le salaire..
C’est comme ça que je le comprends.
Je suis bien d’accord avec votre analyse Marjorie. C’est bien comme cela que les salariés Astek de Toulouse ont été indemnisé en juin 2018 après 2 années de procédure (paiement de 3h30 d’heures supplémentaires, donc majorées, par semaine sur plusieurs années (jusque 3 ans de régularisation + le temps de la procédure)).