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Vers un renforcement des prérogatives des associés en assemblée ? Par Bernard Rineau et Rokhaya Rinfray, Avocats.
Parution : jeudi 21 décembre 2017
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L’ordonnance n° 2017-747 du 4 mai 2017 (publié au JORF n°0106 du 5 mai 2017 texte n° 89), s’inscrit dans un mouvement de simplification et de modernisation du droit des sociétés avec la volonté d’accroitre les prérogatives des associés et de favoriser leur implication au sein de la vie sociale.

Comme le rappelle Madame Myriam Roussille, agrégée des facultés de droit, professeur à l’université du Mans, IRJS (Sorbonne Affaires-Finance), « l’attractivité du droit français des sociétés est aujourd’hui le principal moteur de son évolution. Les textes adoptés ces dernières années ont souvent pour cible les associés (ou actionnaires) dont les droits sont renforcés et l’implication favorisée, comme en atteste encore la récente directive de l’Union européenne modifiant la directive 2007/36/CE sur les droits des actionnaires, en vue de promouvoir leur engagement à long terme (PE et Cons. UE, dir. (UE) 2017/828, 17 mai 2017 : JOUE n° L 132, 20 mai 2017, p. 1 ; JCP E 2017, act. 412). L’idée est simple : les associés (et actionnaires) sont les premiers apporteurs de financement pour l’entreprise, ils sont même parfois de purs investisseurs, et ils doivent pouvoir être actifs dans la société pour jouer leur vocation de contre-pouvoirs. »

L’ordonnance n° 2017-747 du 4 mai 2017 a ainsi prévu de nombreuses mesures afin de faciliter la prise de décision et la participation des associés et/ou des actionnaires au sein des sociétés.

- Au niveau de la SARL, l’ordonnance accroît les prérogatives des associés notamment minoritaires en leur reconnaissant la faculté de faire inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée des points ou projets de résolution sous réserve qu’ils détiennent au moins le vingtième des parts sociales (I) ;
- Au niveau des sociétés par actions simplifiées, l’ordonnance a simplifié les règles d’adoption et de modification des clauses statutaires d’agrément et la formalité applicable aux conventions réglementées avec l’associé unique (II) ;
- Enfin pour les sociétés anonymes non cotées (SA), l’ordonnance leur donne la faculté de prévoir dans leurs statuts que les assemblées générales d’actionnaires se tiendront exclusivement par visioconférence ou par conférence téléphonique (III).

I- SARL : vers un renforcement des prérogatives des associés dans la prise des décisions en assemblée

Jusqu’à présent, dans les SARL, les modalités de fixation de l’ordre du jour d’une assemblée générale étaient les suivantes :

Ainsi, les textes n’avaient pas prévu de fixation de l’ordre du jour par les associés de la SARL.

Dans le silence du Code de commerce et sauf clause contraire des statuts, les associés ne pouvaient pas exiger l’inscription d’un point ou d’un projet de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée, sauf dans l’hypothèse du décès du gérant unique.

A défaut d’entente avec le ou les gérants, ils devaient solliciter du Président du Tribunal de commerce la désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée et de fixer son ordre du jour (C. com. art. L 223-27, al. 5).

En reconnaissant à un ou plusieurs associés la faculté de faire inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée des points ou projets de résolution, l’ordonnance n° 2017-747 du 4 mai 2017 permet de rééquilibrer le rapport de force dans la SARL. Une condition de seuil est toutefois prévue par les textes : les associés devront détenir au minimum le vingtième des parts sociales afin de faire inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée des points ou projets de résolution.

Ainsi, le nouvel article L 223-27 du Code de commerce modifié par l’ordonnance n°2017-747 du 4 mai 2017 - art. 2 dispose que :
« (…) Un ou plusieurs associés de SARL détenant 5% des parts sociales pourront faire inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée des points ou projets de résolution qui seront portés à la connaissance des autres associés, dans des conditions qui seront déterminées par décret (C. com. art. L 223-27, al. 5 nouveau ; Ord. art. 2).
Toute clause contraire sera réputée non écrite (C. com. art. L 223-27, al. 6 nouveau). »

Une disposition analogue existe dans la SA.

L’ordonnance va donc permettre « de remédier à la différence de situation entre les associés de SARL et les actionnaires de SA. L’idée est de permettre aux associés minoritaires de s’impliquer davantage dans la vie sociale, la fraction d’un vingtième des parts sociales étant jugée suffisamment faible pour cela. La mesure est ainsi destinée à favoriser l’attractivité des PME constituées sous forme de SARL sur le territoire français. » [2]

Cette disposition salutaire sera applicable dès la publication du décret fixant ses modalités de mise en œuvre.

II- SAS : Nouvelles Simplifications

Dispositions relatives aux sociétés par actions simplifiées : clauses d’agrément : exit de la règle de l’unanimité ?

Petit vent de souplesse dans la SAS : l’ordonnance n° 2017-747 du 4 mai 2017 soustrait à la règle de l’unanimité l’adoption et la modification des clauses exigeant l’agrément préalable de la société dans le cas d’une cession d’actions. La clause d’agrément relèvera d’une décision collective des associés à la majorité.

Cependant, la règle de l’unanimité pourra être statutairement maintenue si les associés l’ont expressément prévu.

Dispositions relatives aux sociétés par actions simplifiées à associé unique (SASU) : Simplification des conventions réglementées conclues avec l’associé unique.

Désormais, il n’est plus nécessaire que les commissaires aux comptes remettent un rapport pour toute convention à intervenir entre la société et son associé unique. Une simple mention au registre des décisions sera suffisante.

III- Sociétés Anonymes non cotées : toutes les assemblées générales peuvent être tenues exclusivement par visioconférence ou par des moyens de télécommunication

L’ordonnance n° 2017-747 du 4 mai 2017 assouplit considérablement les modalités de réunion de l’ensemble des assemblées générales, extraordinaires et ordinaires.

Désormais, toutes les assemblées pourront être tenues exclusivement par visioconférence ou par des moyens de télécommunication permettant l’identification des actionnaires (Ord. n° 2017-747, 4 mai 2017, préc., art. 3 ; C. com., art. L. 225-103-1 nouv.).

Ainsi, l’éloignement géographique d’un associé ne devrait plus être un frein à sa participation à une assemblée.

Le développement des nouvelles technologies est mis au service du droit afin de faciliter et de simplifier l’accès aux assemblées : « les SA non cotées peuvent mettre en place des e-assemblées ! » [3]

Afin d’éviter toute dérive, des garde-fous ont cependant été prévus.

D’une part, ce mécanisme doit être prévu statutairement et, d’autre part, un droit de veto est prévu : pour chaque assemblée générale. En effet, un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social pourra(ont) s’opposer à ce que l’assemblée soit exclusivement tenue à distance.

Un décret en Conseil d’État complétera les conditions d’application de cette nouvelle possibilité.

Ces nouvelles mesures de simplification du droit des sociétés permettront de renforcer l’attractivité et la compétitivité des sociétés françaises.

Bernard RINEAU Avocat Associé chez RINEAU & Associés Rokhaya RINFRAY Avocat chez RINEAU & Associés http://www.rineauassocies.com

[1En cas de carence de la gérance, le Commissaire aux comptes peut également convoquer une assemblée et fixer l’ordre du jour.

[2Droit des sociétés : petite ordonnance de printemps en faveur des associés, Aperçu rapide par Myriam Roussille agrégée des facultés de droit, professeur à l’université du Mans, IRJS (Sorbonne Affaires-Finance)La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 24, 15 Juin 2017, act. 448.

[3Droit des sociétés : petite ordonnance de printemps en faveur des associés – Aperçu rapide par Myriam ROUSILLE, agrégée des facultés de droit, professeur à l’université du Mans, IRJS (Sorbonne Affaires-Finance).