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Bonne résolution 2018 : se mettre en conformité avec le Règlement européen sur la protection des données. Par Alice Guizard-Collin, Avocat.
Parution : jeudi 21 décembre 2017
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Comme à l’aune d’un déménagement : on fait le tri, et on jette, on range, on réorganise, bref on optimise !

Le Règlement (UE) 2016/679 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, dit « RGPD » est entré en vigueur depuis le 25 mai 2016, bien que son application ait été différée au 25 mai 2018.

Ce Règlement change considérablement le paradigme de la protection des données à caractère personnel en imposant de passer d’un système globalement déclaratif, à un système de gestion interne de la conformité, au travers d’une documentation qui devra être fournie et détaillée.

Ce changement de modèle s’accompagne d’une augmentation substantielle des amendes administratives qui pourront atteindre, selon la catégorie de l’infraction, 10 ou 20 millions d’euros, ou 2 % à 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial, le montant le plus élevé étant retenu.

Ces sanctions sont considérables lorsque l’on sait que les exigences du RGPD relatives à protection des données à caractère personnel ont vocation à concerner toutes les entreprises, y compris les TPE-PME, et quand bien même leur activité principale serait sans lien avec la collecte ou la gestion de données de personnes physiques.

En effet, le RGPD s’applique à tous les traitements (ex. : collecte, enregistrement, organisation, structuration, conservation, adaptation ou modification) de données à caractère personnel, lesquelles sont définies comme « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable » (ex. : nom, un numéro d’identification, des données de localisation, un identifiant en ligne).

Or, toute entreprise traite au minimum des données de ses salariés, de ses clients, voire de ses prospects.

Pourtant, les derniers baromètres publiés montrent que plus d’un tiers des entreprises françaises ne pensent pas être conformes au 25 mai 2018. De même plus d’un tiers d’entre elles annoncent qu’elles n’ont pas débuté la cartographie des données personnelles qu’elles détiennent et traitent, cartographie qui est nécessairement le premier pas vers cette mise en conformité.

Néanmoins, il est encore temps de commencer sa mise en conformité, pas à pas, sereinement et avec méthodologie. Nous évoquerons les grandes étapes de cette méthodologie (II) après avoir évoqué les évolutions essentielles apportées par le RGPD en matière de protection des données à caractère personnel (I).

1. Les évolutions essentielles apportées par le RGPD en matière de protection des données à caractère personnel

De manière synthétique (rappelons que le RGPD est constitué de 173 Considérants et de 99 articles), les principales évolutions sont les suivantes :

L’obligation de tenue de registre ne s’appliquent aux entreprises de moins de 250 employés, « sauf si le traitement qu’elles effectuent est susceptible de comporter un risque pour les droits et des libertés des personnes concernées, s’il n’est pas occasionnel ou s’il porte notamment sur les catégories particulières de données (données dites « sensibles ») ou sur des données à caractère personnel relatives à des condamnations pénales et à des infractions ». Chaque TPE/PME devra donc vérifier si elle a ou non l’obligation de tenir un registre des activités de traitement, étant entendu que même non obligatoire, la tenue d’un tel registre reste préconisée afin de permettre à l’entreprise de documenter sa conformité aux autres obligations imposées par le RGPD.

Enfin, si le RGPD ne modifie pas les différentes conditions de licéité du traitement [6] définies jusqu’alors, celui-ci modifie les conditions d’obtention du consentement, et l’interprétation de la notion d’intérêts légitimes du responsable du traitement. L’article 4 dispose en effet que le consentement correspond à « toute manifestation de volonté, libre, spécifique, éclairée et univoque par laquelle la personne concernée accepte, par une déclaration ou par un acte positif clair, que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement ». Le consentement doit en outre porter sur « une ou plusieurs finalités spécifiques » (article 6). Le responsable du traitement doit encore faciliter l’exercice des droits conférés à la personne, de sorte qu’il est expressément prévu qu’il doit être aussi simple de retirer que de donner son consentement.

Si le consentement n’a pas été donné selon les conditions désormais fixées par le RGPD, il sera alors nécessaire d’obtenir un nouveau consentement conforme aux nouvelles dispositions légales : recueillir l’accord explicite et éclairé des personnes, et être en capacité d’en apporter la preuve.

2. Méthodologie de mise en œuvre de la conformité

Cette liste de changements a de quoi effrayer, mais que chacun se rassure, la mise en conformité est avant toute une question de méthodologie. La CNIL a par exemple publié sur son site internet une feuille de route pour se préparer en 6 étapes [7].

Cette obligation de mise en conformité peut d’ailleurs être appréhendée comme une chance de faire le point sur les données que l’entreprise possède déjà, l’utilisation qui en est faire, et pourquoi pas l’optimisation de celles-ci.

Comme à l’aune d’un déménagement : on fait le tri, et on jette, on range, on réorganise, bref on optimise ! Il est impératif de commencer par un audit pour réaliser une cartographie des données et traitements existants.

Naturellement, la conduite de cet audit nécessite la constitution de l’équipe qui sera impliquée dans ce projet de mise en conformité, équipe qui doit être transversale afin d’associer la direction, les ressources humaines, les services techniques (interne ou externe), le marketing, la communication, etc. En outre, un « pilote » ou « chef d’orchestre » [8] de cette équipe devra être désigné.

L’audit a pour objet principal d’identifier :

Cette phase permettra notamment de poser les questions suivantes (et d’y répondre) :

L’audit lui-même peut être conduit sous forme d’interviews ou de réponses à des questionnaires de la part des différents intervenants dans les processus de collecte et de traitement des données à caractère personnel, en gardant en tête que tous les traitements doivent être répertoriés. Les entreprises peuvent effectuer cette étape seules lors qu’elles connaissent bien le sujet, ou accompagnées par des conseils externes.

La cartographie de l’existant permettra de déterminer les écarts avec les exigences du RGPD, et de définir un plan d’action pour la mise en conformité des traitements de données au sein de l’entreprise.

Une fois cette phase d’audit et d’analyse franchie, le travail de la mise en conformité effective pourra commencer.

La nouvelle obligation de minimisation des données pourra être mise en œuvre (i.e. : données adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées).

Les supports nécessitant des mentions d’informations auront été identifiés, et pourront être mis à jour, de même que les modalités de recueil du consentement.

Les sous-traitants seront répertoriés, les transferts de données à caractère personnel hors UE également, et les contrats pourront en conséquence être revus à l’aune des obligations du RGPD.

La documentation interne de la conformité pourra être rédigée, ou mise à jour :

Enfin, le RGPD impose une amélioration continue de la protection des données à caractère personnel, ce qui nécessitera un suivi régulier du registre des activités de traitement, la sensibilisation et la formation des personnels en charges de ces questions, et la mise à jour régulière des différentes politiques mises en place en matière de protection des données.

Le RGPD considère la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel comme un droit fondamental, et indique expressément que « le traitement des données à caractère personnel devrait être conçu pour servir l’humanité. ».

Avant de servir l’humanité, les traitements de données à caractère personnel servent votre entreprise, ce sont des biens immatériels dont il faut préserver la valeur en protégeant notamment leur exactitude et leur sécurité.

Alice GUIZARD-COLLIN Avocat Guizard & Associés

[1La personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement.

[2La personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui traite des données à caractère personnel pour le compte du responsable du traitement.

[3Article 28 RGPD.

[4Article 13 RGPD

[5Article 14 RGPD

[6Consentement de la personne, exécution d’un contrat, conformité à un devoir légal, protection des intérêts vitaux de la personne concernée ou d’une autre personne physique, l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exécution d’une mission d’intérêt public, et enfin les intérêts légitimes poursuivis par le responsable du traitement.