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Regards croisés sur la Legaltech en France et aux USA...
Parution : mercredi 24 janvier 2018
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A l’occasion du 2ème Village de la Legaltech en décembre 2017, nous avons échangé avec Bérengère Ferrier, conseil en pilotage stratégique et marketing notamment pour les acteurs de la Legaltech. Avec une clientèle tant américaine qu’européenne, elle nous propose un regard comparatif sur ce qui se passe des deux côtés de l’Atlantique...

Issue de l’agence de publicité mondiale Saatchi & Saatchi, expatriée aux USA il y a quatre ans, Bérengère Ferrier a développé une clientèle en France et USA et réalise un "tour de la tech" en Europe pour créer des passerelles.

Comment avez-vous perçu le salon "Village de la Legaltech" français face aux salons géants américains ?

On ne peut pas comparer ces deux marchés car ils ne sont pas de même taille ; les USA sont beaucoup plus avancés, mais j’ai vu des choses intéressantes en France.

Bérengère Ferrier

Les salons américains de la Legaltech font preuve de peu d’originalité, avec une organisation assez classique de salon. Il est plus intéressant de faire des démonstrations, du pratique, une expérience concrète à vivre, et en ce sens la LegalKeynote et les ateliers proposés à Paris étaient originaux, tout comme le défi de Wolters Kluwers contre la machine, ou le Café Legaltech qui était un bel espace d’échange...

J’ai remarqué un vrai dynamisme sur cette seconde édition du salon ; on voit que les acteurs traditionnels se digitalisent, comme aux USA.
Le marché de la mise en relation est dynamique et fort, comme aux USA là encore.
Le sujet de la blockchain est assez présent en France ; là on n’est pas du tout dans l’habituelle "avance de phase" des américains pour qui c’est un sujet assez jeune.

On observe là-bas un écart grandissant entre les gros cabinets internationaux et les grandes directions juridiques qui ont les moyens d’investir dans de tels outils, peuvent former leurs équipes à l’utilisation de ces nouvelles technologies, et les structures de tailles inférieures qui doivent faire face à ces nouveaux défis, sans en avoir rellement les moyens. D’où l’émergence croissante de startup qui se positionnent sur des solutions intégrées et plus abordables, afin de démocratiser ces outils du futur.

"US Legal Tech Market Mapping", proposé par Creavilia.

On voit aussi arriver des innovations au niveau même des infrastructures IT, avec des acteurs du type OASIS Discovery qui n’hésitent pas à proposer une plateforme complète, depuis la suite de logiciels jusqu’à l’hébergement des données. Avec en plus un discours axé sur la cyber-securité, car comme chacun sait, ces sujets sont très sensibles et le moindre piratage peut être fatal. Ils se positionnent donc sur l’utilisation d’un cloud privé, pour garantir une meilleure intégrité des données.

Dans les petits et moyens cabinets d’avocats, il y a moins d’innovations... comme en
France je pense.

Les acteurs sont-ils de même nature ?

Dans la Legaltech américaine, ce sont les acteurs de l’IT qui prennent le pouvoir (du fait de la taille du marché, de nombreux acteurs sont intéressés, issus de l’informatique ou bureautique), aux côtés d’acteurs traditionnels.

Une chose très française ou européenne il me semble que j’ai constaté : les regroupements d’avocats cherchant à se structurer par eux-mêmes et à prendre position sur les technologies - voire développer leurs solutions. En France les avocats sont en train de devenir acteurs de la legaltech (NDLR : il y a en effet plusieurs réseaux d’avocats et des incubateurs issus des Ordres), ce qui n’existe que dans les gros cabinets américains à travers une "direction Technologies" intégrée.

Autre différence américaine, il y a là-bas beaucoup de liens et d’interconnections possibles entre logiciels différents, avec de gros acteurs quasi-monopolistiques qui intègrent plusieurs solutions (NDLR : une tendance qui a débuté en France fin 2017).

Pour finir j’ai noté que les USA sont en avance sur un sujet particulier, la place des femmes dans la Legaltech. Là-bas aussi les managers sont très souvent des hommes (j’ai vu très peu de femmes dirigeant des Legaltech en France !) mais le sujet s’est organisé et on en parle... apparemment pas encore en France.

Un bel exemple à suivre est le PAR Center fondé par Joy Murao à Los Angeles [1]. En plus de proposer un service de support aux Directions Juridiques qui ont besoin de se structurer pour justement intégrer ces nouvelles technologies, le Centre organise chaque mois un workshop dédié aux femmes de la Legaltech afin de les encourager à choisir cette voie et les soutenir dans leurs carrières respectives.
Pour ceux qui un jour visiteront Los Angeles, un tour guide est possible, et c’est une initiative qui a du sens, pour ne pas laisser les femmes à l’écart de ces grands enjeux technologiques.

Rédaction du village

[1Plus d’infos sur www.practicealigned.com .