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Garde à vue et fichiers de police. Par Thomas Mertens, Avocat.
Parution : mardi 26 décembre 2017
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L’identification est depuis toujours le problème majeur des enquêteurs de police. Les premiers pas de la police scientifique ont été fait par Alphonse Bertillon qui introduisait, en 1894, un système d’identification criminelle basée sur les empreintes digitales. Il faudra attendre un siècle pour que le fichier des empreintes digitales soit légalisé alors même qu’il était déjà devenu obsolète depuis la découverte de l’ADN permettant une identification plus précise et certaine.

Les services de police ont désormais accès à trois fichiers automatisé qui renferment des informations sur les personnes ayant fait l’objet d’une procédure correctionnelle ou criminelle. En pratique, chaque personne faisant l’objet d’une garde à vue sera l’objet d’un triple fichage auquel il est impossible ou, à tout le moins, dangereux de s’opposer.

Quel est le cadre et le régime juridique des trois principaux fichiers de police ?

1. Le TAJ – Traitement des antécédents judiciaire.

Ce fichier a été créé par la loi du 24 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Il a pour objet de répertorier les auteurs ou complices de crimes, de délits ou de contraventions de 5ème classe. Ce fichier vient remplacer les fichiers « STIC » (système de traitement des infractions constatées) accessible aux services de police et « JUDEX » (système judiciaire de documentation et d’exploitation) accessible aux services de Gendarmerie ; le TAJ est un fichier commune à tous les services d’enquêtes judiciaires.

Le TAJ est régi par les articles 230-6 et suivants du Code de procédure pénale qui le place sous l’autorité du parquet. Il est alimenté directement par les services d’enquête et contient des données à caractère personnel recueillies à l’occasion d’enquêtes préliminaire, de flagrance ou lorsque qu’ils agissent sur commission rogatoire d’un juge d’instruction. En d’autres termes, toute personne placée en garde à vue, même si elle en ressort sans suites et sans poursuites, fera l’objet d’une entrée dans le fichier. Ce fichier concerne également les victimes d’infractions.

Les champs de ce fichier concernent, tant pour les personnes suspectées que pour les victimes : l’identité (surnom, alias, situation familiale, filiation, nationalité, adresse), la date et le lieu de naissance, la profession, l’état de la personne, le signalement, une photographie permettant de recourir à un dispositif de reconnaissance faciale. Il contient également les faits ayant donné lieu à la mesure d’investigation ou encore les lieux et dates de l’infraction.

Ce fichier ne peut qu’être consulté par les officiers de police judiciaire de la police, la Gendarmerie et les Douanes, les Magistrats du Parquet et les agents des services judiciaires habilités par le Parquet.

Ce fichier permet, pour les services d’enquête, de connaître le « pédigrée » judiciaire des personnes interpellées et suspectées.

Les mentions de ce fichier sont, en principe, automatiquement effacées en cas de relaxe ou d’acquittement sauf décision spéciale et motivée du ministère public dont information à la personne concernée. Elles sont maintenues pendant 20 ans lorsque la personne est majeure. Ce délai peut être réduit à 5 ans pour certaines infractions comme les infractions routières) ou, au contraire, maintenues pendant 40 ans pour les infractions les plus graves. Le délai est de 5 ans lorsque la personne mise en cause est mineure, porté à 10 ans pour certaines infractions comme le vol avec violence ou l’exhibition sexuelle et à 20 ans pour les infractions les plus graves. Les victimes verront les informations qui les concernent maintenues pendant 15 ans au TAJ.

Comme pour la plupart des fichiers, il est possible, pour la personne concernée, de demander l’effacement des données lorsqu’elles figurent encore au fichier après une décision de relaxe ou d’acquittement. Cette demande doit être faite par courrier recommandé avec avis de réception au procureur de la république de la Juridiction ayant jugé l’affaire. En cas de refus ou d’absence de réponse dans le délai de deux mois, la personne concernée peut saisir le Président de la Chambre de l’instruction territorialement compétente qui doit statuer dans un délai de 6 mois.

2. Le FANEG – Fichier national des empreintes génétiques.

C’est à l’occasion de la loi sur la bioéthique du 29 juillet 1994 que fut introduit dans le code civil un article 16-11 permettant d’identifier les personnes grâce à leurs empreintes génétiques dans le cadre d’enquêtes judiciaires. Ce texte laissait ainsi ouverte la voie à la création d’un fichier regroupant ces empreintes ce qui fut fait par la Loi du 17 juin 1998 relative à la répression des infractions sexuelles et la protection de l’enfance. Cette loi fait suite aux atermoiements de l’affaire dite du « tueur de l’est parisien » (Guy Georges) qui mettait en évidence que l’ADN aurait pu permettre d’éviter plusieurs meurtres.

L’article 706-55 du Code de procédure pénale prévoit que le FNAEG a pour but de recueillir les empreintes génétiques de toutes personnes mises en cause dans une enquête criminelle ou correctionnelle. Il est donc obligatoire, pour toute personne placée en garde à vue de se soumettre à un prélèvement salivaire afin de recueillir son ADN.

Le refus de se soumettre à un tel prélèvement est puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € (article 706-56 CPP). Cette infraction est autonome et si, à l’issue de la mesure de garde à vue, le mis en cause est relaxé ou acquitté des faits qui lui son reprochés et qui ont donné lieu aux poursuites, la Juridiction peut réprimer cette infraction.

Comme pour les autres fichiers, le FNAEG n’est consultable que par des agents habilités, officiers de police judiciaire notamment.

Les données recueillies au FNAEG dont conservées pour une durée de 40 ans pour une personne définitivement condamnée et pour une durée de 25 pour des personnes mise en causes pour des infractions de nature sexuelle notamment.

Il est possible de solliciter l’effacement des données dans les mêmes conditions que pour le TAJ.

3. Le FNAED – Fichier automatisé des empreintes digitales.

Ce fichier a été créé par un Décret du 8 avril 1987 qui donnait une base légale au fichier existant et alimenté par les services d’enquête. La prise d’empreinte est un passage obligé, au même titre que le prélèvement ADN, de la garde à vue. Chaque mis en cause doit se soumettre au prélèvement de ses empreintes digitales et palmaires. Il est possible d’identifier une personne par comparaison de 12 points de son empreinte digitale.

Chaque inscription précise le nom, prénom, date, lieu de naissance, sexe, filiation de la personne mais également la nature de l’infraction ayant donné lieu au prélèvement ainsi que la précision du service ayant procédé à la mesure.

Ces traces peuvent être conservées pendant maximum 25 ans et peuvent faire l’objet d’un effacement dans les mêmes conditions que pour les autres fichiers.

Thomas Mertens Avocat au Barreau de PARIS
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