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N’oubliez pas la contrainte pénale ! Par Thomas Mertens, Avocat.
Parution : jeudi 28 décembre 2017
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Face à la problématique de la surpopulation carcérale, le coût et l’efficacité de l’incarcération, les pouvoirs publics se devaient d’offrir aux Tribunaux la possibilité de prononcer des peines alternatives à l’emprisonnement. C’est dans cet objectif que la Loi du 15 août 2014 relative au renforcement de l’efficacité des sanctions pénales que fut crée la contrainte pénale.

La contrainte pénale est une sanction et se trouve, à ce titre, codifiée à l’article 131-4 du Code pénal et aux articles 713-42 à 712-48 du Code de procédure pénale. Ces textes prévoient que le juge, en lieu et place d’une peine d’incarcération peut condamner une personne mise en cause à des obligations comme en matière de sursis avec mise à l’épreuve.

Initialement, le texte ne permettait de prononcer une contrainte pénale que pour les délits punis de peines d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à 5 ans. Depuis le 1er janvier, la contrainte pénale peut être prononcée pour tous les délits. Cette peine n’ayant pas eu le succès escompté, le législateur en a élargi le champ d’application.

Elle est bien souvent oubliée dans les prétoires et il est plutôt rare de l’entendre requise par le Ministère Public ou proposée par la Défense. Pourtant, l’article 131-4 du Code pénal a été introduit pour assurer des facilités de réinsertion à la personne condamnée et réduire le nombre de détenus.

Quel est le régime de cette peine méconnue de la pratique ?

1. Champ d’application

Comme exposé à titre liminaire, la contrainte pénale fut introduite comme peine par la Loi du 15 août 2014 afin de permettre au Tribunal correctionnel de ne pas prononcer de peines d’incarcération pour les délits de moindre importance et dont la peine d’emprisonnement ne dépassait pas 5 années au maximum.

Depuis le 1er janvier, elle a vocation à s’appliquer à l’ensemble des délits. Dès lors, le Tribunal correctionnel, qu’il soit saisi d’une procédure de comparution immédiate ou d’une homologation de proposition de peine dans le cadre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, peut avoir recours à cette sanction. Elle ne concerne donc ni les contraventions ni les crimes.

Cette généralisation à la matière correctionnelle s’inscrit dans la nécessité d’éviter l’incarcération dont le coût social est débiteur. En effet, l’incarcération n’empêche pas la récidive, pire, elle peut avoir un effet inverse, notamment chez les plus jeunes.

Au cours de l’année 2016, les contraintes pénales ont majoritairement concerné les délits routiers (35% des cas), les faits de violence (33% des cas) ou encore les vols (19%), soit les infractions qui encombrent le plus les tribunaux.

2. Conditions d’application

Pour pouvoir prononcer une contrainte pénale, le juge doit d’abord prendre en considération la situation matérielle, familiale et sociale de l’individu et que les faits de l’espèce justifient un accompagnement socio-éducatif. Il s’agit, en réalité, des mêmes critères qui doivent présider à une décision de sursis à la peine.

La juridiction fixe la durée de la peine qui peut être comprise entre 6 mois et 5 ans mais également la peine de prison encourue en cas de non-respect des obligations (2 ans maximum). Là encore, le système est comparable à celui du sursis dès lors que le condamné devra exécuter la peine de prison en cas de récidive.

Il faut donc que la personne condamnée offre des garanties d’insertion et que les faits ne soient pas considérés comme trop graves par la juridiction.

3. Effets

La mesure de contrainte pénale obligera le condamné, sous le contrôle su SPIP (Service pénitentiaire d’insertion et de probation) à respecter les obligations qui lui sont faites par le jugement et devra répondre des obligations prévues à l’article 131-4 du Code pénal, savoir :
- De répondre aux convocations du juge de l’application des peines ou du travailleur social désigné pour le suivi.
- De recevoir les visites du travailleur social et de lui communiquer les renseignements nécessaires à son suivi.
- De prévenir le travailleur social de tout changement d’emploi.
- De prévenir le travailleur social de tout changement d’adresse dès lors que ce changement dure plus de 15 jours.
- D’obtenir l’autorisation du Juge de l’application des peines pour tout déplacement à l’étranger.

Par ailleurs, le Tribunal peut infliger des obligations telles qu’elles peuvent être décernées en matière de contrôle judiciaire. Par exemple : ne pas rentrer en contact avec certaines personnes, fréquenter certains lieux.

Le condamné pourra également être astreint à effectuer des travaux d’intérêt général ou encore de se soumettre à une injonction de soins.

Il ne s’agit donc pas de mesures sans contraintes. Elles sont, pour autant, moins sévères qu’une incarcération. Il ne faut donc pas oublier de suggérer au Tribunal de la prononcer, notamment lorsque la personne mise en cause a déjà bénéficié, par le passé, d’un sursis.

Thomas Mertens Avocat au Barreau de PARIS