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Contract management : autopsie de l’approche systémique...
Parution : jeudi 11 janvier 2018
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Dans un monde en perpétuel bouleversement, lorsque le moindre élément a une incidence sur le tout, seule une approche globale permet de prendre en compte les innombrables interactions qui multiplient la difficulté d’appréhender l’ensemble des problèmes qui se posent à nous dans le cadre de la gestion d’un cycle contractuel.

Dans un contexte de crise, d’incertitudes et de complexité, cette approche globale permet d’avoir une meilleure visibilité sur le cycle contractuel et ainsi d’en expurger la complexité.

Grâce à l’approche systémique, il devient possible :

-  De décoder des situations complexes dans chaque étape du cycle ;
-  De dépasser les blocages à chaque stade du cycle (négociation, suivi, renouvellement …) ;
-  D’agir au quotidien avec d’avantage d’efficacité sur tout le cycle.

Mais que recouvre concrètement cette approche systémique ? Comment pourrait-on définir cet outil et comment peut-on l’utiliser de façon pertinente ?

C’est ce que nous allons développer dans le cadre de cet article en commençant par une expérience illustrant parfaitement le rôle de l’environnement dans l’analyse d’une décision.

I – UNE METAPHORE DE L’APPROCHE SYSTEMIQUE : L’ECHIQUIER D’ADELSON

Examinez les deux cases A et B de l’échiquier sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Échiquier_d%27Adelson .
Faites votre constat !

Puis voyez ce film
http://www.dailymotion.com/video/x2jfht3

Le résultat est étonnant. En effet, lorsque l’on fait abstraction du contexte, de l’environnement, du “vécu”, on n’a accès qu’à une perception “tronquée” de la situation qui se présente à nous.

Si on ne fait que regarder les cases A et B, on constate que ces deux cases sont de couleurs différentes : gris foncé pour la case A et gris clair pour la case B.

Les deux cases A et B ont pourtant exactement la même couleur.

Dans cette illusion, les cases A et B sont de la même couleur, alors qu’on jurerait que la case B est plus claire que la case A. Comme le montre l’image le film mentionné supra, une fois retirées de leur environnement, on observe bien que les cases sont identiques.

II- LES DIFFERENTS FACTEURS QUI EXPLIQUENT CETTE ILLUSION

Différents facteurs peuvent être à l’origine d’une illusion, mais les illusions les plus impressionnantes additionnent plusieurs phénomènes allant tous dans le même sens afin de renforcer l’effet illusoire, que l’on peut retrouver dans la gestion d’un cycle contractuel lorsqu’on ne traite pas la réception des informations extérieures : processus de sélection, de généralisation, de distorsion … qui vont conditionner le sens que nous donnons à la situation en fonction de la création de nos références, croyances, valeurs …

L’échiquier d’Adelson procède ainsi, en effet, trois facteurs sont l’origine de cette illusion :

1 - LE CONTEXTE
Le premier facteur qui explique cette différence de teinte frappante est le contexte. Ici la case A est entourée de cases plus claires tandis que la case B est entourée de cases plus foncées, ainsi, par cet effet de contraste le cerveau va obscurcir la case A et éclaircir la case B.

2 - L’ENVIRONNEMENT :
Dans l’échiquier d’Adelson, le cerveau interprète la région sombre à gauche du cylindre comme étant une zone d’ombre créée par celui-ci. Grâce aux variations de vert du cylindre, le cerveau repère immédiatement une source d’éclairage provenant de la droite.

La zone d’ombre n’atteint pas la case A par conséquent ce facteur aura seulement un impact sur la perception de la case B.

Le cerveau est confronté aux ombres en permanence , il est donc habitué à ce phénomène. Le cerveau va identifier la case B comme faisant partie de de cette zone ombragée. En se disant qu’elle doit être plus claire en pleine lumière car elle semble déjà plus claire que ces voisines il va donc lui attribuer une clarté supérieure.
Ce phénomène est appelé Constance de couleur et de luminosité. (la constance de couleur fait partit de la constance perceptuelle).

3 - LE VECU
Le dernier facteur fait appel au vécu, en effet, le choix de l’échiquier n’est pas laissé au hasard, car nous savons que dans les damiers, les cases sont alternativement claires et foncées. Ainsi dans l’ordre logique du damier, la zone B appartient à la suite des cases claires et la zone A à celle des cases foncées. Le cerveau va renforcer le contraste entre les deux, de manière à respecter cette succession de cases claires et de cases foncées, pour que l’image que nous percevons soit plus logique.

III – CONCRETISATION DE CES PRINCIPES DANS L’APPROCHE SYSTEMIQUE
On peut commencer à comprendre ce recouvre l’approche systémique : appréhender le système (intéractions en considération du contexte, de l’environnement et du vécu) et non l’élément, principe de base de la théorie systémique, qui se distingue de la logique cartésienne qui
- dissocie ;
- partage ;
- décompose.

La logique systémique va elle :
- Associer,
- Rassembler ;
- Considérer les éléments dans leur ensemble.

La logique systémique va considérer un ensemble d’éléments en interaction dont chacun va concourir à l’objectif commun ou finalité du système.

L’approche systémique va prendre en compte l’ensemble afin d’appréhender les interactions entre les différents éléments du système.

Dans le cycle contractuel, on va ainsi, en phase de pre-sales, effectuer le travail suivant en anticipant et en analysant les différentes interactions :

- Faire l’inventaire des informations à collecter ;
- Prendre en compte les particularités de la communication (surtout internationale) :
* l’intégration des significations symboliques ;
* La prise en compte du contexte culturel : l’influence des facteurs culturels sur le comportement, sur le processus de communication, sur la négociation elle-même.
- Gérer la dimension financière en relation avec les autres aspects : gestion du risque crédit, de change, les besoins de financement cycliques, financement des biens d’équipement (problématiques posées par le Cloud notamment : financement des infractructures ou solutions PaaS, IaaS, Saas par ex. …
- Connaître l’environnement légal et les usages commerciaux ;
- le choix du droit applicable, le choix du mode de résolution des litiges …
- s’interroger sur l’optimisation de la logistique (optimisation des flux inter-organisationnels (supply chain management par exemple …)…

Toutes ces actions vont ainsi faciliter la gestion du contrat et du résultat escompté (en évitant les dérives de délais, du périmètre, baisse de performance, …

1 - Les principes de l’approche systémique à intégrer tout au long du cycle :
a - Le principe d’intéraction ou d’interdépendance
Chaque élément tire son information des autres éléments et agit sur eux.

Pour comprendre un élément, il faut le considérer dans le contexte avec lequel il interagit.

Dans le cycle contractuel, on doit prendre en compte toutes les phases dès l’origine.
On doit faire interagir tous les aspects : techniques, juridiques, commerciaux, financiers, logistiques …

b - Le principe de totalité

Lorsqu’il y a un regroupement d’éléments, la logique de groupe constitué prime sur celle de chaque élément qui la compose.

Chaque phase du cycle doit systématiquement être mise en perspective avec la logique interne du cycle global.

c - Le principe de rétroaction appelé aussi feed-back ou causalité circulaire
L’effet B produit par A agit en retour sur la cause de A qui l’a produite.

Voir mon article publié sur le site du Village de la justice : "Contract management : l’approche systémique pour gérer l’incertitude et la complexité...".

d - Le principe d’homéostasie
Lorsqu’un système subit une légère transformation d’origine interne ou externe, il a tendance à revenir à son état antérieur.

Il faut prendre en compte ce principe dans le cycle contractuel (et non pas uniquement dans le cadre d’une phase du cycle

e - Le principe d’équifinalité
On peut obtenir un résultat identique à partir de conditions initiales différentes et en empruntant des chemins différents.

Ce principe permet d’élargir l’éventail de solutions créatives face à la survenance d’une problématique au cours de chaque phase contractuelle.

2 - Les préceptes de l’approche systémique à ne pas perdre de vue lors de la gestion du cycle complexe :

Il convient de relever que ces préceptes ont été construits comme préceptes complémentaires du Discours de la Méthode de Descartes

a - La réalité n’existe pas en soi
Le premier précepte de Descartes consiste à ne considérer comme vraie que les choses certaines, qu’on ne peut mettre en doute.

Le premier précepte de l’approche systémique consiste à penser que la réalité n’existe pas en soi, en dehors de celui qui l’énonce. Elle est le reflet de ses intentions.
Ion peut voir l’intérêt de cette prise de conscience en phase de négociation.

b - Recenser
Le second précepte de Descartes a pour but d’isoler, de décomposer, d’arriver à séparer toutes les parties de chaque objet considéré afin de le connaître dans ses infimes détails.

Le second précepte de l’approche systémique va au contraire tenter de recenser l’ensemble des éléments avec lesquels l’objet considéré est en relation afin de les prendre en compte.

On comprend dès lors l’intérêt de raisonner en termes de cycle et non de phase.

c - Méta -Interprétation
Le 3ème précepte de Descartes conduit chaque individu à mener ses pensées selon un ordre : du plus simple au plus compliqué.

Le 3ème précepte de l’approche systémique consiste à interpréter un comportement non pas en soi, mais par rapport au projet de celui qui l’adopte.

Ce précepte permet de dépasser les intérêts en apparence contradictoire dans chaque phase du cycle.

d - Un dernier précepte à garder à l’esprit : être conscient de l’absence d’exhaustivité
Le 4ème précepte de Descartes consiste à vouloir tout décrire dans le but de ne rien omettre.

Le 4ème précepte de l’approche systémique a pour objet de démontrer qu’il est impossible de recenser tous les facteurs à considérer face à une situation complexe.

Ainsi il faut se préparer à devoir improviser : savoir écouter (avoir l’œil à tout et enregistrer), rebondir sur des éléments imprévus, pour continuer à construire et avancer (au lieu de se braquer et de se bloquer).
Cela nécessite une agilité mentale (qui elle peut se préparer, se cultiver …)

Ainsi, comparée à l’approche analytique habituelle ou à la logique cartésienne que peuvent adopter les Contract manager aux profils techniques (comme les ingénieurs …), l’approche systémique nécessite pour celui qui l’adopte un renversement de perspective.
Elle nécessite de penser AUTREMENT !

Cessons donc de nous enfermer dans des schémas déjà établis ! Sortons du cadre …Soyons novateurs … Et audacieux !

Philippe GERARD Avocat à la Cour Contract Manager certifié, Médiateur certifié et Consultant certifié en communication de crise
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