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CDI de chantier : un CDD longue durée généralisé ? Par Sarah El Hammouti, Avocate.
Parution : mercredi 3 janvier 2018
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Les ordonnances Macron amènent des modifications majeures en matière de CDD : la durée, le nombre de renouvellements et la période de carence des CDD pourront être modifiés par accord de branche, alors qu’avant seule la loi pouvait intervenir sur ces questions.
De ce fait, les salariés pourraient connaître des durées de CDD de 18 mois, renouvelables plus de deux fois, avec des périodes de carence de quelques jours.

Les ordonnances Macron amènent l’extension du contrat à durée indéterminée de chantier.

Qu’est-ce ?

Un contrat hybride à mi-chemin entre le CDD et le CDI.
Initialement, ce type de contrat était prévu pour le domaine du BTP et se distinguait par le fait qu’il ne comportait pas de terme précis, se terminait par la fin de la mission, soit du chantier.

Ce contrat a prospéré dans le BTP pour une raison des plus simples : il s’agit du domaine par excellence dans lequel il est compliqué de fixer une date de chantier précise du fait notamment des intempéries. Les avantages pour les entreprises du bâtiment sont les suivants : pas de date de fin, la fin du contrat de chantier entraîne la rupture du contrat de travail, les salariés ne reçoivent pas de prime de précarité, la période d’essai de référence est celle d’un CDI.

Ne parlons plus de CDI de chantier (CDIC), mais aujourd’hui de CDI de projet, CDI de mission, CDI d’opération.

Les conditions de recours à ce type de contrat ont été fixée par l’article L1223-8 du Code du travail, créé par ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017.
Une convention ou un accord collectif de branche étendu fixe les conditions dans lesquelles il est possible de recourir à un contrat conclu pour la durée d’un chantier ou d’une opération.

A défaut d’un tel accord, ce contrat peut être conclu dans les secteurs où son usage est habituel et conforme à l’exercice régulier de la profession qui y recourt au 1er janvier 2017.

Ce contrat est conclu pour une durée indéterminée.

Ces dispositions sont applicables aux contrats de travail conclus postérieurement à la publication de ladite ordonnance.

Une ordonnance du 20 décembre 2017 a modifié l’article L1223-9 du Code du travail en précisant que :
« La convention ou l’accord collectif prévu à l’article L. 1223-8 fixe :
1° La taille des entreprises concernées ;
2° Les activités concernées ;
3° Les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat ;
4° Les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de licenciement accordées aux salariés ;
5° Les garanties en termes de formation pour les salariés concernés ;
6° Les modalités adaptées de rupture de ce contrat dans l’hypothèse où le chantier ou l’opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser ou se termine de manière anticipée. »

Conformément à l’article 40-VIII de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux contrats de travail conclus postérieurement à la publication de ladite ordonnance.

Dès lors, les entreprises pourront recourir au CDIC après avoir adopté un accord de branches.
Ainsi, de nombreuses branches pourraient être séduites par ce type de contrats et faire des économies non négligeables. A la fin du contrat, le salarié aurait certes droit au chômage mais ne bénéficierait pas de ses indemnités de précarité.

Tout le monde peut donc être dorénavant concerné par ce CDI de mission.

S’agissant des secteurs d’activités concernés par la mesure, le texte dispose « que ce contrat peut être conclu dans les secteurs où son usage est habituel et conforme à l’exercice régulier de la profession qui y recourt au 1er janvier 2017 ».

De prime à bord, on songe tout d’abord aux domaines de l’informatique, des nouvelles technologiques et des innovations. Cependant, les hypothèses restent illimitées, il suffit simplement de faire preuve de quelque peu d’imagination…

L’intérêt est aisé à déterminer : prenons l’exemple des consultants. Leur imposer un CDI de mission permettrait d’éviter les périodes durant lesquelles ils sont payés sans exercer réellement leurs tâches. Ce sont les périodes dites d’intermissions.

De nouveaux litiges risquent d’émerger et une nouvelle précarité pour les consultants s’installer…

Sarah EL HAMMOUTI, Avocate au Barreau de Paris Master Contentieux interne et International Master Droit des affaires, Obligations civiles et commerciales
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