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Le nouvel article 905 du code de procédure civile : mode d’emploi. Par Julie Gourion-Richard, Avocat.
Parution : mercredi 3 janvier 2018
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Jusqu’au 1er Septembre 2017, les appels fixés en application des dispositions de l’article 905 du Code de procédure civile « rassuraient » les praticiens dans la mesure où ils savaient, selon l’avis de la Cour de cassation n°15011P du 3 Juin 2013, que les dispositions des articles 908 à 911 du Code de procédure civile, donc les délais et sanctions « Magendie », n’étaient pas applicables à ces procédures.

Dès lors, selon les pratiques de chaque Cour, ils respectaient « artificiellement » les délais pour conclure de 3 mois, 2 mois et 2 mois, mais prenaient un risque limité.

Il était donc assez rassurant de recevoir un programme dit « 905 » dans un dossier.

Pourtant, depuis le Décret n°2017-891 du 6 Mai 2017, la donne a changé et les articles 905 et suivants du Code de procédure civile deviennent un véritable « parcours du combattant » pour le praticien et les justiciables.

En effet, d’une procédure relativement souple (connaissant la radiation pour défaut de diligences ou la clôture de l’instruction à titre de sanction), même si devant nécessairement être brève, nous sommes passés à une procédure expéditive, à effet couperet, encadrée par des délais très stricts, et sanctionnée par la caducité de la déclaration d’appel ou l’irrecevabilité des conclusions.

Avant tout, il faut rappeler le cadre dans lequel se situent ces procédures, l’article 905 du Code de procédure civile disposant « Lorsque l’affaire semble présenter un caractère d’urgence ou être en état d’être jugée ou lorsque l’appel est relatif à une ordonnance de référé ou en la forme des référés ou à une des ordonnances du juge de la mise en état énumérées aux 1° à 4° de l’article 776, le président de la chambre saisie, d’office ou à la demande d’une partie, fixe les jours et heures auxquels l’affaire sera appelée à bref délai ; au jour indiqué, il est procédé selon les modalités prévues aux articles 760 à 762 ».

Sont donc concernés les appels relatifs :

* aux ordonnances de référé, ou rendues en la forme des référés,
* à une des ordonnances du Juge de la mise en état énumérées aux 1° à 4° de l’article 776,

Indépendamment de l’appel de ce type de décisions, les affaires présentant un caractère d’urgence, ou en état d’être jugées, quelle que soit leur nature, peuvent toujours être soumises à ce type de procédure, après que la partie concernée ait formé une requête en ce sens auprès du Président de la Chambre concernée.

La réforme n’a donc pas apporté de changement concernant les procédures visées, sauf la précision des appels des ordonnances rendues en la forme des référés.

En revanche, les innovations sont apportées dès l’article 905-1 du Code de procédure civile, nouvellement crée par l’article 17 du Décret n°2017-891 du 6 mai 2017.

Il en ressort que :

« Lorsque l’affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l’appelant signifie la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l’intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.

A peine de nullité, l’acte de signification indique à l’intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s’expose à ce qu’un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l’article 905-2, il s’expose à ce que ses écritures soient déclarées d’office irrecevables ».

Jusqu’ici, l’on connaissait la jurisprudence de la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation selon laquelle les dispositions de l’article 902 du Code de procédure civile n’avaient pas vocation à s’appliquer aux procédures fixées en application de l’article 905 du même code (Cass. civ. 2ème, 2 Juin 2016, n°16-18596).

Ce texte vient donc contourner la question puisque ce n’est effectivement pas l’article 902 du Code de procédure civile qui est visé, mais son frère jumeau, dans le cadre d’une obligation spécifique aux procédures « 905 », comprenant au minimum les mêmes conditions procédurales (et même plus) et dont le délai est encore plus court.

En effet, désormais, il incombe à l’appelant de faire signifier sa déclaration d’appel dans le délai impératif de 10 jours à compter de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe.

Il doit donc surveiller comme le lait sur le feu la réception de cet avis, dans la mesure où le message RPVA reçu a pour intitulé, en principe « Fixation art. 905 », tout simplement, sans préciser s’il s’agit d’une ancienne ou nouvelle procédure.

Ce n’est qu’après ouverture, selon les articles visés, que le praticien pourra savoir s’il s’agit ou non du fameux « avis de fixation » constituant le point de départ du délai pour faire signifier la déclaration d’appel (avec l’avis) et de conclure pour l’appelant.

A Versailles par exemple, l’avis est intitulé, après ouverture, AVIS DE FIXATION DE L’AFFAIRE À BREF DÉLAI - Articles 905, 905-1 et 905-2 du Code de procédure civile.

Il est très détaillé, reprenant le contenu des articles visés, ainsi que d’autres obligations procédurales comme celles prévues par l’article 905 relatif à la rédaction des conclusions, le dépôt du dossier de procédure dans les 15 jours précédant les plaidoiries, la demande de production d’une pièce d’identité ou d’un extrait Kbis des parties...), mais certaines Cours ne reprennent aucune information spécifique, à part des dates fixées, et le doute peut être permis si le praticien n’examine pas attentivement les textes visés par le programme.

L’acte de signification de la déclaration d’appel comporte donc la déclaration d’appel (comme pour un avis 902), mais également ce fameux avis de fixation.

Il doit, assez classiquement, contenir, à peine de nullité, l’indication selon laquelle faute par l’intimé de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l’acte, il s’expose à ce qu’un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l’article 905-2, il s’expose à ce que ses écritures soient déclarées d’office irrecevables.

Les délais pour conclure, prévus par l’article 905-2, seront examinés dans les développements suivants, mais nous resterons pour le moment sur le point précis de la signification de la déclaration d’appel et de l’avis de fixation.

Une exception est la bienvenue, afin de combler le « vide juridique » laissant le praticien dans le doute à chaque fois qu’il recevait, jusque là, une constitution adverse à l’intérieur du délai pour faire signifier sa déclaration d’appel. En revanche, l’appelant assume désormais une nouvelle obligation dans ce cas : notifier à l’avocat adverse constitué sa déclaration d’appel et l’avis de fixation, ce qui semble logique pour l’avis de fixation, mais moins pour la déclaration d’appel, puisque, par essence, le Confrère s’est constitué dessus, et en a donc nécessairement connaissance.

Cela étant, le délai de 10 jours est si bref, qu’il est assez peu habituel d’attendre de recevoir une constitution adverse dans l’intervalle.

La sanction, sans appel, est la caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office par le Président de la chambre ou le Magistrat désigné par le Premier Président.

En revanche, le délai de distance d’un mois ou de deux mois, prévu par l’article 911-2 du Code de procédure civile s’applique, mais il ne faut pas oublier, comme la Cour de cassation l’a rappelé récemment, que dès lors que la partie qui forme appel se situe sur le territoire métropolitain, de même que la cour d’appel qu’elle saisit, elle ne peut bénéficier de l’allongement des délais prévus par l’article 911-2 du code de procédure civile Cass. civ. 2eme, 7 Septembre 2017, n° 16-15.700.

C’est donc uniquement la partie demeurant à l’étranger qui en bénéficie, et non la partie qui accomplit la diligence, ce qu’il ne faut pas négliger.

Deuxième partie des innovations apportées par la réforme de la procédure d’appel : l’article 905-2, crée par l’article 17 du Décret n°2017-891 du 6 mai 2017, et dont il ressort que :

« A peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l’appelant dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.

L’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

L’intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification de l’appel incident ou de l’appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l’avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe.

L’intervenant forcé à l’instance d’appel dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification de la demande d’intervention formée à son encontre à laquelle est jointe une copie de l’avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe. L’intervenant volontaire dispose, sous la même sanction, du même délai à compter de son intervention volontaire.

Le président de la chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président peut d’office, par ordonnance, impartir des délais plus courts que ceux prévus aux alinéas précédents.
Les ordonnances du président ou du magistrat désigné par le premier président de la chambre saisie statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l’irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application du présent article et de l’article 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal ».

Ce texte prévoit les délais pour conclure de chacun.

Ainsi, il en ressort que l’appelant dispose d’un délai d’un mois pour conclure, toujours à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai, pour remettre ses conclusions au greffe.

Pour mémoire, au sens de l’article 910-1 du Code de procédure civile issu de la réforme, les conclusions exigées par l’article 905-2 sont celles, adressées à la Cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l’objet du litige.

Ces écritures doivent comprendre, selon l’article 910-4 du Code de procédure civile, dès ce premier jeu, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Il n’est donc plus possible de se dire que l’on régularise des respecter pour respecter le délai uniquement, et qu’elles seront reprises plus tard.
Et en tout état de cause, ces écritures doivent respecter les dispositions de l’article 954 du Code de procédure civile.

La sanction de l’absence de remise des conclusions dans le délai imparti est la caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office par ordonnance du Président de la chambre saisie ou du Magistrat désigné par le Premier Président.

Le terme « remis » est utilisé, ce qui signifie, au sens des dispositions de l’article 911 alinéa 1 du Code de procédure civile, qu’elles doivent être notifiées aux Avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la Cour, et qu’elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l’expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n’ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.

De son côté, l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du Président de la chambre saisie ou du Magistrat désigné par le Premier Président, d’un même délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant (ou de la signification de ses conclusions par Huissier s’il n’a pas constitué Avocat) pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

Par la suite, l’appelant « subissant » un appel incident (donc devenu « intimé incidemment ») ou un intimé provoqué (pour mémoire un appel incident formé par un intimé à l’égard d’une autre partie, même non intimée, ayant été partie en première instance) dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du Président de la chambre saisie ou du Magistrat désigné par le Premier Président, d’un nouveau délai d’un mois à compter de la notification de l’appel incident ou de l’appel provoqué, mais attention, une nouvelle obligation est ajoutée : joindre une copie de l’avis de fixation avec ses conclusions.

Quant à lui, l’intervenant forcé à l’instance d’appel dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification de la demande d’intervention formée à son encontre à laquelle est jointe une copie de l’avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe.

L’intervenant volontaire dispose, sous la même sanction, du même délai à compter de son intervention volontaire.

De la même façon que pour la signification de la déclaration d’appel et de l’avis de fixation, le délai de distance prévu par l’article 911 du Code de procédure civile demeure applicable aux délais pour conclure en matière d’appel à bref délai.

Le Président de la chambre saisie ou le Magistrat désigné par le Premier Président peut d’office, par ordonnance, impartir des délais plus courts que ceux prévus par l’article 905-2 du Code de procédure civile, mais ceux-ci étant déjà très brefs, le cas se pose assez rarement.

Innovation apportée également par la réforme, la décision d’ordonner une médiation (il ne suffit donc pas que les parties aient fait part de leur accord au Président) interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionnés à l’article 905-2.

L’interruption de ces délais produit ses effets jusqu’à l’expiration de la mission du médiateur.

Autres nouveautés apportées par la réforme :

- l’article 910-3 prévoit qu’en cas de force majeure, le Président de la chambre peut écarter l’application des sanctions prévues à l’article 905-2 et 911, mais attention, l’article 905-1 n’entre pas dans son champ d’application, la signification de la déclaration d’appel avec l’avis de fixation n’est donc pas concernée,

- l’article 911-1 dispose que la partie dont la déclaration d’appel a été frappée de caducité en application des articles 905-1 ou 905-2, ou dont l’appel a été déclaré irrecevable, n’est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie.

De même, n’est plus recevable à former appel principal l’intimé auquel ont été régulièrement notifiées les conclusions de l’appelant et qui n’a pas formé un appel incident ou provoqué contre le jugement attaqué dans le délai imparti à l’article 905-2 ou dont l’appel incident ou provoqué a été déclaré irrecevable.

Enfin, il faut préciser que les ordonnances du Président ou du Magistrat désigné par le Premier Président de la chambre saisie statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l’irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application du présent article et de l’article 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal ».

Tel est le mode d’emploi de ce nouveau texte, innovation de la réforme, que j’ai souhaité partager avec vous.

Julie Gourion-Richard Avocat au Barreau de Versailles Spécialiste de la procédure d'appel Email : [->cabinet@jgl-avocat.fr] site internet : http://www.jgl-avocat.fr
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