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La résiliation du bail commercial à l’épreuve de la procédure collective, elle peut la priver de tout effet ! Par Arnaud Boix, Avocat.
Parution : lundi 8 janvier 2018
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L’ouverture d’une procédure collective, du locataire ou du bailleur vient affecter de manière significative le régime juridique du congé donné, soit par le bailleur, soit par le locataire titulaire d’un bail commercial, il en rend l’enjeu d’autant plus complexe et risqué.

Rappelons-nous qu’à l’issue de chaque période triennale (3 ans et 6 ans, puisque le terme du bail demeure le terme du bail !) du bail, le locataire dispose du droit de donner congé au bailleur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou bien par acte d’extrajudiciaire, et ce, au moins six mois à l’avance.

Le locataire peut également délivrer un congé au moins 6 mois avant le dernier jour d’un trimestre civil, lorsque le bail a été tacitement reconduit (soit en l’absence de congé lors de l’échéance, soit en l’absence de renouvellement). Elle doit intervenir dans les formes et délais prévus à l’article L. 145-9 du Code de commerce.

A défaut la validité ou l’effet même de la résiliation en est affectée ou au mieux reportée aux termes suivants.
Par précaution, il vaut mieux en confier la rédaction à un professionnel du droit.

Le locataire peut également à tout moment en cours de bail résilier le bail lorsque le bailleur a manqué à ses principales obligations, le préalable étant de faire constater la carence du bailleur et lui avoir permis préalablement de se corriger dans un délai raisonnable.
Mais, les parties peuvent également décider à n’importe quel moment du bail de mettre fin à leur relation contractuelle en respectant certaines conditions de forme impératives aux risques de remettre en question la validité de la résiliation amiable convenue entre elles.

Attention aux éventuels créanciers inscrits sur le fonds exploité dans les locaux loués !
Pour sa part le bailleur, à l’expiration de chaque période triennale, comme pour le terme du bail ou en cas de tacite prolongation du bail, peut donner congé en notifiant au locataire, un congé, sans offre de renouvellement, par acte extrajudiciaire (en pas par une simple LRAR même si le bail le prévoit !) en précisant, sous peine de nullité, les motifs du refus, et la possibilité pour le locataire de contester ou de demander une indemnité d’éviction au tribunal dans un délai de 2 ans (délai de prescription de l’art L 145-60 du Code de Commerce) à conditions de réunir certaines conditions.
En cas de motifs graves et légitimes, l’indemnité d’éviction due au locataire par le bailleur, contrepartie de sa propriété commerciale ou du droit au renouvellement du bail, peut alors ne pas être due au locataire.

Ce régime juridique résumé pour le besoin des présentes ne vaut que lorsque le locataire et le bailleur sont in bonis : Mais qu’en est-il en cas de procédure collective de l’un ou de l’autre ?

En cas d’ouverture d’une procédure collective du locataire, le locataire à la faculté à tout moment de la période d’observation, faculté attribuée en principe à l’administrateur judiciaire lorsqu’il en est désigné un dans la procédure ouverte par le Tribunal de Commerce, de résilier le bail, en le notifiant par LRAR ou par acte extrajudiciaire au bailleur.

La résiliation du bail est alors de plein droit en application des articles L622-13 et 14 du Code de commerce après un simple avis conforme du du mandataire judiciaire.
La résiliation du bail commercial intervient de plein droit au jour (exit le préavis de 6 mois !) ou le bailleur en est informé par le locataire !

Elle peut ouvrir droit dans certaines conditions à des dommages et intérêts au profit du bailleur, encore faut-il que le locataire soit solvable, ce qui est rare statistiquement parlant lorsqu’il est sous le coup d’une procédure collective !
Cette faculté n’est pas à l’avantage du bailleur au premier degré, encore que le bailleur n’a-t-il pas intérêts à recouvrer rapidement la libre disposition des locaux, un nouveau locataire solvable…. aux termes d’un nouveau bail et d’un loyer majoré… ?

Le locataire doit toutefois se montrer extrêmement prudent et respecter toutes les conditions de la procédure et c’est ce que souligne une décision de la Cour de cassation en date du 27 septembre 2016.

En effet, si le droit des procédures collectives est exclusif du droit des baux commerciaux, il n’en demeure pas moins qu’à défaut d’en respecter scrupuleusement les conditions, il est alors sans effet pour celui qui entend s’en prévaloir.

C’est ainsi qu’un locataire a donné congé à son bailleur dans les conditions du droit commun des baux rappelés (notification par HDJ 6 mois avant la date d’échéance du bail) ci avant en omettant de le délivrer au liquidateur judiciaire de la Sci bailleresse de son local dans lequel était exploité son fonds de commerce.

Dans le cadre de cette procédure, le bailleur avait été dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens aux termes du jugement de liquidation judiciaire prononcée de sorte qu’en l’absence de congé délivré par le locataire au liquidateur judicaire (substitué au gérant de la Sci par l’effet de la procédure collective), le congé était privé de tout effet.
En conséquence, le locataire a été condamné au paiement des loyers postérieurs et autres accessoires à son congé resté sans effet !

Délivrer un congé pour un bail commercial notamment par le locataire demeure un exercice délicat lorsque les deux parties sont « in bonis », compte tenu des conditions légales en vigueur.

Il devient encore plus délicat, et ce malgré les apparentes facilités concédées au locataire sous le coup d’une procédure collective, lorsque le bailleur ou le preneur ne sont plus in bonis !

Le congé est un véritable enjeu, une option à ne pas rater !

Arnaud Boix, Avocat Cabinet Eloquence Avocats Associés www.eloquence-avocats.com
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