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Une année 2017 sous le signe de l’année lombarde. Par Virginie Audinot, Avocat.
Parution : vendredi 19 janvier 2018
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L’année 2017 aura marqué les esprits en droit bancaire, et plus précisément en matière d’année lombarde. Retour sur une jurisprudence fournie, et favorable aux emprunteurs.

Comme vous avez pu le constater à la lecture de mes différents billets sur le sujet, l’année a été riche en décisions favorables aux emprunteurs en matière d’année lombarde et a décidé peu à peu les concernés à intenter une action, face à des établissements bancaires implacables.

Reprenant la jurisprudence de principe issue de l’arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 2013 (Cas. civ. 1re, 19 juin 2013, n° 12-16.651), les festivités ont commencé dès le début de l’année 2017 avec un arrêt de la Cour d’appel de Paris condamnant le Crédit Lyonnais (LCL) pour avoir calculé les intérêts du prêt litigieux sur l’année lombarde, et répétant que le taux conventionnel pratiqué par écrit dans l’acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l’année civile, sous peine de se voir substituer l’intérêt légal.
Cela étant, cette espèce concernait un prêt-relais, remboursable en une seule échéance différée, et non un crédit remboursable en plusieurs mensualités.

Les banques, de leur côté, ont tenté de mettre au point différents arguments de défense, qui ont chaque fois été rejetés par les juridictions.
Le premier de ces arguments consiste à faire croire que les banques n’auraient aucune obligation de recourir à l’année civile pour le calcul des intérêts, contrairement au TEG, pour lequel le législateur exige le calcul sur la base d’une année civile.
C’est faire fi alors de l’ensemble de la construction prétorienne réalisée par nos juges, et de la jurisprudence ainsi favorable aux emprunteurs qui s’en est dégagée, étendant l’obligation de recours à l’année civile.

Ensuite, les banques prétendent également que le calcul des intérêts conventionnels serait effectué sur une moyenne de jours par mois lissés sur l’année civile de sorte qu’il produirait en réalité un résultat identique, que les intérêts soient calculés sur 360 jours ou 365...
Cet argument, que l’on peut très souvent lire dans les courriers des établissements bancaires en réponse aux emprunteurs a été purement et simplement rejeté par les juges, et ce à plusieurs reprises (CA Paris, 12 janvier 2017, précit. ; CA Paris, 23 mars 2017, Pôle 4 Ch. 8, n° 16/14662).

Enfin, un autre argument des banques consiste à dire que dès lors que le recours à l’année lombarde est inscrit noir sur blanc à l’acte de prêt via la stipulation d’une clause lombarde indiquant un calcul des intérêts sur 360 jours et non 365, l’emprunteur ne pouvait dès lors que valablement donner son consentement, en toute connaissance de cause.
Là encore, cet argument n’a pas été retenu par les juges, qui considèrent que c’est vainement que la banque soutient que la clause lombarde stipulée au contrat de prêt serait « transparente et explicite » et correspondrait à la réalité du calcul des intérêts des prêts de sorte que les emprunteurs auraient selon elle « pleinement et valablement donné leur consentement parfaitement éclairé » à ces stipulations (CA Paris, 23 mars 2017).

Au cours de l’année, la Cour d’appel de Lyon a également suivi la tendance en faveur des emprunteurs en matière d’année lombarde et condamné le Crédit Lyonnais (LCL) sur le fondement du recours à la pratique prohibée de l’année lombarde (CA Lyon, 3° ch. A, 18 mai 2017, n° 16/02196).
Dans cette affaire encore, le contrat de prêt des emprunteurs faisait clairement apparaître la clause lombarde, stipulant que « les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l’an ».
La cour a rappelé que « le taux de l’intérêt conventionnel mentionné dans l’acte de prêt consenti à un consommateur ou non-professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l’intérêt légal, être calculé sur une année civile ». La clause a été déclarée nulle, peu important les arguments invoqués par la banque.

Le 15 juin 2017, c’est au tour de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence de faire de même.

La Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 14 septembre 2017 (CA Paris, Pôle 4 ch. 8, n° 16/25687) reprend la jurisprudence désormais bien établie et rappelle que la simple présence, sur un contrat de prêt, d’une clause lombarde, indiquant que les intérêts sont calculés sur 360 jours, entraîne alors l’application du taux d’intérêt légal au lieu du taux conventionnel.

La Cour d’appel de Douai le 19 octobre 2017 fait de même (CA Douai, Ch. 8 Section 1, 19 oct. 2017, n° 16/03379), rappelant que la sanction ne peut pas être dans ce cas à mi-mesure : pas d’appréciation : la sanction du calcul des intérêts sur 360 jours est la nullité de la stipulation d’intérêt et l’application du taux légal en vigueur au jour de la conclusion du contrat de prêt, et ce pour toute la durée du contrat de prêt, à compter rétroactivement de sa conclusion, et jusqu’à son terme.

Encore en fin d’année, la jurisprudence n’a fait que se confirmer.

Le 28 novembre 2017, la Cour d’appel de Pau cette fois (CA Pau, 17/02300) a confirmé un jugement ayant condamné le CREDIT MUTUEL PYRENNEES GASCOGNE, au motif encore une fois que la pratique de l’année lombarde ne serait pas conforme aux dispositions du Code de la consommation, de sorte que la stipulation d’intérêts serait nulle.
Le taux légal de l’année de conclusion du contrat s’est donc appliqué.

Enfin, le délai de prescription applicable a également vu son application évoluer.
Je m’explique.
Le principe est que l’emprunteur dispose d’un délai de 5 ans pour initier une action devant la juridiction compétente à l’encontre de sa Banque sur le fondement du recours à la pratique de l’année lombarde.
Ce délai de 5 ans court à compter de la connaissance par l’emprunteur du recours à cette pratique, soit :
- à compter du jour de la reddition d’un rapport d’expertise lorsqu’il a fallu un tel rapport pour s’apercevoir d’un calcul sur 360 jours au lieu de 365 année civile ;
- ou à compter du jour de conclusion du contrat, lorsque celui-ci contient en ses termes une clause lombarde stipulant expressément le recours par la banque à cette pratique.

Dans ce dernier cas, les emprunteurs se voyaient vite alors opposer ce délai de 5 ans, ceux-ci n’ayant découvert souvent que tardivement l’existence d’une telle pratique d’une part, et sa sanction d’autre part, la jurisprudence en ce sens s’étant développée récemment.

Cela étant, la jurisprudence commence à s’assouplir en ce domaine et en faveur des emprunteurs.

En effet, déjà en 2015, la Cour d’appel de Versailles avait jugé que le point de départ de la prescription ne pouvait courir au jour du contrat dès lors que cette clause n’apparaît pas accessible à un emprunteur profane, par l’ambiguïté de ses termes (CA Versailles, 2 avril 2015).

Cela paraît bien logique. Comment l’emprunteur profane aurait-il pu comprendre à l’époque de la conclusion de son contrat de prêt, avant que ne soit rendue une jurisprudence qui lui est désormais favorable, la prohibition du recours à la pratique de l’année lombarde et comprendre ainsi exactement les termes de la clause lombarde contenue dans son contrat de prêt ?

Aussi, beaucoup plus récemment, la Cour de cassation cette fois, dans un arrêt du 8 février 2017, est également allée en ce sens.

Et en fin d’année encore, les juges de première instance ont suivi ce mouvement. Ainsi, le Tribunal d’Instance de Bethune a donc considéré, en présence d’une clause lombarde dans le contrat de prêt et du dépassement du délai de 5 ans, que la demande n’était pas pour autant prescrite, « la seule mention dans les conditions particulières de l’acte, de ce que les intérêts étaient calculés sur le montant du capital restant dû … sur la base d’une année bancaire de 360 jours (étant) insuffisante pour rapporter la preuve de la connaissance certaine, par l’emprunteur, de l’irrégularité susceptible d’en résulter au regard des dispositions du Code de la consommation. »

Le Tribunal a relevé par ailleurs qu’« il est constant que la condamnation de la pratique des clauses lombardes est récente et qu’elle faisait l’objet d’une diffusion restreinte et peu accessible pour un emprunteur avant l’arrêt de principe de la première chambre de la Cour de cassation du 19 juin 2013 ».

Aussi, le Tribunal a-t-il fait courir le délai de prescription à compter de cette décision de 2013, ce qui permettrait alors aux emprunteurs une action jusqu’en 2018.

Beaucoup de contrats de prêt contiennent cette clause lombarde.

Et l’économie n’est pas anodine, lorsque l’on sait par exemple que le taux légal applicable pour un contrat conclu en 2014 est de 0,04% !

Il est donc plus que temps d’agir.

Virginie Audinot, Barreau de Paris Audinot Avocat www.audinot-avocat.com
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