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Salariés, sachez obtenir le paiement de votre prime d’objectif en 2018. Par Judith Bouhana, Avocat.
Parution : vendredi 26 janvier 2018
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En ces temps de réformes substantielles du Code du travail, il est un domaine intangible, celui du droit du salarié à percevoir sa rémunération.
La jurisprudence confirme par les arrêts rendus en 2017, qu’en 2018 le salarié conserve la plénitude de ses droits au paiement de sa rémunération variable.

La protection des juges en matière de prime d’objectif

1. En l’absence de fixation de la prime d’objectif, les Juges condamnent l’employeur à la prime d’objectif maximale (Cass. Soc. 26 avril 2017 n°15-26817)

Dans cette affaire, un salarié réclamait le règlement de sa prime d’objectif en l’absence de fixation de son objectif de résultat.
Condamné en appel, au montant maximal des primes d’objectif pour l’exercice 2011 et 2012, l’employeur a formé un pourvoi en cassation au motif que :
« […] Lorsque le droit à un bonus variable résulte du contrat de travail, et à défaut d’un accord entre l’employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération, il incombe au juge de la déterminer en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes, de sorte que, si l’objectif de résultats dont le contrat de travail fait dépendre la rémunération variable n’a pas été déterminé, il appartient au juge de le fixer … ;
qu’en décidant au contraire d’accorder au salarié le montant maximal des primes envisageables au titre des exercices 2011 et 2012, sans fixer le montant des objectifs conditionnant le paiement des primes, la cour d’appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail ».

C’est-à-dire que l’employeur contestait sa condamnation au montant maximal des primes d’objectif en reprochant à la cour d’appel d’avoir statué ainsi sans fixer d’objectif à atteindre pour le salarié.

Sans surprise, la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur en rappelant « le pourvoi souverain d’appréciation des Juges du fond qui, après avoir constaté que les objectifs n’avaient pas été fixés ont estimé le montant de la rémunération variable dû au salarié en fonction des critères déterminés au contrat de travail et les éléments de la cause ».

Ainsi, selon la méthodologie construite par la Cour de cassation, il appartient aux juges du fond, en l’absence d’objectif fixé d’estimer souverainement le montant de la rémunération variable en fonction des clauses contractuelles et des éléments de la cause, c’est-à-dire en examinant toutes les pièces produites et tous les éléments factuels et juridiques.

La Cour de cassation valide ainsi le pourvoi du Juge du fond d’accorder dans le cadre de leur pourvoir souverain d’appréciation le montant maximal de la prime d’objectif non fixée au salarié.

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2. En l’absence de fixation d’objectif au salarié, les Juges doivent fixer la prime due au salarié (Cass. Soc. 27 avril 2017 n°15-21992)

Cette décision se situe dans l’exact prolongement de la précédente :
un salarié sollicitait des rappels de prime d’objectif pour les années 2011 et 2012 en l’absence de prime annuelle fixée par l’employeur, les juges avaient débouté le salarié de sa demande au motif :
« qu’il était stipulé au contrat que la prime serait déterminée en fonction de l’atteinte des objectifs annuels fixés, qu’aucun objectif annuel n’a été fixé ni notifié au salarié à ce titre,… que la juridiction saisie, en l’absence de tout élément de référence quant au montant de la prime, n’est pas en mesure de déterminer le montant dû ni pour l’année 2011 ni pour l’année 2012 ».

Or, la Cour de cassation rappelle qu’« en l’absence de fixation des objectifs, il appartenait (aux juges du fond) de déterminer le montant de la rémunération en fonction des critères visés au contrat, et à défaut, les données de la cause ».

Ainsi, le salarié ne saurait pâtir des carences de l’employeur à fixer sa prime d’objectif et être débouté de sa demande, la Cour de cassation imposant aux juges du fond de fixer cette prime suivant les clauses contractuelles et subsidiairement suivant les données de la cause.

Les juges doivent donc fixer la prime d’objectif du salarié en l’absence d’objectif fixé par l’employeur.

3. La prime d’objectif doit d’abord être fixée par les juges selon les clauses contractuelles (Cass. Soc. 31 mai 2017 n°15-27790)

Dans cette espèce, un salarié avait été débouté de sa demande de rappel de prime d’objectif par la cour d’appel qui considérait que l’employeur justifiait du paiement au salarié de primes versées en 2003 et 2004 calculées sur la base des résultats du salarié pour les années de référence.

Le salarié a formé un pourvoi en cassation en considérant qu’il « doit pourvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail… » et que la cour d’Appel avait statué « sans rechercher comme elle y était pourtant expressément invitée si les conditions d’attribution de la rémunération variable prévues dans le contrat de travail, à savoir des objectifs définis annuellement d’un commun accord entre l’employeur et le salarié avait bien était respecté ».

Sans surprise, la Cour de cassation fait droit au pourvoi du salarié qui invoquait l’obligation des Juges du fond de fixer la prime d’objectif en premier lieu suivant les clauses contractuelles et seulement à défaut suivant les données de la cause.

Or, visiblement la cour d’appel n’avait pas vérifié si les clauses contractuelles avaient été respectées par l’employeur mais s’était uniquement appuyée pour débouter le salarié sur versement par l’employeur des primes sans vérifier si les primes versées correspondaient bien aux clauses contractuelles.

Dès lors, la Cour de cassation ne pouvait qu’accueillir le pourvoi du salarié au motif suivant :
« Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes au titre du rappel de primes sur objectif, la cour d’appel retient que l’employeur verse aux débats les primes versées pour les années correspondantes, ces montants ayant été calculés sur la base des résultats du salarié pour les années de référence ;
Qu’en se déterminant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si les conditions d’attribution de la rémunération variable prévues dans le contrat de travail, à savoir des objectifs définis d’un commun accord entre l’employeur et le salarié avaient bien été respectées, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

4. L’employeur doit justifier au salarié des éléments lui permettant de vérifier le calcul de sa prime d’objectif (Cass. Soc. 31 mai 2017 n°16-12427)

De longue date il est jugé régulièrement que l’employeur doit justifier au salarié qui le demande les conditions de calcul de sa prime d’objectif qui doit reposer sur des objectifs réalisables.

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C’est ce que rappelle cette décision à l’égard d’un commercial sollicitant un rappel de commissions sur toutes les affaires qu’il avait signées en 2012 dont il n’a pas eu connaissance.

Le salarié réclamait la régularisation de la commission « sur toutes les affaires 2012, sur la valeur ajoutée des affaires dont il n’a pas eu connaissance et à défaut une somme forfaitaire de 30 000 € ».

De manière erronée, la cour d’appel avait débouté le salarié aux motifs «  que le salarié n’apporte pas le moindre élément permettant d’asseoir cette demande ».

La Cour de cassation sanctionne la cour d’appel qui a fait porter la charge de la preuve des éléments de calcul de sa prime d’objectif sur le salarié alors que de jurisprudence constante il appartient à l’employeur de justifier des conditions de fixation de la prime d’objectif (dont 31 mars 2016 n°14-17471, 3 avril 2016 n°14-26324 etc).

En outre, la Cour de cassation rappelle que l’employeur ne peut modifier le périmètre de prospection du salarié sans son accord et juge ainsi : « que lorsque le calcul de la rémunération dépend d’éléments détenus par l’employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d’une discussion contradictoire de sorte qu’il lui appartenait de justifier les ventes menées à terme sur le secteur d’activité du salarié au cours de la période sur laquelle portait la réclamation ».

5. Le versement de la prime d’objectif au salarié dispensé d’activité (Cass. Soc. 26 avril 2017 n°16-10254)

Dans cette affaire, une salariée en congé maternité est ensuite placée en dispense d’activité dans l’attente de son reclassement avant d’être licenciée par son employeur.

La salariée sollicite alors le règlement de sa prime d’objectif pour l’année 2013, ce qui lui est refusée par l’employeur avec approbation des juges du fond qui ont rejeté « la demande de la salariée au titre du paiement d’un bonus pour l’année 2013 (au motif que) cette salariée était en congé maternité jusqu’au 21 mai 2013 puis, son poste ayant été supprimé, elle a été placée en dispense d’activité dans l’attente de son reclassement avant être licenciée ».

La Cour de cassation accueille le pourvoi de la salariée en rappelant « qu’en statuant ainsi, alors que la dispense par l’employeur de l’exécution du travail ne doit entraîner aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait reçu s’il avait accompli son travail ».

6. La prime discrétionnaire ou le revers de la médaille

Il a été exposé précédemment que la frontière entre la prime d’objectif et la prime discrétionnaire était de plus en plus ténue.

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Dans cette décision l’employeur prétendait au contraire voir qualifier de primes d’objectif ce qui s’avérait être une prime discrétionnaire dans le seul but d’obtenir une restitution de la somme versée.

L’enjeu était d’importance : la restitution d’une somme de 370 314 € correspondante selon la société à un trop perçu sur rémunération variable du salarié commis de bourse.

La banque employeur prétendait que le montant versé correspondrait à un bonus indexé sur le chiffre d’affaires qui aurait dû être restitué car ce chiffre d’affaires supérieur à la réalité serait vicié par une erreur.

La banque employeur s’appuyait également sur une convention signée entre la Direction et le Responsable de l’équipe du salarié qui imposait « de verser un bonus annuel à cette équipe dont le montant était indexé sur le chiffre d’affaires réalisé par celle-ci ».

La cour d’appel rejette la demande de l’employeur en considérant que ce bonus revêtait d’un caractère discrétionnaire au motif que « le contrat de travail (du salarié) ne prévoyait pas une telle rémunération variable et que la convention…susvisée ne pouvait lui être opposée ».

Déduction confirmée par la Cour de cassation qui ajoute « mais attendu d’abord que la Cour d’Appel ayant constaté par motifs propres et adoptés que la convention…fixant les modalités de versement d’un bonus à l’équipe était un document confidentiel auquel le salarié n’avait pas été parti et qui ne lui avait pas été communiqué, ce dont il résultait qu’il ne pouvait lui être opposé, a exactement décidé que le bonus versé par l’employeur, qui n’était pas contractuel, avait un caractère discrétionnaire ;

Attendu qu’ensuite que la cour d’appel qui a fait ressortir que le paiement du bonus discrétionnaire procédait d’une intention libérale, a estimé que la somme versée au titre de l’exercice 1999, sans lien avec les résultats obtenus par l’équipe, n’était pas indue ».

Une nouvelle fois, le droit à la rémunération du salarié l’emporte

On remarque que toutes ces décisions ont été rendues au visa de l’ancien article 1134 du Code civil relatif à la bonne foi contractuelle « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi » article transposé dans le nouvel article 1104 du Code civil qui dispose « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public ».

Judith Bouhana Avocat spécialiste en droit du travail www.bouhana-avocats.com
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