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Dans quel cas le bailleur peut-il récupérer son logement. Par Isaac Loubaton, Avocat.
Parution : vendredi 2 février 2018
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Dans le cadre de la loi du 6 juillet 1989 (article 15), le congé délivré par le bailleur peut être motivé soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux. La loi ALUR a durci les conditions de reprise et instauré un contrôle judiciaire a-priori.

Dans le cadre de la loi du 6 juillet 1989 (article 15), trois motifs de congé sont possibles :
- la reprise personnelle du logement,
- la vente du logement,
- un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant (par exemple, côté bailleur, reprise de l’immeuble pour le démolir et le reconstruire, l’améliorer le rénover, côté locataire, retards systématiques de paiement, dégradation des lieux, troubles de jouissance causés aux voisins ou violences ou insultes envers le bailleur).

1. Le contrôle a-priori par le Juge du motif du congé.

A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.

Antérieurement à loi ALUR, entrée en vigueur le 27 mars 2014. Il n’existait pas de contrôle a priori du juge sur le caractère éventuellement frauduleux du congé.

Ainsi, dans une espèce où le bail était en cours, mais le congé délivré antérieurement au 27 mars 2014, date d’entrée en vigueur de la loi ALUR, il a été considéré que l’article 15, I autorisant un contrôle a priori du juge n’était pas applicable (CA Paris 16 avril 2015).

Il a encore été jugé, antérieurement à cette loi, que l’exercice du droit de reprise entrepris sur le fondement de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 n’autorise aucun contrôle a priori puisque le bénéfice du texte n’était nullement subordonné à la justification d’un besoin de relogement du bénéficiaire (Cassation 24 janvier 1996 - CA Paris 28 février 2002 et Cassation 28 novembre 2006).

Ainsi, le bailleur, propriétaire de plusieurs appartements était libre de choisir celui qui lui convient le mieux (CA Paris 1er mars 2007).

La jurisprudence considérait alors que la reprise devait s’effectuer, sans que les juges du fond puissent, par un contrôle a priori, l’écarter au motif que le bailleur disposait dans le même immeuble d’autres logements disponibles sauf à prouver l’existence d’une fraude (Cassation 15 mai 1996, 18 février 2003, 22 octobre 2003, 19 mai 2004).

La fraude aux droits du locataire ne pourrait être démontrée que dans l’hypothèse d’une inoccupation des lieux par le bénéficiaire de la reprise sans qu’elle soit par ailleurs justifiée.

Depuis la Loi ALUR, les choses ont changé et le bailleur doit désormais faire la preuve a-priori que son congé n’est pas frauduleux c’est-à-dire qu’il n’est pas délivré à des fins purement spéculatives soit pour le vendre libre et non occupé (ce qui provoque une moins value) soit pour le relouer plus cher.

Lorsqu’il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur doit donc justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise.

Le fait pour un bailleur de délivrer un congé justifié frauduleusement par sa décision de reprendre ou de vendre le logement est puni d’une amende pénale dont le montant ne peut être supérieur à 6 000 € pour une personne physique et à 30 000 € pour une personne morale.

Le montant de l’amende est proportionné à la gravité des faits constatés. Le locataire est recevable dans sa constitution de partie civile et la demande de réparation de son préjudice.

2. Le délai de préavis du congé et ses modalités.

Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu’il émane du bailleur.

En cas d’acquisition d’un bien occupé :
- lorsque le terme du contrat de location en cours intervient plus de trois ans après la date d’acquisition, le bailleur peut donner congé à son locataire pour vendre le logement au terme du contrat de location en cours ;
- lorsque le terme du contrat de location en cours intervient moins de trois ans après la date d’acquisition, le bailleur ne peut donner congé à son locataire pour vendre le logement qu’au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du contrat de location en cours ;
- lorsque le terme du contrat en cours intervient moins de deux ans après l’acquisition, le congé pour reprise donné par le bailleur au terme du contrat de location en cours ne prend effet qu’à l’expiration d’une durée de deux ans à compter de la date d’acquisition.

En cas de contestation, le juge peut, même d’office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n’apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.

Toutefois, la possibilité pour un bailleur de donner congé à un locataire et la durée du bail sont suspendues à compter :
a) De la réception de l’avis de tenue de la réunion de la commission départementale compétente en matière d’environnement, de risques sanitaires et technologiques,
b) De l’engagement par le maire de la procédure contradictoire prévue à l’article L. 511-2 du Code de la construction et de l’habitation, relative aux bâtiments menaçant ruine.

Cette suspension est levée à l’expiration d’un délai maximal de six mois à compter de la réception du courrier de l’autorité administrative compétente engageant l’une des procédures mentionnées aux a et b, faute de notification d’un des arrêtés prévus à leur issue ou de leur abandon.

Lorsque l’autorité administrative compétente a notifié les arrêtés prévus respectivement aux articles L. 1331-25 et L. 1331-28 du Code de la santé publique ou à l’article L. 511-2 du Code de la construction et de l’habitation, il est fait application des articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code.

Une notice d’information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d’indemnisation du locataire est jointe au congé délivré par le bailleur en raison de sa décision de reprendre ou de vendre le logement.

Un arrêté du ministre chargé du logement, pris après avis de la Commission nationale de concertation, devait déterminer le contenu de cette notice.

Celui-ci est paru au Journal officiel du 20 décembre 2017 (Arrêté du 13 déc. 2017, NOR : TERL1711455A).

Il est applicable aux congés concernant les locaux loués vides délivrés à compter du 1er janvier 2018, cette notice envisage, après un préambule, les dispositions communes au congé pour vendre et au congé pour reprise, les dispositions propres à chaque catégorie de congé et les litiges relatifs aux congés. Elle dresse par ailleurs une liste des contacts utiles.

Lorsqu’il émane du locataire, le délai de préavis applicable au congé est de trois mois.

Le délai de préavis est toutefois d’un mois :
1° Sur les territoires mentionnés au premier alinéa du I de l’article 17 ;
2° En cas d’obtention d’un premier emploi, de mutation, de perte d’emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d’emploi ;
3° Pour le locataire dont l’état de santé, constaté par un certificat médical, justifie un changement de domicile ;
4° Pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active ou de l’allocation adulte handicapé ;
5° Pour le locataire qui s’est vu attribuer un logement défini à l’article L. 351-2 du Code de la construction et de l’habitation.

Le locataire souhaitant bénéficier des délais réduits de préavis mentionnés aux 1° à 5° doit préciser le motif invoqué et le justifie au moment de l’envoi de la lettre de congé. A défaut, le délai de préavis applicable à ce congé est de trois mois.

Le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, signifié par acte d’huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement. Ce délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l’acte d’huissier ou de la remise en main propre.

Pendant le délai de préavis, le locataire n’est redevable du loyer et des charges que pour le temps où il a occupé réellement les lieux si le congé a été notifié par le bailleur. Il est redevable du loyer et des charges concernant tout le délai de préavis si c’est lui qui a notifié le congé, sauf si le logement se trouve occupé avant la fin du préavis par un autre locataire en accord avec le bailleur.

A l’expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d’occupation des locaux loués.

3. Le droit de préemption du locataire.

Lorsqu’il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire : l’offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis.

A l’expiration du délai de préavis, le locataire qui n’a pas accepté l’offre de vente est déchu de plein droit de tout titre d’occupation sur le local.

Le locataire qui accepte l’offre dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur, d’un délai de deux mois pour la réalisation de l’acte de vente.

Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l’acceptation par le locataire de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Le contrat de location est prorogé jusqu’à l’expiration du délai de réalisation de la vente. Si, à l’expiration de ce délai, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est nulle de plein droit et le locataire est déchu de plein droit de tout titre d’occupation.

Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l’acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n’y a pas préalablement procédé, notifier au locataire ces conditions et prix à peine de nullité de la vente. Cette notification est effectuée à l’adresse indiquée à cet effet par le locataire au bailleur ; si le locataire n’a pas fait connaître cette adresse au bailleur, la notification est effectuée à l’adresse des locaux dont la location avait été consentie. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre est valable pendant une durée d’un mois à compter de sa réception. L’offre qui n’a pas été acceptée dans le délai d’un mois est caduque.

Le locataire qui accepte l’offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d’un délai de deux mois pour la réalisation de l’acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l’acceptation par le locataire de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l’expiration de ce délai, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est nulle de plein droit.

Les termes des cinq paragraphes précédents doivent être reproduits à peine de nullité dans chaque notification.

Ces dispositions ne sont pas applicables aux actes intervenant entre parents jusqu’au troisième degré inclus, sous la condition que l’acquéreur occupe le logement pendant une durée qui ne peut être inférieure à deux ans à compter de l’expiration du délai de préavis, ni aux actes portant sur certains immeubles (article L 111-6 alinéa 2 du Code de la construction et de l’habitation).

Dans les cas de congés pour vente prévus à l’article 11-1, l’offre de vente au profit du locataire est dissociée du congé. En outre, le non-respect de l’une des obligations relatives au congé pour vente d’un accord conclu en application de l’article 41 ter de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière, et rendu obligatoire par décret, donne lieu à l’annulation du congé.

Est nul de plein droit le congé pour vente délivré au locataire en violation de l’engagement de prorogation des contrats de bail en cours, mentionné au premier alinéa du A du I de l’article 10-1 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation (vente dans sa totalité et en une seule fois, d’un immeuble à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel de plus de cinq logements au profit d’un acquéreur ne s’engageant pas à proroger les contrats de bail).

4. La protection des locataires âgés.

Le bailleur ne peut s’opposer au renouvellement du contrat en donnant congé dans les conditions définies au paragraphe précédent à l’égard de tout locataire âgé de plus de 65 ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés fixé par arrêté du ministre chargé du logement, sans qu’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert dans les limites géographiques prévues à l’article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948. Cette disposition est également applicable lorsque le locataire a à sa charge une personne de plus de 65 ans vivant habituellement dans le logement et remplissant la condition de ressources précitée et que le montant cumulé des ressources annuelles de l’ensemble des personnes vivant au foyer est inférieur au plafond de ressources déterminé par l’arrêté précité.

Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le bailleur est une personne physique âgée de plus de 65 ans ou si ses ressources annuelles sont inférieures au plafond de ressources fixées par arrêté.

L’âge du locataire, de la personne à sa charge et celui du bailleur sont appréciés à la date d’échéance du contrat ; le montant de leurs ressources est apprécié à la date de notification du congé.

5. Les conséquences de l’abandon du logement ou du décès du locataire.

Il faut enfin signaler les dispositions de l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989 sur l’abandon de domicile.

En cas d’abandon du domicile par le locataire, le contrat de location continue :
- au profit du conjoint sans préjudice de l’article 1751 du Code civil ;
- au profit des descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l’abandon du domicile ;
- au profit du partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
- au profit des ascendants, du concubin notoire ou des personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l’abandon du domicile.

Lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré :
- au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 1751 du Code civil ;
- aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès ;
- au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ;
- aux ascendants, au concubin notoire ou aux personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.

En cas de demandes multiples, le juge se prononce en fonction des intérêts en présence.

A défaut de personnes remplissant les conditions prévues au présent article, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire ou par l’abandon du domicile par ce dernier.

Isaac LOUBATON Avocat au Barreau de Paris https://blogavocatdroitimmobiliercabinetloubaton.wordpress.com/blog/