Village de la Justice www.village-justice.com

En cas de fraude à la carte, la franchise est abaissée à 50 euros. Par Jean-Placide Nyombe, Etudiant en droit.
Parution : mardi 6 février 2018
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/fraude-carte-franchise-abaissee-euros,27124.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

La directive européenne relative aux services de paiement dans le marché intérieur (Directive 2015/2366/UE) dite « DSP 2 » transposée en droit français par l’ordonnance du 9 août 2017 apporte une grande révolution en matière de fraude à la carte en réduisant la franchise à la charge des utilisateurs de 150 à 50 euros en cas d’opération de paiement non autorisée consécutive à un vol ou à une perte d’un instrument de paiement doté d’un dispositif de sécurité personnalisé.

Primo, il convient de rappeler que l’article L133-7 I du Code monétaire et financier impose aux titulaires d’instruments de paiement, en cas de perte, vol détournement ou de toute utilisation frauduleuse dudit instrument ou des données personnelles, d’informer sans tarder leurs prestataires aux fins de blocage.
Outre le fait que l’opposition rendra la carte ainsi que ses données inutilisables, elle sera également nécessaire lorsque son titulaire effectuera une demande de remboursement auprès de son prestataire de service de paiement. En effet, les dépenses qui seront remboursées dépendront selon que l’utilisation frauduleuse avait été possible avec l’utilisation d’un dispositif de sécurité personnalisé ou non.
Dans le second cas, le remboursement sera intégral alors que dans le premier cas, il existera une franchise à la charge du titulaire de la carte. Initialement, égale à un montant de 150 euros, elle sera abaissée à 50 euros par la directive européenne DSP2.

Tout d’abord, il conviendra de rappeler brièvement le droit antérieur, ensuite nous nous attarderons sur le droit désormais en vigueur et enfin aux éventuelles conséquences.

I. Le droit antérieur

L’article L133-19 du Code monétaire et financier disposait qu’en cas d’opération de paiement non autorisée consécutive à la perte ou vol d’un instrument de paiement doté d’un dispositif de sécurité personnalisé (code secret, code sms 3D sécure, empreinte digitale…), le payeur, autrement dit le titulaire de ladite carte supportait les pertes liées avant l’opposition dans la limite d’un plafond de 150 euros.
Autrement dit, en cas d’utilisation frauduleuse d’une carte de paiement, le titulaire de l’instrument se voyait imposer une franchise de 150 euros, montant revue à la baisse avec l’entrée en vigueur de la DSP 2 le 13 janvier 2018, directive européenne relative aux services de paiement dans le marché intérieur.

II. Le droit désormais en vigueur

La DSP2 transposée par l’ordonnance du 9 août 2017 , entrée en vigueur le 13 janvier 2018 vient réduire la franchise qui passe de 150 à 50 euros . Désormais, en cas d’utilisation frauduleuse consécutive à un vol ou perte d’un instrument de paiement doté d’un dispositif de sécurité personnalisé,la responsabilité du payeur ne sera limitée qu’à 50 euros.

Quid de la ratio legis ? Cette réduction de la franchise serait en grande partie liée au développement de la fraude à la carte bancaire. En effet selon un dernier rapport de l’observatoire de la sécurité des cartes de paiement publié en 2015 , elle s’élèverait à 416 millions d’euros, faisant de la France, la « championne d’Europe des fraudes à la carte ».

Les consommateurs bénéficiant déjà des protections, ce changement pourrait sembler avoir une portée limitée, ce qui n’est pas le cas et ce notamment dans l’hypothèse où l’utilisation frauduleuse de la carte avec dispositif personnalisé de sécurité engendrerait des pertes inférieures à 150 euros.
A titre d’exemple : suite à la perte de son instrument de paiement, un consommateur constate qu’il est victime d’une fraude à la carte dont le montant se chiffre à 60 euros.
Avec la législation antérieure, une franchise de 150 serait applicable en l’espèce. Par conséquent, conformément à l’ancien article L133-19 du Code monétaire et financier, le titulaire de la carte se voyait supporter la totalité des pertes.
Dans la pratique, les banques ont mis en place des assurances optionnelles couvrant le vol et perte des instruments de paiement qui permettent de se faire rembourser la franchise.

Désormais, avec la loi en vigueur issue de la DSP 2, dans ce même cas, le consommateur supportera les pertes à hauteur de 50 euros. Il se verrait donc rembourser la somme de 10 euros par son prestataire de service de paiement, par son banquier.
Ces assurances optionnelles perte ou vol subissent donc un réel coup de la part du législateur pouvant être sur le long terme préjudiciable aux banques.

La Directive DSP2 vient égaler imposer un délai de remboursement en cas d’opérations non autorisées. En effet, la date de valeur du remboursement ne doit pas être postérieure à la date à laquelle le montant a été débité, autrement dit le remboursement doit s’effectuer J+1.
En cas de forte présomption qu’une opération non autorisée résulterait d’un comportement frauduleux du payeur, utilisateur de services de paiement, le prestataire de service de paiement devra communiquer les « raisons objectives » à l’autorité nationale, la Banque de France.

Par ailleurs la directive DSP2 introduit des nouveaux cas d’exonération de la responsabilité du titulaire de l’instrument de paiement.
Initialement, l’article L133-19 du Code monétaire et financier pose des cas d’exonération de la responsabilité du payeur :
- En cas d’opération de paiement non autorisée effectuée sans utilisation du dispositif de sécurité personnalisé.
- Si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant à l’insu du payeur, l’instrument de paiement ou les données qui lui sont liés.
- Si le prestataire de services de paiement ne fournit pas des moyens appropriés permettant l’information aux fins de blocage de l’instrument de paiement.

La DSP2 rajoute deux autres cas d’exonérations :
- Lorsque le vol ou la perte ne pouvait être détecté avant le paiement
- Lorsque la perte du moyen de paiement est causée, intentionnellement ou par négligence , à un agent ou une entité de l’établissement de crédit ou de paiement fournissant le service.

En revanche, il convient de rappeler qu’en cas des pertes résultant d’un agissement frauduleux de la part du payeur ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement aux obligations mentionnées aux articles L133-16 et L133-17 du Code monétaire et financier, à savoir l’obligation de préserver les données de sécurité personnalisées, il supportera toutes les personnes occasionnées (l’article L133-19 IV).

La directive DSP2 vient rappeler que la négligence grave doit impliquer plus que de la simple négligence et comporter un « défaut de vigilance caractérisé » comme le serait le fait de conserver les données utilisées pour autoriser une opération de paiement à côté de l’instrument de paiement, sous une forme aisément accessible et reconnaissables par des tiers. »
La charge de la preuve incombera alors au prestataire de service de paiement, preuve qualifiée de « probatio diabolica », la preuve diabolique par la doctrine pour désigner une preuve impossible à fournir de par sa nature.
Quid des conséquences ?

III. les conséquences

D’une part le législateur vient renforcer l’arsenal existant en matière de protection des consommateurs et d’une autre part il vient une fois de plus donner un « coup de massue » aux prestataires de services de paiement, en l’occurrence les banques.

En effet, le législateur européen vient compléter l’arsenal législative déjà existante et ce dans le but de « garantir un niveau élevé et harmonisé de protection des utilisateurs dans l’union ». (71 règlement EUR LEX-32015L2366-EN-EUR-Lex).
Cette nouvelle législation en vigueur constitue donc une réelle faveur pour les utilisateurs de services de paiement, les consommateurs, qui voient leurs droits une fois de plus renforcés par le législateur.
Il en résulte alors une « déresponsabilisions du payeur » et ce au détriment des prestataires de services de paiement outre le fait qu’il faille modifier les conditions générales d’utilisation (CGU) de la carte bancaire.
Comme dit supra, les banques proposent à titre optionnelle la souscription à des assurances vol et perte de carte bancaire, on pourrait présager que l’abaissement de la franchise de 150 à 50 euros aura un impact sur ces produits qui perdraient de facto leur utilité, ce qui pourrait entrainer des conséquences financières sur le long terme.

Nyombe Jean-placide Etudiant en Master 2 Droit de l\'économie parcours Consommation et Concurrence, Centre du droit de la consommation et du marché, Montpellier