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Le licenciement économique à l’aune des ordonnances dites Macron. Par Sarah El Hammouti, Avocat.
Parution : mercredi 14 février 2018
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Les ordonnances n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à « la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail » sont venues assouplir les règles en matière de licenciement pour motif économique notamment sur le périmètre d’appréciation de la cause économique (I) ainsi que sur l’obligation de reclassement (II).
Il s’agit de revenir sur les apports des ordonnances du 22 septembre 2017 sur le régime des licenciements économiques.

I/ Une appréciation plus restreinte de la cause économique.

Pour toute entreprise qui souhaite mettre en œuvre une procédure de licenciement économique, il convient d’apprécier la réalité de la cause économique qui en est à l’origine.

Lorsqu’une entreprise n’appartient pas à un groupe, la réalité du motif économique, c’est-à-dire, les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité, s’apprécient au niveau de l’entreprise uniquement.

Antérieurement aux ordonnances Macron, une jurisprudence constante était de mise en matière d’appréciation de la cause économique.
Ainsi, il a été jugé que :
« Les difficultés économiques doivent être appréciées au regard du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise concernée » (Cass.soc, 5 avril 1995, n°93-42.690).

L’employeur devait donc apporter la réalité des difficultés économiques à l’échelle du groupe auquel l’entreprise appartient. En d’autres termes, le juge prenait compte de la santé économique du groupe sur le marché à l’échelle internationale.

Désormais, l’article L.1233-3 alinéa 5 du code du travail prévoit que lorsque l’entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques s’apprécient à l’échelle nationale.

L’Article L1233-3 du code du travail dispose que :
« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise
 ».

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l’une des causes énoncées au présent article, à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.

Le périmètre du motif économique est à apprécier au niveau du :
• Groupe :
- lorsque le siège social de l’entreprise dominante est situé sur le sol français, L2331-1 Code du travail, renvoyant à L1233-1 du Code du commerce et L1233-3 du Code du Commerce ou alors une présomption quant au droit de vote, et L233_16 Code du commerce, ou une influence dominante,
- et de le cas contraire, les établissements du groupe sous le contrôle ou l’influence d’une entreprise dominante.

• Secteur d’activité :
- secteur d’activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national ».
- secteur d’activité caractérisé par la nature des biens et services délivrés, la clientèle, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

L’interrogation qui demeure est celle du marché pertinent : est-ce à apprécier au regard du droit de la concurrence ?

La charge de la pertinence du secteur d’activité pèse sur l’employeur.

Depuis les ordonnances, la loi dispense l’employeur de présenter les difficultés économiques à l’échelle internationale.

Par conséquent, un groupe international pourra, en cas de difficulté, licencier pour motif économique sans qu’à l’échelle internationale, le groupe soit en danger financièrement.

A l’instar de la cause économique, l’obligation de reclassement est touchée par la dernière réforme.

II/ Une refonte de l’obligation de reclassement.

Dans le cadre de son obligation de reclassement prévue à l’article L.1233-4 du code du travail, l’employeur est tenu de présenter des offres de reclassement aux salariés faisant l’objet d’une procédure de licenciement économique.

Auparavant, l’employeur devait se livrer à une recherche active, en formulant des offres de reclassement qui soient précises, concrètes et personnalisées, et non à se borner à adresser au salarié une liste de postes à pouvoir ouverts à l’ensemble des salariés du groupe (Cass.soc, 8 avril 2009, n°08-40.125).

Les ordonnances Macron viennent assouplir ces critères jurisprudentiels.

L’article L.1233-4 alinéa 4 du code du travail dispose que :

« L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ».

L’article L1233-4 du Code du travail est applicable aux procédures de licenciement économiques engagées au moment de la réforme.

A la lecture de l’article, les offres devront être écrites et précises mais la condition de la personnalisation des offres a été supprimée.

Un autre aspect de l’obligation ayant fait l’objet d’une modification par les ordonnances est la recherche de postes à l’étranger.

En effet, avant l’ordonnance du 22 septembre 2017, dans le cas d’un reclassement externe, l’employeur devait informer individuellement le salarié, par lettre recommandée avec accusé de réception de la possibilité de recevoir des offres à l’étranger. Le salarié pouvait préciser ses restrictions en termes de rémunération et de localisation. Cela constituait un travail de recherche assez lourd pour employeur.

C’est la raison pour laquelle, cette disposition a été supprimée par des ordonnances.

Par conséquent, on ne pourra reprocher à l’employeur de ne pas avoir rechercher en dehors du territoire national.

"Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation , les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou une partie du personnel".

Le critère est donc le lieu de l’emploi disponible (indépendamment du siège de la société).

L’article L1233-5 du Code du travail est applicable aux procédures de licenciement économiques engagées après la publication de l’ordonnance au 24 septembre 2017.

Le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciement peut être fixé par accord collectif ou décision unilatérale : « en l’absence d’un tel accord, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d’emploi, dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l’entreprise concernés par des suppressions d’emploi ».

III) Autres apports.

Il est possible d’aménager le périmètre même hors PSE ( plan de sauvegarde de l’emploi).

Autre apport de l’ordonnance Macron s’agissant de la question des reprises d’entités économique dans le cadre des licenciements collectifs.

La loi EL KHOMRI modifiait l’article L.1233-6-1 du code du travail en permettant le transfert d’une entité économique dans le cadre d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi à condition pour les entreprises :
- Ayant au moins 1000 salariés,
- Avoir accepter une offre de reprise prévue à l’article L.1233-57-19 du code du travail.

Le PSE peut inclure le transfert d’une ou plusieurs en vue d’éviter la fermeture d’un ou plusieurs établissements. De plus, les dispositions relatives au transfert ne s’appliquent pas que dans la limite des emplois non supprimés.

L’ordonnance est venue assouplir la condition de l’effectif. Ainsi, l’ordonnance a supprimé cette condition. Désormais, toutes les entreprises sont éligibles à la reprise d’une entité économique.

Sur les indemnités de licenciement pour motif économique :

A l’instar du licenciement pour motif personnel, l’article 2 de l’ordonnance modifie les règles d’indemnisation du licenciement pour motif économique. Ainsi, le plancher passe de 12 à 6 mois.

Sarah EL HAMMOUTI, Avocat à la Cour
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