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Le recours complexe à la géolocalisation des salariés. Par Mathieu Lajoinie, Avocat.
Parution : jeudi 22 février 2018
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Selon un arrêt rendu par le Conseil d’État en date du 15 décembre 2017, l’utilisation par un employeur d’un système de géolocalisation pour contrôler le temps de travail de ses salariés est illicite lorsque ce contrôle peut être fait par un autre moyen, même simplement déclaratif, fût-il moins efficace que la géolocalisation.

Le Conseil d’État approuve le 15 décembre 2017 la doctrine protectrice de la Commission nationale de l’informatique et des libertés en matière de recours à la géolocalisation pour le contrôle du temps de travail des salariés. La haute juridiction retient ainsi que si l’employeur dispose d’un système moins efficace que la géolocalisation pour contrôler le temps de travail, il doit le privilégier, même si ce système est uniquement déclaratif.

Dans cette affaire, la société ODEOLIS, qui est spécialisée dans la maintenance de systèmes informatiques, notamment de terminaux de paiement, et dont l’activité s’étend sur tout le territoire national, avait équipé les véhicules utilisés par ses techniciens itinérants de dispositifs de géolocalisation en temps réel afin, notamment, de mieux planifier ses interventions. Ces dispositifs permettaient de collecter des données relatives, notamment, aux incidents et événements de conduite ou au temps de travail des salariés.

Le 13 janvier 2016, une délégation de la CNIL a procédé à un contrôle sur place dans les locaux de la société à Aix-en-Provence, à la suite duquel la présidente de la CNIL a, par une décision du 27 juillet 2016, mis en demeure la société d’adopter un certain nombre de mesures afin de faire cesser les manquements constatés à diverses dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

La société demandait alors l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision en tant qu’elle la met en demeure de cesser de traiter les données issues de l’outil de géolocalisation afin de contrôler le temps de travail des salariés.

Les hauts magistrats administratifs confirment la décision de la Commission, en rappelant le cadre légal de la collecte des données personnelles des salariés au travail. L’article 6 de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978 prévoit qu’un traitement « ne peut porter que sur des données à caractère personnel" qui sont "collectées et traitées de manière loyale et licite », et qui sont « adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs ».

Les magistrats déduisent de ces dispositions « que l’utilisation par un employeur d’un système le contrôle de la durée du travail de ses salariés n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace que la géolocalisation ». En dehors de cette hypothèse, « la collecte et le traitement de telles données à des fins de contrôle du temps de travail doivent être regardés comme excessifs au sens du 3° de l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978 ».

Or, le Conseil d’état rappelle qu’en l’espèce, « s’agissant du traitement des données collectées à des fins de contrôle du temps de travail, si la société fournit des exemples d’employés licenciés grâce à ces informations qui attestent des facilités offertes par la géolocalisation, il ressort des pièces du dossier qu’elle dispose d’autres moyens, notamment des documents déclaratifs », pour « contrôler le temps de travail des employés ».

Dès lors, le traitement par la société des données collectées par géolocalisation à des fins de contrôle du temps de travail de ses employés était excessif (Conseil d’État, 15 décembre 2017, n° 403776).

Mathieu Lajoinie Avocat au barreau de Paris www.avocat-lajoinie.fr contact@avocat-lajoinie.fr
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