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Les instances représentatives du personnel à la RATP depuis les ordonnances Macron. Par Sarah El Hammouti, Avocate.
Parution : lundi 26 février 2018
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Les ordonnances Macron marquent un tournant majeur dans les relations collectives de travail notamment sur la fusion des instances représentatives du personnel.
Nonobstant d’impacter fortement le monde de l’entreprise, un secteur se voit également pris dans la vague des ordonnances : celle de la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP).
Il s’agit donc d’apporter un éclaircissement sur l’articulation entre le droit commun posé par les nouvelles ordonnances Macron et le régime dérogatoire de la RATP.

I/ L’avenir du comité départemental économique et professionnel à la lumière des ordonnances

Le statut du personnel de la RATP prévoit que l’ensemble des instances représentatives du personnel tirent leurs attributions et leurs prérogatives du Code du travail.

L’une des nouveautés majeures de la réforme Macron est la mise en place du Comité Social et Économique.

Cette instance réunit désormais le comité d’entreprise, les délégués du personnel et le Comité d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail.

Le comité social et économique dispose donc de prérogatives relevant de la bonne marche de l’entreprise ainsi que du champ de la santé, de la sécurité et des conditions de travail.

Ainsi, l’article L.2312-8 du Code du travail dispose que :
« Le comité social et économique a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production.

Le comité est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur :
1° Les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs
2° La modification de son organisation économique ou juridique
3° Les conditions d’emploi, de travail, notamment la durée du travail, et la formation professionnelle
4° L’introduction de nouvelles technologies, tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail
5° Les mesures prises en vue de faciliter la mise, la remise ou le maintien au travail des accidents de travail, des invalides de guerre, des invalides civils, des personnes atteintes de maladies chroniques évolutives et des travailleurs handicapés, notamment sur l’aménagement des postes de travail.

Le comité social et économique mis en place dans les entreprises d’au moins cinquante salariés exerce également les attributions prévues à la section II ».

Le statut du personnel de la RATP se réfère quant à lui au comité Régie d’entreprise tirant ses attributions du comité social et économique.

Or, le statut du personnel prévoit une instance appelée le comité départemental économique et professionnel assure « une expression collective des agents, permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’établissement, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle des agents et aux techniques d’exploitation et de production ».

Il en ressort que ces deux instances disposent des mêmes prérogatives.

Il serait intéressant de savoir comment le législateur va concilier le comité Régie d’entreprise et le comité départemental économique et professionnel.
L’un dispose des prérogatives du comité social économique qui sont plus importantes que le second.

En pratique, en cas de projet de modification d’organisation du travail, la RATP devra donc informer et consulter les deux instances.

Quid : la RATP devra-t-elle consulter le comité départemental économique et professionnel avant ou après le comité Régie d’entreprise ?

Si un critère d’antériorité est envisagé, la RATP pourrait voir ses projets être suspendus face à cette interrogation.

Il est évident qu’au regard de la problématique, le comité départemental économique et professionnel est voué à disparaître en raison de ces instances partageant les mêmes prérogatives.

II/ le conseil de ligne : un avenir incertain

Le statut du personnel prévoit une instance appelé le conseil de ligne.

Cette instance assure l’expression directe et collective sur le contenu et l’organisation du travail des agents ainsi que sur la définition et la mise en œuvre d’actions destinées à améliorer les conditions de travail dans l’entreprise.

A la lecture de l’article, le conseil de ligne dispose d’une compétence en matière d’organisation du travail et des actions liées aux conditions de travail.

Cette attribution se retrouve également dans le comité Régie d’entreprise tirant ses attributions du comité social et économique.

On peut s’interroger sur l’avenir du conseil de ligne ?

En effet, les articles L.2312-8 et L.2312-9 du code du travail prévoient que le CSE « a pour mission l’expression collective des salariés […] dans les décisions relatives […] notamment à l’organisation du travail ».

« Dans le champ de la santé, de la sécurité et des conditions de travail, le comité social économique :
- Procède à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs.
- Peut susciter toute initiative qu’il estime utile et proposer notamment d’action de prévention du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et des agissement sexistes »
.

La loi attribue aussi la possibilité pour le comité social et économique de procéder, à intervalles, réguliers à des inspections en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail.

Il est clair que dans la hiérarchie des normes, la loi prévaut sur le statut du personnel et partant de ce constat le conseil de ligne devrait disparaître.

La solution alternative serait de transformer le conseil de ligne en une forme de comité d’établissement permettant de conserver la proximité de l’instance en fonction des lignes de la RATP tout en répondant aux exigences qu’imposent les ordonnances Macron sur les domaines de compétences du CSE.

Les interrogations restent donc en suspend en attendant les orientations du législateur dans l’articulation des nouvelles ordonnances Macron et le régime dérogatoire du statut de la RATP.

Sarah EL HAMMOUTI, Avocate au Barreau de Paris
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