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La preuve des heures supplémentaires réellement effectuées. Par Laura Chambon, Juriste.
Parution : lundi 26 février 2018
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Cour de cassation, Chambre sociale, 31 janvier 2018, n°16-12.185 : Lorsqu’un salarié produit un document retranscrivant les heures supplémentaires qu’il prétend avoir effectué, l’employeur ayant la faculté de répondre à ce document, les juges ne peuvent rejeter la demande du salarié sous prétexte que ce dernier ne fournit pas d’éléments de nature à étayer ses prétentions.

En l’espèce, une salariée licenciée pour motif disciplinaire saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir le paiement d’heures supplémentaires.

Les juges du fond rejettent les demandes de la salariée, considérant que cette dernière ne rapportait pas la preuve permettant d’étayer ses prétentions et de démontrer les heures réellement effectuées.

En l’espèce, la salariée versait au débat un tableau récapitulatif des heures réalisées.

Il est notamment reproché à ce décompte de ne porter aucun détail sur les activités réellement effectuées, de ne mentionner aucune pause méridienne et de comporter une heure de début et de fin de journée identiques, alors que les activités de la salariée l’amenaient à se déplacer et à effectuer des horaires décalés.

La salariée forme un pourvoi en cassation.

La chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 31 janvier 2018 (n°16-12.185) casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel.

La Cour considère que la salariée avait produit un décompte des heures qu’elle prétendait avoir réalisées, il appartenait donc à l’employeur d’y répondre en fournissant au juge des éléments de nature à justifier les horaires réellement effectués par la salariée, comme cela est prescrit par l’article L. 3171-4 du Code du travail. Par conséquent, la Cour considère que la cour d’appel n’a pas respecté les dispositions de l’article L. 3171-4 du Code du travail.

La preuve des heures supplémentaires :

L’article L. 3171-4 du Code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Par la suite, au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Pour obtenir le paiement des heures supplémentaires qu’il prétend avoir effectué, le salarié doit étayer sa demande (Cass. soc. 25-2-2004 n° 01-45.441) par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments (Cass. soc. 24-11-2010 n° 09-40.928).

Pour autant, la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties.

Il revient au salarié d’apporter au juge des éléments de preuve permettant d’étayer ses demandes et à l’employeur d’apporter au juge des éléments de nature à justifier les horaires réellement effectués par le salarié. Si l’employeur ne produit aucun élément de nature à justifier des horaires effectués par le salarié, le juge peut se déterminer à partir des seuls éléments fournis par le salarié, s’il les estime suffisants (Cass. soc. 13-10-1998 n° 96-42.373).

Exemples jurisprudentiels :

Sont recensés ci-dessous des exemples jurisprudentiels au sein desquelles les modes de preuves ont été accueillis ou rejetés par les magistrats.

Les demandes accueillies par les juges en raison d’une preuve suffisante apportée par le salarié :
- Fourniture par le salarié d’une description précise des tâches accomplies au-delà de l’horaire légal (Cass. soc. 7-2-2001 n° 98-45.570) ;
- Tableau retraçant, sur une période de 2 ans, le nombre d’heures supplémentaires effectuées quotidiennement (Cass. soc. 16-3-2001 n° 09-67.836) ;
- Production par le salarié d’un décompte détaillé et circonstancié de ses heures de travail et d’un procès-verbal de l’inspecteur du travail constatant des dépassements d’horaires dans le service considéré (Cass. soc. 6-4-2005 n° 03-42.082) ;
- Production d’un courrier de l’employeur l’informant de ce que le poste nécessite une grande disponibilité et des horaires flexibles, d’un courrier du salarié avertissant l’employeur de la situation de sous-effectif et de son obligation d’allonger la durée de son travail et de courriers réclamant, en vain, la récupération des heures supplémentaires exécutées (Cass. soc. 26-11-2008 n° 07-42.773).

Les demandes rejetées par les juges en raison d’une preuve insuffisante apportée par le salarié :
- Production par une secrétaire médicale d’attestations imprécises émanant de patients ou de tiers, aucun décompte des heures de travail effectuées n’ayant été réalisé (Cass. soc. 16-3-2001 n° 09-71.534) ;
- Attestations d’amies extérieures à l’entreprise ne faisant que rapporter des propos que la salariée leur a tenus (Cass. soc. 14-10-2009 n° 08-43.987) ;
- Mails adressés à 7 h 14 ou 20 heures par un salarié ayant contractuellement la faculté de décaler ses horaires de présence, l’intéressé ne produisant aucun décompte précis établi au jour le jour de ses horaires de travail (Cass. soc. 22-3- 2011 n° 09-43.307).

Source : Cour de cassation, Chambre sociale, 31 janvier 2018, n°16-12.185.

Laura Chambon Juriste droit social SL CONSULTING CONSILIUM www.cabinet-sl-consulting.com Twitter : @SASConsilium Facebook : Sebastien.consilium Linkedin : SL Consulting Consilium Google+ : +SébastienLagoutte