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L’achat de panneaux photovoltaïques est un acte de consommation : Cofidis de nouveau épinglée. Par Grégory Rouland, Avocat.
Parution : lundi 5 mars 2018
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Très souvent, dans les procédures de panneaux photovotaïques, certains établissements de crédit (tel que Cofidis) soulève l’incompétence du tribunal d’instance au profit du tribunal de commerce.
La présente affaire est l’occasion de rappeler qu’un tel raisonnement est erroné. Dans un arrêt du 1er mars 2018, la cour d’appel d’Aix-en-Provence s’est permise de rappeler les règles en la matière.

Bref résumé des faits

Un couple passe commande d’une installation photovoltaïque auprès de la société Réflexe Énergie pour la somme de 32.000€, acquise à crédit auprès de la SA Cofidis.

Le vendeur précise expressément sur un papier avec en-tête de la société que l’installation permettra d’autofinancer le crédit.

La réalité étant tout autre, le coupe assigne le vendeur et Cofidis en vue de faire annuler la vente et le crédit devant le tribunal d’instance d’Aix-en-Provence.

Contre toute attente, le tribunal d’instance se déclare incompétent au profit du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence !!!

Selon le juge, la production en vue de la vente habituelle à EDF de la totalité de la production est un acte de commerce.

Le raisonnement était totalement aberrant !

Aussi, le couple a interjeté appel et a obtenu gain de cause.

Parfaite motivation des juges d’appel

En premier lieu, les juges d’appel ont déclaré que l’objet du contrat de vente est l’installation photovoltaïque et non la production d’électricité !

Par essence, l’énergie électrique ne peut être stockée et la loi du 10 février 2000 interdit de conserver l’électricité pour soi-même et à des fins domestiques, ce qui entraîne nécessairement la vente de l’électricité produite.

En clair : le consommateur qui pose des panneaux sur sa toiture sans utiliser l’énergie n’a d’autre choix que de revendre l’électricité.

De même, la revente suppose une acquisition préalable, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, car l’énergie électrique produite par les panneaux est directement vendue à EDF.

En second lieu, la cour d’appel d’Aix-en-Provence rappelle qu’ « activité et production sont deux notions distinctes ».

La production est une notion économique et non juridique, elle se définit comme l’action de produire des biens. L’électricité produite n’a pas été acquise en vue de sa revente, sa production par des particuliers ne constitue pas un acte de commerce.

Les juges d’appel ajoutent, à juste titre, qu’il convient de prendre en compte l’économie générale du contrat et notamment la puissance installée pour apprécier si les acquéreurs ont entendu pourvoir à une usage personnel ou s’adonner à une activité commerciale ou professionnelle.

En l’espèce, il apparaît que l’installation du couple répond uniquement à un intérêt personnel distinct des intérêts d’une entreprise.

En effet, si l’installation du couple avait été l’équivalent d’une centrale nucléaire, il va de soi qu’il y aurait eu acte de commerce, car le couple aurait revendu journellement de l’énergie à EDF.

Or, tel n’était pas le cas, le couple ayant seulement quelques panneaux sur leur toit pour compenser le crédit, rien de plus.

Dans ces conditions, le jugement a été infirmé et l’affaire renvoyée de nouveau devant le tribunal d’instance.

Que retenir de cette décision ?

Le raisonnement des juges est parfait !

Le prêteur a souvent tendance à détourner les règles de procédure dans le seul dessein d’obtenir que les litiges soient transférés devant les juridictions commerciales, et de priver ainsi les emprunteurs des moyens juridiques pour se défendre.

L’achat de panneaux solaires par des particuliers n’est pas un acte de commerce. Il s’agit d’un acte de consommation destiné à satisfaire un intérêt personnel : couvrir les échéances du crédit, rien de plus.

La présente décision servira sans nul doute aux justiciables victimes d’arnaques du même type.

Grégory Rouland Docteur en Droit et Avocat [->gregory.rouland@outlook.fr]
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