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Projet de loi ELAN : focus sur le bail mobilité. Par Pierre de Plater, Juriste.
Parution : mardi 6 mars 2018
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Le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ci-après, loi ELAN) précise le contenu du bail mobilité. Tel est l’objet du présent article, qui se limite à en évoquer les principales caractéristiques, dans l’attente des futurs débats parlementaires. En effet, contrairement à un nombre très important de dispositions du projet de loi ELAN, le bail mobilité ne dépend pas d’ordonnances.

Ce bail, qui serait soumis à 15 dispositions (totales ou partielles) de la loi du 6 juillet 1989, serait intégré dans un titre III de ladite loi, doté de l’ordre public.

Il s’agirait d’un bail consenti par un bailleur, personne physique ou morale, à un locataire justifiant, à sa date d’effet, être en formation professionnelle, en études supérieures, en contrat d’apprentissage, en stage ou en mission professionnelle temporaire. Ce mécanisme ne semble plus être réservé à une tranche d’âge particulière. Les pièces justificatives dont le bailleur peut justifier la production seraient celles du décret 2015-1437 du 5 novembre 2015.

Le bailleur aurait l’obligation de délivrer un logement décent, comme l’indique la référence à l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989. Il s’agirait donc d’un bail meublé au terme des articles 25-3 et suivants, correspondant aux critères du décret 2015-981 du 31 juillet 2015.

Le loyer serait librement fixé selon le projet, qui cite néanmoins l’article 25-9 relatif à l’encadrement des loyers de baux meublés en zone tendue... Aucune révision ne pourrait avoir lieu en cours de bail, ce qui ne surprend pas outre mesure, les révisions étant annuelles en matière de bail d’habitation.
Le bail devrait obligatoirement être établi par écrit. Cette exigence est véritablement essentielle, en ce qu’en l’absence de mentions permettant la conclusion d’un bail mobilité, le bail serait requalifié en bail meublé du titre I bis. L’état des lieux serait également obligatoire. L’obligation d’information du bailleur serait en outre élargie en cas d’immeuble soumis au statut de la copropriété.

Les honoraires des intermédiaires immobiliers seraient établis conformément à l’article 5 de la loi du 6 juillet 1989, renvoyant notamment au décret 2014-890 du 1er août 2014.

Les modalités de paiement du loyer et des charges devraient figurer au bail, tout comme la quote-part de chaque catégorie de charges. Les charges, appelées en même temps que le loyer, ne pourraient donner lieu qu’à un paiement forfaitaire et non à une provision. Les charges récupérables correspondent à celles de l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989. Aucune demande complémentaire de paiement ne pourrait être faite en fin de bail. Il convient donc de ne pas se « tromper » quant aux montants appelés, ceux-ci ne pouvant être « manifestement » disproportionnés entre les locataires successifs.

Le bail serait consenti pour une durée de 1 à 10 mois. Le projet ne prévoit aucun droit de préférence au profit du locataire. En cours de bail, le changement de bailleur devrait être notifié au locataire. On peut alors s’interroger sur le « devenir » du bail étudiant, sous-catégorie du bail meublé de l’article 25-7 alinéa 4 de la loi du 6 juillet 1989, qui propose un bail de 9 mois également dépourvu de tacite reconduction.

Par ailleurs, à l’expiration de la durée du bail, un nouveau bail mobilité ne peut plus être conclu entre les mêmes parties. On peut ici évoquer la similitude avec la conclusion d’un bail dérogatoire au statut des baux commerciaux, pour une durée maximale de 36 mois, à l’exception notable que ce dernier évoque la possibilité de conclure un ou plusieurs baux, entre les mêmes parties, durant cette période.
Le bailleur ne pourrait demander de dépôt de garantie, le locataire étant garanti par VISALE. En revanche, l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 s’appliquerait au bail mobilité, ouvrant la possibilité à un cautionnement. Reste néanmoins à savoir comment celui-ci pourrait « coexister » avec VISALE, dans ce cadre.

La sous-location et la cession seraient interdites, sauf autorisation du bailleur. La colocation serait possible. Cependant, toute clause de solidarité entre colocataires ou leurs cautions serait réputée non écrite. Il s’agirait d’une clause abusive qui s’ajouterait à celles de l’article 4 de la loi du 6 juillet 1989, également applicable au bail mobilité.

Le bailleur n’aurait aucun droit de donner congé, le locataire pouvant le faire à tout moment moyennant un préavis de 1 mois, par LRAR, remise en main propre ou signification. Il serait alors redevable des loyers et charges jusqu’à l’expiration du préavis, à moins qu’un locataire ne le remplace avant cette date, avec l’accord du bailleur.

Enfin, si à l’expiration du délai contractuel le locataire restait et serait laissé en possession des lieux, il s’opèrerait un nouveau bail soumis au titre I bis (location meublée de la loi du 6 juillet 1989).

Pierre de Plater www.pdpavocat.fr
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